🪙 L’or : baromètre de la défiance

Il ne promet pas la richesse, mais la sécurité. Il ne garantit pas la prospérité, mais la survie.
L’or, dont l’once flirtait avec les 2’000 dollars encore en mars 2024, est sur le point de passer le cap de 4’400. En hausse de plus de 55 % sur un an, de 16 % rien que ce mois-ci, son accélération est spectaculaire.
En tous points proportionnelle à la défiance quasi irrémédiable envers l’ordre financier mondial que révèle la flambée de cette relique barbare (termes de Keynes), détrônée le 15 août 1971 par Richard Nixon, qui suspend «temporairement» la convertibilité du dollar en or.
🕰️ Quand le “provisoire” dure toujours
S’inspirant probablement de Clémenceau, selon lequel «rien n’est plus long que le provisoire» (qui dure toujours), le Président américain était parfaitement conscient – déjà à l’époque – qu’il y avait bien plus de dollars en circulation que d’or en réserves.
Soixante-quatre ans plus tard, nous assistons en direct à l’application de «la loi de Thiers», du nom de l’un de nos anciens grands hommes politiques, Adolphe Thiers, premier Président de la IIIᵉ République.
🏛️ Le discours visionnaire de Thiers en 1848
Extrait de son prononcé à l’Assemblée nationale le 16 septembre 1848, dans le cadre de la discussion sur la Constitution, où il aborde la question du papier-monnaie :
« Le papier-monnaie — cette monnaie dont la valeur dépend uniquement de la confiance publique — : quand cette confiance fait défaut, que devient-il ? Il se déprécie. Il perd ses garanties. Et alors, le travailleur, l’artisan, le commerçant ne veulent plus en recevoir, ou l’acceptent à un prix moindre.
Il ne suffit pas de décréter que ce papier vaut une certaine somme : il faut que quelqu’un veuille l’échanger pour cette somme. Si l’échange ne se produit pas, la monnaie reste étrangère à l’économie réelle, et la société souffre.
La monnaie n’est point une création arbitraire de la loi ; elle est une marchandise, une marchandise précieuse, choisie par le consentement universel des peuples.
Quand l’État veut substituer son crédit à celui du métal, il tente de faire ce que la nature sociale ne permet pas. Le papier-monnaie, messieurs, est une illusion de richesse. Il ne crée pas de valeur réelle ; il ne fait que déplacer la richesse existante. Il est dangereux, car il peut être émis en trop grande quantité, dépréciant ainsi sa valeur. »
🪙 Une leçon d’économie toujours actuelle
Ne trouvez-vous pas ce discours étrangement moderne et adapté à nos circonstances actuelles, 177 ans plus tard ?
S’ils en ont la liberté, affirmait Thiers, les gens choisiront naturellement la meilleure monnaie, celle en laquelle ils font confiance.
Son principe, énoncé en 1848 mais étudié dans les facultés de sciences économiques du monde entier, éclaire le comportement des agents économiques qui thésaurisent la «bonne» monnaie et dépensent la «mauvaise», de moindre valeur.
Thiers connaissait son Histoire: celle où les empires de l’Antiquité avaient l’habitude, en périodes de difficultés, de diluer la concentration de leurs pièces d’or et d’argent !
⚖️ De Thiers à Gresham : la mécanique des monnaies
Précisément le phénomène décortiqué par un conseiller de la reine Élisabeth Iʳᵉ d’Angleterre au XVIᵉ siècle, Thomas Gresham, ayant découvert (à la suite d’Aristophane et de Copernic) que la «mauvaise» monnaie est systématiquement utilisée comme moyen de paiement, tandis que la «bonne» monnaie (celle ayant plus de valeur intrinsèque) est conservée.
La loi de Gresham démontre comment la monnaie de qualité (quelle que soit sa nature) tend à se raréfier, voire à disparaître de la circulation, reléguée dans les coffres-forts — aujourd’hui sur les comptes-métal ou encore sur la blockchain pour les cryptomonnaies — tandis que la monnaie dépréciée inonde les marchés.
💣 L’implosion annoncée du système fiduciaire
Ces divers principes s’appliquent aujourd’hui avec une pertinence glaçante.
Les monnaies fiduciaires – dollar, euro, yen – semblent des coquilles vides, à peine encore soutenues par une confiance évanescente en des institutions vacillantes, en des banques centrales à bout de souffle.
