La dette française : enjeu de souveraineté

La dette publique française n’est plus une simple variable comptable. Elle est devenue le cœur fragile de notre souveraineté économique. Prisonnière d’un modèle hérité du XIXᵉ siècle, la France devra se refinancer l’an prochain à hauteur d’un peu plus de 300 milliards d’euros, un exercice complexe et risqué.
Un système fragmenté et vulnérable
La dette française est composée de centaines de lignes d’émission, aux maturités variées, aux titres souvent peu liquides. Cette fragmentation crée un édifice sophistiqué en apparence, vulnérable cependant face à la volatilité des taux d’intérêt et aux fluctuations des marchés financiers.
Conçu à une époque où l’économie reposait sur du papier et des guichets, ce système peine à s’adapter au monde contemporain. Depuis la crise de 2008, les obligations souveraines jouent un rôle central dans la stabilité financière, servant de garantie (collatéral) aux banques. Or, la dette française reste moins liquide que celle d’autres grandes puissances économiques, comme l’Allemagne ou les États-Unis, ce qui constitue un handicap majeur.
La dette, un bien public stratégique
Il est essentiel de comprendre que la dette publique est plus qu’un mode de financement. Elle est un bien public fondamental, comparable à la monnaie ou aux infrastructures, que seul un État souverain peut produire à grande échelle pour stabiliser son économie.
Vers une dette perpétuelle : une solution innovante
Une piste audacieuse consiste à convertir la dette française en rentes perpétuelles, c’est-à-dire des titres sans échéance, offrant deux formes complémentaires :
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Une rente à taux flottant, fonctionnant comme une monnaie électronique souveraine, dont la valeur nominale resterait stable, rémunérée au taux du marché monétaire (Euribor). Ces titres seraient échangeables électroniquement, utilisables pour le paiement des impôts ou comme collatéral bancaire.
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Une rente à coupon fixe, versant un rendement éternel sans remboursement du principal, créant ainsi une source stable et durable de financement pour l’État.
Ces obligations perpétuelles (appelées OAT perpétuelles) pourraient avoir un coupon initial de 2,5 à 3 % et seraient rachetables par le Trésor public selon ses besoins. Cette unification de la dette permettrait de simplifier et d’assouplir le marché, augmentant la liquidité et réduisant les primes de liquidité de 20 à 50 points de base, soit une économie annuelle de 6 à 15 milliards d’euros.
Un héritage historique à revisiter
Cette idée n’est pas nouvelle. Dès le XIIIᵉ siècle, la République de Venise finançait ses expéditions avec des monti perpétuels. En France, Colbert avait instauré des rentes sur l’Hôtel de Ville qui permirent à Louis XIV de lever des fonds sans faillir. Au XIXᵉ siècle, le Royaume-Uni maintenait une dette équivalente à 250 % du PIB grâce à ses consols perpétuels, qui devinrent la base du système financier mondial.
Ces exemples historiques démontrent que la dette perpétuelle peut être synonyme de stabilité, et non de fuite en avant.
Des bénéfices économiques et financiers majeurs
La mise en place d’une dette unifiée et perpétuelle permettrait de :
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Réduire le coût du financement public, avec une baisse des primes de liquidité et des taux d’intérêt.
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Supprimer le risque de refinancement annuel, source de stress et de vulnérabilité.
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Faciliter la gestion de la dette en période de tensions économiques, en permettant le paiement des coupons sous forme de nouvelles perpetuités.
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Protéger les investisseurs, notamment les assureurs et les retraités, grâce à des perpetuités indexées à l’inflation.
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Renforcer la monnaie unique européenne, en offrant à la BCE un collatéral souverain liquide et standardisé.
Un scénario crédible pour 2030
D’ici 2030, la France pourrait emprunter 350 milliards d’euros par an pour financer des infrastructures durables, à des taux stables, tout en bénéficiant d’une croissance accrue de 0,5 point de PIB.
L’Agence France Trésor (AFT) pourrait inviter les porteurs d’OAT à échanger volontairement leurs titres contre ces nouvelles perpetuités, avec une prime symbolique. L’opération ne serait pas un «défaut déguisé» car le capital nominal resterait intact, les coupons seraient maintenus, et la valeur des titres pourrait même s’apprécier grâce à une meilleure liquidité.
