La dette française : enjeu de souveraineté 

La dette française : enjeu de souveraineté 

novembre 1, 2025 6 Par Michel Santi

La dette publique française n’est plus une simple variable comptable. Elle est devenue le cœur fragile de notre souveraineté économique. Prisonnière d’un modèle hérité du XIXᵉ siècle, la France devra se refinancer l’an prochain à hauteur d’un peu plus de 300 milliards d’euros, un exercice complexe et risqué.

Un système fragmenté et vulnérable

La dette française est composée de centaines de lignes d’émission, aux maturités variées, aux titres souvent peu liquides. Cette fragmentation crée un édifice sophistiqué en apparence, vulnérable cependant face à la volatilité des taux d’intérêt et aux fluctuations des marchés financiers.

Conçu à une époque où l’économie reposait sur du papier et des guichets, ce système peine à s’adapter au monde contemporain. Depuis la crise de 2008, les obligations souveraines jouent un rôle central dans la stabilité financière, servant de garantie (collatéral) aux banques. Or, la dette française reste moins liquide que celle d’autres grandes puissances économiques, comme l’Allemagne ou les États-Unis, ce qui constitue un handicap majeur.

La dette, un bien public stratégique

Il est essentiel de comprendre que la dette publique est plus qu’un mode de financement. Elle est un bien public fondamental, comparable à la monnaie ou aux infrastructures, que seul un État souverain peut produire à grande échelle pour stabiliser son économie.

Vers une dette perpétuelle : une solution innovante

Une piste audacieuse consiste à convertir la dette française en rentes perpétuelles, c’est-à-dire des titres sans échéance, offrant deux formes complémentaires :

  • Une rente à taux flottant, fonctionnant comme une monnaie électronique souveraine, dont la valeur nominale resterait stable, rémunérée au taux du marché monétaire (Euribor). Ces titres seraient échangeables électroniquement, utilisables pour le paiement des impôts ou comme collatéral bancaire.

  • Une rente à coupon fixe, versant un rendement éternel sans remboursement du principal, créant ainsi une source stable et durable de financement pour l’État.

Ces obligations perpétuelles (appelées OAT perpétuelles) pourraient avoir un coupon initial de 2,5 à 3 % et seraient rachetables par le Trésor public selon ses besoins. Cette unification de la dette permettrait de simplifier et d’assouplir le marché, augmentant la liquidité et réduisant les primes de liquidité de 20 à 50 points de base, soit une économie annuelle de 6 à 15 milliards d’euros.

Un héritage historique à revisiter

Cette idée n’est pas nouvelle. Dès le XIIIