
Le Japon au bois dormant
Sur le plan macro économique, le Japon est un laboratoire mais c’est également un cimetière où économistes et théoriciens ont dû enterrer leurs certitudes. Je salue ici la détermination que fut celle du Premier Ministre Abe sur le départ, lequel n’a lésiné ni reculé devant aucune décision ou mesure censée sortir son pays du semblant de léthargie dans lequel il est enfoncé depuis une trentaine d’années. Cette problématique liée à l’inflation que doivent donc gérer les dirigeants japonais depuis quelques décennies est pourtant plus que jamais d’actualité au sein de nos nations Occidentales. Le Président de la Réserve Fédérale US, Jay Powell, vient en effet de manière assez révolutionnaire de déclarer que sa banque centrale ferait tout ce qui est en son pouvoir afin de remonter son taux d’inflation national au-dessus de l’objectif des 2%.
Le Japon: cas d’école
Une bataille mondiale fait ainsi rage depuis en gros les épisodes déflationnistes des années 2010 afin de tenter de redémarrer les économies grâce à la mèche inflationniste. A cet égard, l’expérience, ou plutôt les multiples expériences, japonaises restent autant de cas d’école qui démontrent que l’inflation reste un spectre qu’il est très ardu de ressusciter. Car le Japon a tout essayé, lui qui entretient des déficits publics massifs depuis des décennies couplés à des taux d’intérêt proches du zéro, dont la combinaison – en théorie infernale – ne suscite aucune poussée d’urticaire inflationniste. La Banque du Japon (sa banque centrale) est donc réduite à remettre chaque année aux suivantes son objectif d’atteindre le palier des 2%. Elle n’est du reste pas au bout de ses peines car nul ne sait comment relancer dans ce pays les pressions inflationnistes.
Inflation introuvable
Toutes les théories s’y sont effectivement cassé les dents, comme celle de Milton Friedman concernant la monnaie, car l’accélération de masse monétaire en circulation n’y a strictement pas eu l’effet supposé et prévu. Probablement du fait de leur déclin démographique, les japonais n’ont pas dépensé plus – et donc pas généré d’inflation – et ce en dépit de quantités d’argent toujours plus importantes à leur disposition déversées dans le système. Par ailleurs, la conviction de nombres d’économistes – erronée selon moi – qui enseigne que l’aggravation des dettes et des déficits a une tendance mécanique, et bien-sûr néfaste, sur l’inflation a été battue en brèche car c’est bien un taux d’inflation sempiternellement au zéro qui a accompagné les creusements irrémédiables des déficits nippons.
Courbe de Phillips
La fameuse “Phillips Curve” ne fut pas plus en veine, elle qui établit une relation, difficilement contestable, entre taux d’emploi et inflation et qui se retrouve battue en brèche dans ce pays où le plein emploi coexiste harmonieusement avec un taux d’inflation insignifiant. Les fondements de cette règle de Phillips – qui n’est pas une théorie mais qui colle à la réalité en d’autres circonstances et en d’autres lieux – prouve pourtant qu’un marché de l’emploi dynamique entraîne une hausse des salaires qui relance à son tour les prix à la consommation via la demande agrégée. En outre, l’avènement en 2012 de Shinzo Abe a permis des mesures structurelles sans précédent au Japon qui aurait été à même de largement favoriser l’inflation, comme l’arrivée en force des femmes sur le marché du travail, dont la combinaison quantitative et qualitative y a fait chuter à moins de 3% le taux du chômage … sans pour autant n’avoir aucun impact haussier sur les salaires ni sur les prix.
Boom déflationniste
Nous aussi devrons apprendre, en Europe et aux Etats-Unis, à vivre sans inflation. Après tout, le Japon ne se porte pas si mal que cela car son économie parvient tout de même à générer de la croissance et même à assurer le plein emploi, malgré une pression nulle sur les prix comme sur les salaires. De mon point de vue, la croissance dénuée d’inflation que vit le Japon est même un phénomène optimal pour nos économies intégrées, post modernes et hautement digitalisées. La stabilité des prix qui règne aujourd’hui sur nos économies – principalement par temps de crise sanitaire et de son lot d’angoisses et même de paniques – est un facteur notoire de réduction des incertitudes et pour les salariés et pour les entreprises et pour les investisseurs. A bien des égards, le Japon se retrouve actuellement dans la plus enviable des situations car il jouit d’un boom déflationniste : phénomène rare mais qu’il convient d’apprécier à sa juste valeur car il démontre aux plus réticents et aux plus critiques – comme les monétaristes – qu’il est possible d’avoir de la croissance sans inflation. Bien-sûr, l’épée de Damoclès susceptible de menacer le Japon est sa dette publique massive que le retour d’une certaine inflation pourrait sensiblement réduire, qui n’empêche toutefois pas ses citoyens de jouir en toute quiétude de leur croissance sans inflation.
