
Que cette crise soit une chance !
Pour le bien commun, pour la préservation pure et simple du capitalisme, cette crise devrait être saisie à bras le corps car la relation de cause à effet entre l’accumulation des endettements et les inégalités, pour moi, coule de source. Le fait est que la baisse de l’endettement des plus aisés – progressive et incontestable ces deux dernières décennies – est inversement proportionnelle à l’envolée des dettes des 90% les moins fortunés. Les plus riches se retrouvent donc les créanciers en ligne directe des 90%, et ils détiennent en outre d’autres créances sous forme de dépôts bancaires, de contrats d’assurance-vie, de parts sociales dans les entreprises. En même temps, nous sommes en présence d’une légion de débiteurs qui plient et qui sont sur le point de rompre à mesure de la succession des crises et de la mauvaise gestion des Etats.
Cette simultanéité d’une infime minorité exempte de dettes qui coexiste à côté d’environ 90% de la population dont les dettes s’amoncellent fragilise évidemment une économie d’ores et déjà compromise et qui s’en serait bien passée. Voilà pourquoi les discours enflammés voire haineux à l’encontre des banquiers centraux, voilà pourquoi ce halo de théorie du complot qui entoure les banques centrales accusées de tous nos maux sont purs fantasmes. Non seulement leurs taux d’intérêt proches du zéro (ou au zéro) n’ont pas pu exacerber les inégalités, tout simplement car les moins bien nantis ne disposent pas de suffisamment d’épargne pour être pénalisés du point de vue de la rémunération d’avoirs qu’ils n’ont pas. Ce n’est par ailleurs pas la politique monétaire extraordinairement laxiste des banques centrales qui creuse les déficits lesquels sont générés en quelque sorte mécaniquement par un appétit et par une propension toujours plus importants à l’épargne (par temps incertains) et ce au détriment de l’investissement dans l’économie.
C’est cette quête effrénée et quasi maladive de sécurité (dont je parlais dans ma précédente analyse) qui a comprimé massivement les taux d’intérêt réels. C’est cette obsession des valeurs refuges qui n’a laissé d’autre choix aux intervenants privés et institutionnels en quête de liquidités que de s’endetter toujours plus. C’est la spirale de ces déficits qui a gelé la demande agrégée et la consommation chez les acteurs économiques qui ne pouvaient plus se permettre de remplir leur rôle respectifs que par davantage de dettes. C’est cette dégradation de la consommation qui, à son tour, a conduit à un creusement supplémentaire des endettements. Le fait est que les plus fortunés n’ont pas joué le jeu: ils n’ont pas transformé au moins une partie substantielle de leur épargne en investissements en direction de l’économie, car ils ont dévoyé la fonction originelle de pourvoyeuse de liquidités que fut la bourse en tiroir-caisse source de profits rapides. Ceci étant un exemple parmi tant d’autres ayant conduit le taux d’investissement à drastiquement baisser et ce en dépit de taux d’intérêt quasi nuls censés, en théorie, relancer les placements profitant à la collectivité.
A la faveur de cette crise, les gouvernements doivent casser et dépasser ce choix cornélien qui les obligeait jusque-là à préférer la hausse du chômage à celle des déficits. Dans notre contexte actuel de financement à taux nuls et même à taux négatifs à portée des Etats, ils doivent impérativement profiter de cette chance inouïe et créer des fonds souverains qui prendront littéralement des participations dans les capitaux des entreprises, y compris dans les PME, afin d’infléchir cette trajectoire et de peser sur la redistribution. L’interventionnisme intelligent des pouvoirs publics et la multiplication des partenariats privé-public doivent stimuler l’investissement et la consommation sans que cela ne passe par l’aggravation des dettes des 90%. Car la dette excessive est source de fragilité, d’instabilité, et nos économies ne pourront éternellement tourner grâce aux cycle infernal de formations/implosions de bulle spéculatives.
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Michel
A l’Auteur. Vous avez raison que la crise sanitaire est une chance, une véritable chance pour l’Europe de saisir son opportunité et préparer un nouvel avenir. Le monde a beaucoup changé aujourd’hui.
L’économie européenne, américaine, japonaise ou autre a fortiori occidental ne doit plus être raisonné en national, mais uniquement en international. C’est l’international qui commande les économies nationales.
Vous dîtes “Les plus riches se retrouvent donc les créanciers en ligne directe des 90%”. Très juste. Cependant, c’est une loi de la Nature. Il y a une interdépendance entre les plus grand nombre (PGN) qui n’ont pas beaucoup et le plus petit nombre (PPN) qui ont beaucoup. C’est pourquoi dans l’existence, il n’y a pas que l’argent.
Sur un plan métaphysique, et ce qui se rapporte à l’homme, la morale humaine qui donne sens à l’humanité vient du PGN par les principes, le respect, l’intégrité, la confiance, l’amour entre tous. Et l’argent qui fait beaucoup de mal mais dont l’humanité entière a besoin vient du PPN. Donc il y a un équilibre naturel de fait entre le PGN et le PPE.