Symptômes manifestes de la perte de crédibilité du système et des pouvoirs en place : la Réserve fédérale américaine mise en échec par une réalité sur le terrain où le prix de l’alimentation et du logement explose de 20 à 30 % en glissement annuel réel.
Une Europe politique en lambeaux, dont la seule et unique fuite en avant consiste à se réarmer massivement, et à renouer ainsi avec ses vieux démons. Un Japon qui ne compte plus.
⚖️ Les lois de Thiers et de Gresham, plus d’actualité que jamais
Les lois de Thiers et de Gresham ne sont pas des théories poussiéreuses. Elles dissèquent la mécanique impitoyable de notre implosion.
À 4’400 $ l’once d’or, l’empire monétaire occidental n’agonise plus lentement : il convulse.
Les États-Unis d’Amérique affichent une dette qu’il est plus aisé de chiffrer à 40 trillions de dollars qu’à 40 mille milliards.
Pour la première fois de leur histoire, la charge annuelle de leur dette (1,16 trillion) dépasse ce qu’ils dépensent sur leurs armées (1,13 trillion).
Le règlement des intérêts sur leur endettement surpasse donc le coût lié à la protection et à l’expansion de leur Empire.
Je me demande ce que ferait Nixon, aujourd’hui, dans cette situation, car toutes les combines semblent épuisées.
Après tout, la vraie richesse ne s’imprime peut-être pas ?
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Lorsqu’il est constaté par les uns que la richesse accumulée [financière et immobilière] s’est accrue plus vite que la production réelle en Occident, tandis que d’autres feignent d’ignorer que la concentration des richesses n’a jamais été aussi forte aux États-Unis [post 2008] et en Europe [post 2009/2010] ayant eu pour corollaire un accroissement des inégalités agissant tel un frein à la croissance économique; que le moins-disant fiscal d’un système de caste reste une constante anti-démocratique, on devrait se dire que quelque chose cloche, car même la maxime des années 1920 du magnat américain Andrew Mellon, se rapportant à la “Trickle-Down”, est devenue une fumisterie aujourd’hui : « ce qui est bon pour les riches est bon pour le pays ». D’ailleurs, le dogme en cette théorie du ruissellement [une vue de l’esprit] ne fut-il pas encore déboulonné par les études du FMI et de l’OCDE en 2014/2015?
“Après tout, la vraie richesse ne s’imprime peut-être pas”? Certes, si l’on veut bien raisonner à la manière de Joseph Stiglitz ou Paul Krugman, par exemple, au sujet de l’agrégat PIB !
25.10.2025. Non, non et non, car là aussi il ne s’agit aucunement de “ruissellement” mais d’une influence directe sur un des piliers de l’indépendance de l’Etat [Un prêté pour un rendu?]
https://www.nytimes.com/2025/10/25/us/politics/timothy-mellon-donation-troops.html
Eh oui, Timothy Mellon n’est autre que le petit-fils héritier de feu le magnat des affaires et ancien Secrétaire du Trésor américain: Andrew Mellon.
“Après tout, la vraie richesse ne s’imprime peut-être pas”?
[Raymond – 28 mai 2019 à 21 h 26 min – Non seulement la croissance économique, mesurée par rapport à l’évolution du Produit intérieur brut (PIB) est devenue une obsession pour la plupart des économistes, des institutions financières et des politiciens, mais la nature même du « PIB est désormais obsolète » pour paraphraser l’économiste Joseph Stiglitz, car ce thermomètre reste imparfait eu égard aux nombreux agrégats déjà pervertis par l’idéologie dominante. Durant le WEF de Davos, en janvier 2016, la fronde de Joseph Stiglitz résonnera encore en prônant que les instruments de mesure de l’activité économique doivent urgemment évoluer. Pour ce qui a trait à l’économiste Paul Krugman, lui aussi récipiendaire du Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire à Alfred Nobel, il publiera une critique éloquente du PIB dans une tribune: « Le Viagra et la richesse nationale symbolise la problématique ambiguë d’un produit, le Viagra, qui donne du bonheur aux utilisateurs/consommateurs alors que sa présence dans les statistiques de production est quasiment absente ».