Contrairement à la crise grecque de 2012, cette réforme préserverait la note souveraine française (actuellement A+) et éviterait une contagion économique coûteuse.
Au-delà de la technique
Au-delà de la technique, cette réforme incarne un pacte renouvelé de souveraineté. Dans un monde marqué par des dettes tournantes et une incertitude monétaire croissante, la perpétuité offre un nouveau symbole de confiance durable. Elle transforme la dette en une architecture budgétaire pour l’ère numérique, où la stabilité naît de la continuité, non du remboursement.

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1. Des obligations perpétuelles qui, jadis, n’ont tenues toutes leurs promesses au Royaume de France?
https://www.latribune.fr/actualites/economie/union-europeenne/20150205tribf86e5cc99/la-longue-histoire-des-obligations-perpetuelles.html
Ou aujourd’hui, au sein d’une nouvelle “monarchie” aux crises intestines où la cour du seigneur s’assure un train de vie dispendieux en gérant pitoyablement les deniers publics – au détriment de l’intérêt général et du bien commun – s’assurant à la volée de ne pas froisser une haute Aristocratie en lui assurant ne pas la mettre à sa juste contribution via un impôt plancher à minima – de surcroît une anomalie constitutive d’une violation manifeste des principes fondamentaux d’égalité; faudrait-il à présent remettre l’ouvrage des “rentes publiques” sur le métier dès l’instant où ces titres de créances ne sont plus adossés directement à l’or physique comme autrefois, au prétexte de la seule confiance? Intéressant et étonnant.
En aparté et tout aussi surprenant : “Combien coûtent les vies perdues”? Voilà une interrogation soudainement adressée par l’Ordre des médecins français face aux coupes franches dans la santé inscrites au budget du “Royaume” – alors même qu’une caste de médecins ne se reconnaît déjà plus et depuis fort longtemps dans certaines valeurs du Serment d’hyppocrate, lui préférant les préceptes de l’économie de marché. Peut-être que là aussi il ne serait pas intéressant de revenir sur le concept de la Valeur Statistique d’une Vie humaine (VSV) en économie de la santé.
2. L’Ordre des médecins ainsi que les économistes “mainstream” de la santé ont-ils raisonnablement oubliés cette approche du “portefeuille patrimonial” de nos Homo-politicus envers leurs administrés qui considère indéniablement “la valeur statistique d’une vie humaine” ? Car la valeur statistique d’une vie humaine (VSV) se calcule par la somme d’argent qu’une société est prête – ou pas – à payer pour réduire l’exposition au risque de la valeur de chacun de ses membres. L’Humain.
En gardant à l’esprit que toute valeur reste par essence relative ! En effet, depuis les années 1970 [ère du monétarisme et de la pseudo efficience des marchés financiers sensés se réguler par les prix] le nombre d’études réalisées sur la mesure de la “valeur statistique d’une vie humaine” (VSV) est impressionnant. Plusieurs valeurs ont été estimées, et ce, à l’aide de différentes méthodes. La difficulté des gouvernements à choisir une valeur [théorie des risques] provient naturellement de la grande variabilité dans les résultats obtenus. Et il est ainsi devenu tout aussi évident – avec la mathématisation [science dure] à outrance de la discipline des “sciences économiques”, mais néanmoins sociales [science molle], qu’un individu fut transformé en un “actif comme facteur de production” dans le champ d’analyse des choix publics.Lequel actif [Humain] productif qui n’aura la même “VSV” en Afrique, en Asie, en France, en Suisse ou aux États-Unis, par exemple, compte tenu du PIB et du taux d’endettement respectif de ces pays. On l’aura naturellement compris qu’à l’opposé, un inactif [retraité ; malade ; chômeur…] sera assimilé à un coût, donc un risque. L’analyse bénéfice/risque ou avantage-coût, puis encore rendement/risque, dans nos sociétés modernes totalement financiarisées, au prisme de la “VSV”, reste donc un outil très commun – néanmoins dangereux sous l’angle de l’eugénisme ou de choix publics sciemment délétères dans l’évaluation des budgets publics, des projets et tâches régaliennes qui, comme suffisamment démontrés par le passé, n’oeuvrent malheureusement plus dans l’Intérêt général et pour le bien commun avec une optique de moyen/long terme. Et ceci ne fut encore que plus visible avec l’enchaînement de toutes les crises post 2008 à l’aune de l’austérité mortifère durant la crise de l’Euro e-o de la gestion catastrophique de l’anticipation/prévention des risques sanitaires majeurs, notamment en France. L’Humain comme variable d’ajustement !