Vous dîtes “Cette simultanéité d’une infime minorité exempte de dettes qui coexiste à côté d’environ 90% de la population dont les dettes s’amoncellent fragilise évidemment une économie d’ores et déjà compromise et qui s’en serait bien passée. Voilà pourquoi les discours enflammés voire haineux à l’encontre des banquiers centraux,”
Et vous avez raison “tout ce qui entoure les banques centrales accusées de tous nos maux sont purs fantasmes.” Pourquoi ? Parce que le PGN ne comprend pas bien les rouages complexes de l’économie mondiale dont dépend l’Europe et le monde entier. Les taux d’intérêt proches du zéro (ou au zéro) ne peuvent exacerber comme vous dîtes les inégalités. Au contraire ils facilitent les prêts, y compris les taux négatifs. Et ce n’est pas un choix des Banques centrales Européennes, américaine… mais une “Nécessité”. Ce qui est différent. La Fed a commencé à relever le taux d’intérêt, et Jérôme Powell s’est vu obligé de les baisser. Jean-Claude Trichet qui a relevé le taux d’intérêt directeur en 2011 a été vite débarqué et remplacé par Mario Draghi.
Quant à la politique monétaire extraordinairement laxiste des Banques centrales qui creuse les déficits lesquels […]…, permettez-moi de vous contredire, Mr Santi, bien au contraire, les politiques monétaires de la BCE, de la Fed, de la BoE et de la BoJ sont au contraire extraordinairement restrictives. Tout ce qui brille n’est pas or, je dois vous dire. Cela paraît laxiste mais dans la réalité c’est le contraire. Et c’est ce qui fait la force des Banques centrales occidentales. Et là aussi, ce n’est pas un choix mais une Nécessité. On peut même dire un enjeu de survie face aux rouleaux compresseurs des émergents en particulier l’Inde et surtout la Chine.
Le problème n’est pas “une propension toujours plus importants à l’épargne (par temps incertains) et ce au détriment de l’investissement dans l’économie”, D’autre part, ce ne sont pas les Banques centrales qui creusent les déficits, ce sont les États occidentaux qui ne sont pas compétitifs et monétisent leurs déficits grâce aux “pompiers centraux”, les BC. Et heureusement qu’ils sont les principaux émetteurs des monnaies internationales qui ont cours dans le monde.
La question est : “Jusqu’à quand? ” Le renminbi chinois est en marche, et les autres grands États ? Donc l’Occident doit tout refaire ou du moins s’adapter à un nouvel état du monde. Quant à la hausse du chômage et la faiblesse des investissements voire même l’absence, ils restent plus une conséquence des forces contradictoires qui activent dans le monde.
Cependant, l’intitulé de votre article a toute sa place dans les enjeux en cours, et ils sont très sérieux. Mais je pense que cette chance va s’accompagner d’un véritable réveil.
Merci de m’avoir lu.
je ne sais pas, P. Lesens, si le “véritable réveil” dont vous parlez sera au rendez-vous. Notre monde est tellement anesthésié, voire schizophrène, que j’en doute. Je rejoins Houellebecq: “Le monde de l’après Coronavirus sera comme celui de l’avant, en pire.”
Je pense, Mr Santi, que nous avons des vues dans un certain sens similaires sauf que vous raisonnez trop en national. Vous visez surtout le PGN occidental qui compte entre 1,2 et 1,3 milliard d’êtres humains et pour moins de 45% de la production mondiale.
Aujourd’hui une guerre politique et économique et surtout silencieuse fait rage entre l’Occident et l’Asie, en particulier avec la Chine. Donc la situation va être très complexe tant aujourd’hui que demain et après-demain. Et ls Banquiers centraux occidentaux sont aux premières lignes du front occidental. Et c’est la raison pour laquelle, je vous avais contredis que les politiques monétaires non conventionnels par les BC et synchronisées entre elles ne sont pas laxistes mais déflationnistes. Et une grande partie de la guerre économique Occident-Émergents se jouent dans cette zone. Une zone étroite qui met à mal les économies émergentes dans la Chine, en premier.
Si on acceptait votre version de politique monétaire non conventionnelle (QE), la question se poserait pourquoi l’inflation est très faible en Europe, aux États-Unis, y compris en Chine qui suit.
Une politique comme vous dîtes « extraordinairement laxiste » devait s’accompagner d’un taux d’inflation d’au moins 2%. Alors où vont la grande partie de la masse de liquidités injectées depuis plus de 10 ans. Depuis la crise financière de 2008.
C’est là une énigme, et il faut tirer chapeau à l’extrême intelligence des BC qui de plus ces QE massifs étaient et sont nécessaires. Sans eux l’Occident se serait fait tout simplement hara-kiri.
Je ne sais si vous allez me comprendre que tout le sens de la guerre silencieuse et tacitement coordonnée et comprise par l’adversaire est là. Et parler que « Notre monde est tellement anesthésié, voire schizophrène, que j’en doute. Je rejoins Houellebecq: « Le monde de l’après Coronavirus sera comme celui de l’avant, en pire. » »
Le monde à venir sera certes difficile, mais sera déterminant. Bien au contraire, il ne sera pas anesthésié. Le réveil est essentiel, et il le sera. C’est une question de survie pour les uns que pour les autres. Cependant une partie doit plier, certes pas totalement mais suffisamment et pour le « bien du Plus Grand Nombre de l’humanité dans l’Histoire (PGNH).
Donc essayez de comprendre pourquoi « laxiste » et « non inflationniste. Alors que normalement le processus économique aurait été contraire.
Merci de m’avoir lu.