
Les déficiences économiques de nos dirigeants politiques
La “japanification” de nos économies occidentales dont je parle et que je décris depuis des années atteint aujourd’hui son point culminant car les deux banques centrales les plus influentes du monde -BCE et Fed- (re) sortent la grosse artillerie dans le but de faire davantage pression sur leurs taux d’intérêt. Les débats houleux – parfois haineux – envers les banques centrales accusées de tous les maux, taxées d’être – à cause de leur politique monétaire hyper laxiste – responsables du nouveau ralentissement économique : cette stigmatisation bien légère et tout compte fait populiste de la BCE et de la Réserve Fédérale passe complètement à côté d’une dimension cruciale qui, elle, est à la source de la récession. A savoir que la politique monétaire, censée contrôler et réguler le flux des financements, se grippe dès lors que les gens et que les entreprises ne cherchent plus à s’endetter. Ainsi, la croissance japonaise insignifiante et l’absence d’inflation au Japon entre 1990 et 2010, soit pendant près de 20 ans, furent le résultat d’une disparition des emprunteurs, et non d’un manque de prêteurs…
En effet, l’appétit pour le crédit se tarit dans ce pays suite à l’implosion de la bulle nippone qui vit les prix de l’immobilier commercial s’effondrer de 90% dans les années 1990. Ce retour brutal au niveau des prix du début des années 1970 détruisit bien-sûr la santé financière de tous les propriétaires de l’époque qui avaient quasiment tous acquis leurs biens par le biais de financements qu’ils devaient néanmoins continuer à honorer et ce tandis que la valeur de leurs propriétés avait fondu. Vingt 20 ans ne furent pas de trop pour que ces débiteurs sinistrés s’acquittent de leurs remboursements et retrouvent un peu de couleur et de robustesse financière. Pour autant, et même dans un contexte de taux 0 tel qu’il fut instauré par le Japon dès la fin des années 1990, une économie implose quand tous les débiteurs remboursent leurs dettes en même temps et que plus personne n’emprunte. Ce principe de base fut décrit par Keynes car – ma dépense étant votre revenu – la croissance économique se fige dès lors que nul ne consomme et que nul ne s’endette pour compenser ceux qui repaient leurs dettes et qui stoppent tout investissement. La politique monétaire de la banque centrale qui, grâce au levier du taux, met à disposition des liquidités est hélas peu efficiente en présence d’une telle spirale déflationniste.
Aujourd’hui, en dépit d’un taux de chômage exceptionnel au Japon de 2.3% et d’un secteur privé ayant nettoyé tous ses bilans, les entreprises de ce pays n’empruntent toujours pas à cause du traumatisme sévère des vingt années écoulées. Les Etats-Unis, quant à eux, subirent l’effondrement de leur P.I.B. de près de 50% entre 1929 et 1933. La conséquence fut que toute la génération qui souffrit de la Grande Dépression qui fut réduite à rembourser des emprunts contractés en échange d’actifs ayant disparu refusa toute nouvelle dette pour le restant de sa vie. De nos jours, les effets conjugués de la crise des subprimes de 2007, du crédit de 2008 et des dettes souveraines européennes dès 2010 découragent considérablement la propension des ménages et des entreprises à s’endetter. En dépit des taux 0, voire négatifs dans certains pays comme la Suisse, le Japon et certains pays Scandinaves, ces intervenants sont devenus nets épargnants.
C’est donc l’Etat qui doit prendre la relève et devenir net emprunteur, mais nos responsables politiques bénéficient de si peu de formation économique qu’ils ne comprennent rien à ces mécanismes et qu’ils s’obstinent donc dans une consolidation fiscale qui nuira davantage et à l’économie et à l’emploi. La ruée des investisseurs et des épargnants vers les Bons du Trésor de nos pays – qui comprime tous les jours un peu plus les taux d’emprunt des dettes souveraines – devrait pourtant interpeller nos responsables car l’Etat se doit de nager à contre-courant et se transformer dans une telle conjoncture en emprunteur de dernier ressort. C’est à ce prix-là que la japanification de l’Occident sera évitée, et que la politique monétaire traditionnelle des banques centrales reprendra alors ses droits.
Si l’école buissonnière des cours Eco parvient à se dédouaner au prisme de la pensée dominante, les mauvais élèves de la classe (ai-je dit politique?) ne seront pas blâmés pour la lecture d’un pitch de rattrapage gratis. Et, dans ses « Perspectives économiques » publiées le 28 novembre 2016, l’OCDE n’a-t-elle pas dénoncé le piège d’une croissance molle en recommandant des assouplissements budgétaires (politiques budgétaires contracycliques) comme courroie de transmission aux politiques monétaires non conventionnelles ?