Quant à la notion du PNB (Produit national brut), nos sociétés modernes et développées feraient bien de s’inspirer du Bouthan, avec son BNB (Bonheur national brut), cet indice qui sert à mesurer le bonheur et le bien-être de la population du pays et qui demeure inscrit dans la constitution promulguée le 18 juillet 2008 ; il se veut une définition du niveau de vie en des termes plus globaux que le PNB (…)]
Le crépuscule du dollar américain ? “Une crise financière se profile, insidieuse et silencieuse, ce qui la rend d’autant plus redoutable (…) Cette crise, je le crains, sera systémique, inéluctable et impossible à diversifier, car elle reposera sur la concomitance explosive de deux facteurs : une dette publique des États-Unis devenue probablement insoutenable et la fragilité du dollar lui-même, pilier vacillant du système financier international. Ces deux facteurs pourraient être corrigés, mais la rhétorique de Donald Trump est fondée sur une fuite en avant cherchant la croissance économique dans de futures baisses d’impôt, et donc une augmentation de la dette publique des États-Unis. Une crise financière est donc inéluctable….” [Dixit Bruno Colmant – monétariste “désabusé”]
https://euractiv.fr/opinion/la-prochaine-crise-financiere-est-ineluctable-et-americaine/
Après avoir travaillé à la gestion de la dette publique à la direction du Trésor et devenu ensuite banquier d’affaires, Matthieu Pigasse participera également durant sa carrière à la restructuration de la dette argentine, puis conseillera aussi le gouvernement grec pendant la “crise de l’Euro” [crise des dettes souveraines] post 2009, consécutive à la crise financière américaine de 2008. Ce patron atypique au parcours riche et varié reste un fervent critique des politiques néolibérales qui auront fini par corrompre le capitalisme jusqu’au chaos [paru en 2023, son livre “La lumière du chaos” se veut un cri d’alarme contre le gouffre où nous mène une société de plus en plus inégalitaire].
L’approche néolibérale n’est pourtant du seul ressort de la droite ni de la gauche, c’est un phénomène. Raymond dit : octobre 6, 2020 à 12:57 am – Pour paraphraser un économiste – un de mes amis – professeur des universités et enseignant-chercheur, directeur de Chaire en macroéconomie et économie monétaire, Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada: “l’approche néolibérale n’a pas réduit l’intervention de l’État dans le système économique, mais a permis aux pouvoirs forts dans ce système de contrôler les institutions publiques afin d’utiliser le rôle de l’État pour atteindre l’objectif final du néolibéralisme, qui consiste à mettre le plus grand nombre possible de personnes dans une situation de besoin – donc dans une position de faiblesse et de servitude face à ces pouvoirs forts, leur permettant ainsi de faire leurs propres intérêts sans aucun type de contrainte”.
https://michelsanti.fr/inegalites/ainsi-soit-le-neoliberalisme
Pour le Dr Luke Kemp du Centre d’étude du risque existentiel de l’Université de Cambridge – qui a étudié l’effondrement de plus de 400 sociétés civiles sur 5 000 ans d’Histoire – les individus sont fondamentalement égalitaires, mais sont poussés à l’effondrement par des élites enrichies et obsédées par leur statut, tandis que les effondrements passés ont souvent amélioré la vie des citoyens ordinaires. La civilisation mondiale actuelle, cependant, est profondément interconnectée et inégalitaire et pourrait conduire au pire effondrement sociétal jamais connu, affirme le Dr Luke Kemp. La menace vient de dirigeants qui sont des « versions ambulantes de la triade noire » – narcissisme, psychopathie et machiavélisme – dans un monde extrêmement menacé.
Voilà, après une confiance aveugle concédée à Hegemon, un beau jour on ira se coucher avec la démocratie directe ou représentative en toile de fond pour se réveiller avec la dictature à nos portes !!!
La confiance se mérite, car si le dollar US est leur monnaie, il aura fini par devenir leur problème.
Raymond dit : janvier 4, 2025 à 7:59 pm: Si le fait de financer les versements d’intérêts aux créanciers existants (T-Bonds) par de nouveaux fonds de créanciers entrants (émission T-Bonds) est un crime (un schéma de Ponzi alimenté grâce à la courroie de transmission de la monnaie de réserve mondiale) – parallèlement à de notables allégements fiscaux accordés aux p’tits copains d’abord – et si l’équilibre budgétaire consiste à matraquer les biens régaliens à l’image des bébés phoques, là aussi y a du massacre dans l’air ! Mais au sein de notre monde orwellien, il ne faudrait se faire un sang d’encre puisque tout baigne…Sauf que ! (…)]
https://michelsanti.fr/non-classifiee/roi