3. Si l’on se réfère à présent à l’économiste américain Harry Markowitz – la théorie moderne du portefeuille – qui a introduit la notion de frontière efficiente pour les “actifs patrimoniaux”, à l’inverse, pour chaque niveau de risque, on peut aussi trouver un portefeuille financier maximisant le rendement attendu, selon son approche. Et là ça devient plus intéressant sachant que la théorie moderne du portefeuille de Markowitz défend également l’idée que le portefeuille peut être constitué d”‘actifs patrimoniaux sans risque”; respectivement les emprunts souverains pour les pays. Des titres de créances, donc des actifs patrimoniaux non assortis d’un droit social comme le droit de vote personnel qui sied à une action d’une entreprise cotée en bourse. Laquelle action bénéficie d’un droit patrimonial et social. L’on comprend dès lors que l’obligation souveraine – en France – doit son “droit social implicite” au droit de vote, par essence un droit de décision mandaté. Donc un droit implicite relatif et délégué qui se joue à l’échelle de la “démocratie représentative”, contrairement par exemple à la Suisse qui reste dotée d’une démocratie directe. Le citoyen helvétique se garantissant un meilleur levier face aux dérives énoncées au sein de la “Public Choice Theory” vis-à-vis des choix publics.
Et si les obligations souveraines demeurent impactées par les effets des politiques monétaires [effet de la duration] ou au risque inflationniste à moyen/long terme – que la diversification des risques reste au cœur du logiciel de la théorie moderne du portefeuille d’un financier – il en va tout autrement de la gestion patrimonial du “portefeuille d’un gouvernement” où les mandaires des citoyens [les représentants] peuvent s’octroyer implicitement un droit de vie ou de mort sur leurs administrés [par de mauvais choix publics] tout en encourageant les effets destructeurs [du crony-capitalism] sur l’économie réelle par ignorance crasse. Ou tout simplement par complicité active comme aux États-Unis ou en quelques pays d’Afrique ou d’Asie, véritables républiques bananières.
A. La posture des gouvernements successifs en France n’est que cette addition aujourd’hui présentée aux Français. La somme des dogmatismes économiques et d’esprits figés dans la politique politicienne. Un volet profondément culturel que l’on voudrait refermer par des artifices? Pourtant, le Roi de France Louis XV avait déjà bien résumé la situation du Royaume avec cette maxime: “après moi, le déluge” ! Donc aucune leçon véritablement apprise à travers les siècles, pas même celle de l’économiste Robert Solow qui suggérait – y a quelques décennies – qu’une “lecture attentive de l’histoire économique peut offrir à l’économiste une idée des différents types d’arrangements sociaux et de leurs interactions avec le comportement économique”. Pourtant, “l’histoire économique remplit l’agréable fonction d’élargir le champ d’observation disponible pour le théoricien/chercheur (…) Peu de choses devraient être plus intéressantes pour un théoricien économique civilisé que la possibilité d’observer l’interaction entre les institutions sociales et le comportement économique dans le temps et dans l’espace”, écrira Robert Solow.
Par contre, beaucoup devrait lire l’œuvre originale clé de Adam Smith, la Richesse des nations (1776) où il fait notamment allusion que “de gros efforts sont nécessaires pour arriver à rendre les gens [le peuple] aussi stupide et ignorant qu’il est possible de l’être pour un humain”. Sur ce point, la France excelle. Que toutes les factions politiques confondues – ainsi que le quidam – se souviennent au moins – à l’heure du budget et des nouveaux choix publics – de cette variable d’ajustement de l’Humain exercée sur l’autel de la santé et de l’hypothétique efficience héritée de la finance de marché avec ses propres innovations [et contradictions]
B. Nous sommes dans les années 1980, quelques années seulement après le décès du banquier et Président de la République Française – Georges Pompidou [l’ère des monétaristes]. Et c’est sous son règne que la France doit interpréter les nouveaux statuts de la Banque de France adoptés le 03 janvier 1973, plaçant la nation à la vindicte des marchés financiers, alors que la dette publique de la nation avoisinait 20% du PIB dans le courant des années 1970. Par ce dogme en cette si “bienveillante efficience”, des impacts sévères se mesureront dans le domaine de la santé publique et des assurances sociales, précisément à l’heure de la transfiguration de la finance dans les années 1980. En 1983, en France, le tournant de la “rigueur” – selon la logique que les déficits des uns ont comme pendant les excédents des autres et/ou qu’en creusant une dette dorénavant laissée à la spéculation des marchés financiers, cette faute finira un jour par se rappeler à vous – sera paradoxalement amorçé par un gouvernement socialiste. Le néo-libéralisme n’a pas qu’une seule couleur politique pour faire son terreau !