Tous japonais
Quoiqu’il en soit, ce pays agit comme un révélateur de vérités peu agréables à entendre pour l’économiste orthodoxe et pour qui s’intéresse à la compréhension du phénomène inflationniste, car il perturbe toutes les idées reçues et contredit toutes les théories. Ce cas japonais nous force toutes et tous à repenser et à remettre profondément en question tout ce que l’on a toujours appris sur l’inflation, chaînon fondamental de la macroéconomie. Et il est urgent de revoir notre copie car l’inflation très basse, voire nulle ou négative – qui est le point saillant de notre contexte économique depuis 2008 – est là pour durer, et ce en dépit des efforts conjuguées de nos banques centrales ayant pourtant une puissance de feu gigantesque. Je dis depuis de nombreuses années que nous sommes désormais tous japonais. Comme cette belle au bois dormant que bien des princes ont tenté de réveiller sans succès de son long sommeil.
Nous ne voyons pas la dépréciation des monnaies car toutes les banques centrales du monde agissent de concert depuis 2009 mais le covid19 à porté un coup fatal à l’ économie ce qui va engendrer beaucoup de licenciements. Si les ménages deviennent insolvables cela va mettre les établissements financiers en difficultés. Les gens ne vont plus consommer et cela va mécaniquement aggraver la situation dans beaucoup de secteurs économiques. Nous allons revoir des soupes populaires avec beaucoup de misère.
Bonjour de Quebec, Canada🇨🇦
Comme toujours je dévore chacune de vos newsletters.
Qui plus est, comme toujours , je les achemine à de mes contacts dont je suis assuré de l’intérêt même si ce n’est pas, vous en conviendrez, très « People » de par sa nature.
J’en viens au noeud de mon intervention:
– ▪️Avec notamment le contexte de pandémie,
– ▪️Avec le fait que le Canada🇨🇦, et plus particulièrement le gouvernement actuellement dirigé par le premier ministre Libéral Justin Trudeau, a ouvert les vannes jusqu’à créer un déficit pour l’année en cours aux environs de 340 milliards de dollars canadiens,
– ▪️Malgré le fait que de grandes firmes d’évaluation « nous » ont informé que la cote de notre pays ne pourrait plus être maintenue, sauf erreur de ma part, à Triple AAA mais à AA- ,
La question qui tue :
– Si j’ai bien compris votre propos de ce jour, serais-je bien fondé d’en conclure que je peux continuer de faire confiance en mon gouvernement ❓
Salutations
Bonjour cher fidèle lecteur canadien: 1, je pense que la pandémie n’est pas de la faute de Trudeau. 2, quant aux déficits, pour un pays comme le Canada qui bat sa propre monnaie et qui dispose de larges ressources, je ne me ferai pas de souci car nous vivons une époque tout à fait particulière où ces déficits doivent être multipliés afin de secourir l’économie. 3, enfin, je ne m’appesantirai pas sur les agences de notation qui sont toutes à démanteler selon moi. En conclusion, le danger et les turbulences sont mal identifiés – si je puis me permettre.
🔆 Merci infiniment pour votre diligence à me répondre et, qui plus est, de façon aussi claire et
« percutante », notamment eu égard aux agences de notation ce qui, pour un « ignare comme moi », est tout un ……choc ❗️
Mais non monsieur vous n’ êtes pas ce que vous dites mais analysez ce qui se passe, des agences de notation américaines qui notent des Etats européens. Cela devrait vous alerter, c’ est tout simplement un moyen de pression politique des Etats- unis sur l’ Europe. Les démanteler ? Il me semble que se sont encore les Américains qui dominent les débats en Occident.
Clavreul, Je regrette de vous contredire. Mais je suis véhément avec vous et je dois vous corriger.