« Le recours aux politiques budgétaires contracycliques, synonymes d’un endettement public accru, s’éloigne évidemment des anciens paradigmes en invoquant la croissance de l’endettement public dans un processus d’allégement des contraintes issues de l’endettement passé. Mais le paradoxe n’est qu’apparent car c’est le seul moyen, en soutenant la demande et la croissance, d’alléger le fardeau du désendettement. Ce n’est qu’après le retour de l’expansion que l’ajustement de l’endettement public doit intervenir, sans effet dépressif marqué. Les recommandations issues d’un tel raisonnement sont élémentaires : ne surtout pas abandonner les politiques monétaires non conventionnelles tant que la confiance n’est pas là, malgré leurs effets pervers sur les marchés d’actifs, tant que l’investissement et la consommation ne prennent pas le relais de la dépense publique, et, donc, n’y recourir que lorsque la reprise apparaîtra solide, y compris en recherchant un regain d’inflation de nature à alléger les charges réelles du « deleveraging » ; reporter les exigences d’ajustement budgétaire tout en prenant des engagements fermes sur le sentier de réduction future de l’endettement public, en engageant résolument, dès maintenant, des programmes massifs et pluriannuels d’investissement dans les infrastructures, les réseaux de communications, la recherche publique et la R&D, l’économie verte… permettant d’infléchir la chute des gains de productivité tout en soutenant la demande. Il faut donc choisir les actions politiques qui minimisent les coûts sociaux et qui hypothèquent le moins les chances de reprise durable de l’activité. Seules de nouvelles impulsions budgétaires permettront de sortir de l’atonie que l’on observe encore au niveau des comportements de consommation ou d’investissement ».
Pour les absents au bataillon, deux chapitres à réviser pour la prochaine fois:
« Trappe à liquidité » / Keynes
« Debt-deflation » / Fisher
https://www.facebook.com/guillaume.duvalperso/posts/2425060514197760
un grand merci pour cet article.
A propos de la ” japonisation” qui s’installe, il est cocasse de rappeler que la justification des QE en 2013/2014 par les politiques de tous bords , les experts et les consultants de tout poil était : ” on fait ça pour éviter la trappe à liquidités qui sévit au Japon” … De quoi conforter le titre de votre article.
Cdt.
J.S.
Fort intéressant mais il me semble que ce soit les populistes qui demandent davantage d’investissements publics et non la “troisième force”, donc je questionne la pertinence d’appeler populistes la critique des banques centrales.
Par ailleurs, les traités européens prévoient l’éviction de toute pensée, disons keynésienne, même ce mot m’agace puisque Keynes a plus synthétisé et théorisé qu’il n’a inventé. Donc ces recommandations sont illusoire tant que la France reste loyale à Berxelles.
Enfin, cela fait longtemps que les économistes dépasse la machine à vapeur keynésienne “Lâche, raide, lâche, raide, mais attention, à contre temps”
On sait très bien, avec toutes les nouvelles écoles comme la croissance endogène, les schumpéteriens ou les instiutionnalistes, même si comme en général en économie tout cela tenait évidemment de l’évidence et les deux siècles nécéssaires à ce que les élites pensantes y parvienne illustre à merveille la bêtise moderne de l’Occident, on sait très bien donc, que la croissance dans la situation actuelle tient au moins au tant de la qualité des investissements publics que de leur quantité.
Autrement dit, ou investit l’Etat ? Quelle ampleur prenne ses investissements ? A quel point sont ils cohérents ? Financent ils l’avenir ou nourrissent ils les groupes de pressions qui geignent pour avoir leur soupe ?
Une bonne politique budgétaire peut nous sortir du bourbier économique. Une mauvaise, molle, indécise, comme on la voit depuis 30 ans, affaiblit l’Etat, “affame la bête” et lui hôte toute liberté d’action pour les défis à venir. Aujourd’hui, alourdi par un colossal service de la dette et par des dépenses sociales (j’entends aussi l’éducation, et tout ce qui est hors régalien) inefficaces et ruineuses, l’Etat Français ne recoit plus des têtes pensantes de l’ENA et de l’ENS une prescription : le régime.
En conclusion, je répond seulement que la solution aux problèmes économiques, quand on parle de l’Etat, sont des solutions politiques. Quand on veut régler un problème de politique économique, il faut s’attacher au mot de politique et non à celui d’économique. La France requiert du courage politique, pour bâtir des projets d’investissement en dépit des contestations proférées sans cesse de toute part, pour réduire les impôts, et pour redonner à la France la souveraineté nécéssaire pour résister à la pression du monde de la finance pendant qu’on réaliserait de tels projets.
Plus de courage politique, plus de cohérence et de dialogue, moins d’Union Européenne, plus d’investissement publics.