Un haut-fonctionnaire, Jean de Kervasdoué, va mettre en place un “programme de médicalisation des systèmes d’information”. L’objectif est de quantifier et de standardiser l’activité et les ressources des établissements de santé en quête d’efficience. Officiellement, il s’agissait de diminuer les inégalités entre les hôpitaux. Mais il s’agissait aussi de mieux contrôler les dépenses selon les préceptes de l’efficience par les prix/dépenses, comme si la santé n’était qu’une vulgaire marchandise. Le ministère de la Santé développera progressivement un système d’information qui classera les séjours à l’hôpital en grandes catégories permettant d’en établir le coût moyen. L’efficience à n’importe quel prix au nom des dogmes sans considération des aléas économiques. “Au début des années 2000, le ministère est alors en mesure de connaître la “production” de chaque hôpital ainsi que son “coût”, à l’image d’une entreprise du secteur privé. Alain Juppé est alors Premier ministre du premier mandat de Chirac. Il édicte par ordonnance – SANS vote des parlementaires – l'”Objectif national des dépenses d’assurance maladie” (Ondam). Il s’agit d’un plafond de dépenses de santé à ne pas dépasser, quels qu’en soient les besoins de la population. Chaque année, ce plafond sera défini dans la loi de financement de la Sécurité sociale. “Les objectifs clairement avoués par les pouvoirs publics étaient de réduire de 100 000 lits le parc hospitalier français, soit près du tiers de sa capacité”, expliquera l’Institut de recherche et documentation en économie de la Santé. Le quidam le sait-il?
Ces ordonnances aboutiront rapidement à la fermeture des plus petits établissements. Plus de 60 000 places d’hospitalisation à temps complet [définies en nombre de lits] disparaissent entre 2003 et 2016 – soit quelques années avant le choc sanitaire mondiale – dont près de la moitié en médecine et en chirurgie. Les gouvernements se succèdent et ce plafond des dépenses deviendra de plus en plus coercitif, alors que la population augmente ainsi que la part des plus âgés, donc des plus fragiles, et que le recours aux urgences s’intensifie [à l’image de l’accroissement des violences et incivilités]. Donc des facteurs de coûts, comme si l’Etat se devait d’agir comme une entreprise cotée en bourse avec ses règles, aussi cruelles soient-elles.
Tandis qu’aujourd’hui – à la grâce de moult “idées zombies” – la France semble avoir marqué sa tendance politique à faire supporter le plus lourd fardeau de la dette et des attaques menées contre le bien commun et l’Intérêt général en pérénisant l’injustice fiscale à l’aide de faux-semblants. Pathétique, consternant, déroutant, surtout que la France mise gros – aujourd’hui – sur l’IA avec un autre dogmatisme en la “destruction-créatrice” 2.0 [une énième politique consistant à placer la charrue avant les boeufs].
Faut-il sourire à présent ou après? Ou quand les Homo-politicus français – donneurs de leçon – ont la mémoire si courte. Pas fichu d’accepter leurs errements!
[«Si on veut réduire les inégalités, il faut réglementer et réguler le capitalisme financier et ça ne se fait pas à l’échelle d’un seul pays», a détaillé Henri Guaino ce vendredi 31 octobre sur CNEWS après le rejet de la taxe Zucman par les députés]
https://michelsanti.fr/creation-monetaire/france-berceau-neoliberalisme
L’essai des idiots du village global est transformé ! C’est-à-dire que la France n’a jamais assumé son rôle de paradis fiscal du grand Capital, pas plus qu’elle n’assume son havre fiscal pour la fraction des ultra-riches. Un travers cognitif qui lui coûte cher.
https://michelsanti.fr/analyses/france-paradis-fiscal