Vous dîtes “Nous ne voyons pas la dépréciation des monnaies car toutes les banques centrales du monde agissent de concert depuis 2009 mais le covid19 à porté un coup fatal à l’ économie ce qui va engendrer beaucoup de licenciements.”
Je dois vous dire que vous avez faux sur toute la ligne. Ne savez-vous pas que ce sont les Banques centrales qui nous sauvent et je parle des quatre grandes Banques centrales Fed, BCE, BoE et BoJ. Je ne prends pas en compte la Banque centrale de Chine.
Pour simplifier la compréhension, supposez, Clavreul, que vous êtes un grand État qui domine tous les autres États de la planète. Supposez qu’un État se lève et commence à vous faire de l’ombre, en exportant plus. Et vous perdez en compétitivité au point que vous n’êtes plus compétitif que dans certains secteurs. Et que des États qui dominaient naguère comme vous ne dominent plus dans le commerce extérieur et qui sont vos alliés, et vous, Clavreul, et vos alliés, vous importez de cet État des biens, marchandises, services, etc. parce que moins chers.
Et il faut préciser, vous n’avez pas le choix. Supposez que votre Banque centrale décline, et elle n’a plus le poids qu’elle avait avant quand vous étiez dominant. Que va-t-il se passer ?Que nous donne la courbe de Phillips puisque le chômage va fortement augmenter, l’inflation va fortement aussi augmenter et entre dans le territoire de la déflation.
Donc Clavreul, votre État est dans la déprime, vos n’êtes plus rien face à cet Etat qui devient dominant. Viendra un moment où il ne va plus accepter votre argent, qui ne signifie rien pour lui. Il va vous dire payez-moi en ma monnaie. Et vous devez acheter sa monnaie sur le marché monétaire.
Et si votre monnaie s’affaisse, cet État peut exiger des contreparties physiques, par exemple, des ports, des terres agricoles, des plages, des îles, soit en concession, soit en achats nets.
Et justement, si votre Banque centrale est toujours maître du jeu, et votre monnaie ainsi que les monnaies des pays qui sont vos alliés, sont acceptées mondialement, qu’allez-vous faire ? Vous concerter avec vos alliés et tracer une stratégie face à cet État qui devient de plus en plus dominant.
On comprend dès lors que vous allez tout faire pour vos opposer à cet État. Comment ? D’abord fermer le plus possible le robinet monétaire d’une manière concertée avec vos pays amis qui sont aussi dans la même situation. Le taux d’intérêt directeur doit être bas pour longtemps pour encourager le crédit et l’investissement, et c’est difficile car le problème pour investir reste toujours la compétitivité qui fait défaut.
L’austérité coût autant que possible, importer moins autant que possible de cet État, si possible relocaliser vos entreprises dans d’autres pays à moindre coût qui ne sont pas trop liés à cet État-adversaire.
Bien sûr, grâce au pouvoir d’émission monétaire de votre Banque centrale, elle va financer le Trésor public, et donc plus de dépenses publiques pour compenser la baisse de compétitivité. La dette publique va grossir, mais n’avez pas le choix, et peu importe si elle dépasse 100% du PIB, 150% ou 200% du PIB. Puisque la dette publique est libellée en votre monnaie que votre BC peut émettre autant que nécessaire.
Et là Clavreul, vous comprenez pourquoi les Banques centrales américaine, européennes et japonaise sont le dernier REMPART qui reste à l’Occident à la fois pour modérer l’hégémonie montante des puissances adverses, et donc sauver l’Occident d’une débâcle économique certaine, et aussi de donner le temps à l’Occident d’arrêter une politique claire pour répondre aux grands enjeux et défis à venir dans le monde.
En clair, l’Occident doit trouver une riposte suffisamment forte dans l’avenir. Pourquoi ? Parce que avec la montée en puissance de cet État, les Banques centrales occidentales ne sont pas à l’abri. Elles risquent d’être déclassées. Et c’est là le plus grand enjeu à venir pour l’ensemble des grandes puissances, qui ne sera pas un match de football.
Les soupes populaires et la misère ne surviendront que si l’Occident perd le match. Mais je ne crois pas, l’Occident a suffisamment de force.
Et c’est la raison pour laquelle le Japon est déjà dans la situation de défensive. La politique déflationniste est un impératif, une nécessité et la courbe de Phillips dans ce cas ne fonctionne pas. Pourquoi ? Parce que c’est une situation spéciale. Un faible taux de chômage avec plus d’inflation ça ne fonctionne pas.
Quant à Shinzo Abe, et les mesures structurelles prises auraient été prises avec lui ou avec un autre. De même pour Mario Draghi qui a remplacé Jean-Claude Trichet, celui-ci croyait encore au père Noël, Ce sont d’ailleurs les Banquiers centraux occidentaux qui l’ont débarqué parce qu’il voyait le danger autrement, pensant qu’en augmentant le taux d’intérêt, il allait fermer plus le robinet monétaire.
Asphyxiant l’économie mondiale, il asphyxiait aussi l’économie européenne. Christine Lagarde ne changera rien du tout dans la politique monétaire européenne. Comme l’a dit un jour Jérôme Powell, on n’a rien à faire, nous suivons la situation comme elle est aujourd’hui.
Comme il l’a constaté lui-même, lorsque, commençant à augmenter fin 2015 le taux d’intérêt de la Fed, il l’a précipitamment baissé fin 2018. Il est aujourd’hui à presque zéro, (entre 0 et 0,25%).
Je crois que les taux européens, américain et japonais vont rester longtemps à ce niveau à moins d’une guerre et d’un krach qui va faire repartir l’économie mondiale, et donner à l’Occident plus de force. Et là c’est une autre histoire.
J’espère, Clavreul, que vous reconnaissez votre erreur d’appréciation sur ce qui se passe sur le plan économique dans le monde.
J’ai été un peu long, mais il fallait mettre les points sur le i.
Clavreul, Un correctif lire ” entrer en territoire de forte inflation” au lieu de “entrer dans le territoire de la déflation”.
Bonjour,
” Toutes les monnaies de papier retournent à leur valeur intrinsèque à savoir zéro “. Voltaire en 1729.
L’ once d’ or en dollars : 1999 – 260 dollars / 2020 – 1970 dollars.
Il faut bien évidemment y intégrer les taux d’ intérêts négatifs : ” On sera plus content d’ avoir un emploi plutôt que d’ avoir une épargne protégée. Je pense que c’ est dans cet esprit là que les politiques monétaires ont été menées et c’ est assez salutaire “. Christine Lagarde, présidente de la BCE.
Le to big to fail à permis la privatisation des gains et la socialisation des pertes, on ne se demande pas à qui à réellement profité les QE : ” Lorsque les fruits du travail sont mal répartis, lorsque les riches s’ enrichissent et que les classes moyennes et populaire n’ arrivent plus à garder la tête hors de l’ eau comme c’ est le cas aujourd’hui, alors c’ est tout le système qui s effondre “. Bill Gros en 1997.
https://www.dailymotion.com/video/xuvzao
” Il existe bel et bien une guerre des classes mais c’ est ma classe, la classe des riches qui fait la guerre et c’ est nous qui gagnons !” Warren Buffet.
Les banques centrales et le FMI organisent le transfert des pouvoirs publics vers des entités privées. La Grèce n’ est elle pas un exemple de ce processus destructeur de nos libertés au travers des privatisations ? Une guerre sans canons, sans morts apparentes, mais au combien destructrice pour les peuples.
KMA Sessions #5 Erik Truffaz Quartet – Acoustic set
Merci pour la musique, Clavreul. C’est la vieille génération très expressive qui écrit la musique de jazz avec des notes de noblesse. Une richesse que l’on ne trouve pas assez.
Le Japon est un pays qui vieillit très vite et dont la population diminuera de plus de 30% en 2050 par rapport à la situation actuelle (85 millions contre 126 millions). De plus l’immigration est très réduite.
Ceci pourrait être une explication d’un chômage bas et d’une déflation rampante japonaise.
Dans les pays occidentaux, l’inflation existe bien et se traduit par l’envolée du prix des actifs financiers tels que l’or, les actions, les obligations, etc…
Quand les gouvernements injecteront directement des liquidités dans la bouche des consommateurs, alors, l’inflation mesurée sera plus importante.
Nous vivons une époque exceptionnelle, car inédite, qui pourraient durer longtemps, où les taux resteront bas pour assurer le financement des états avec un déversement inouï de liquidités dans l’ensemble des économies occidentales.
Chaque plan de relance sera suivi d’un bien être très agréable mais à la fin, ce sera comme d’habitude la gueule de bois.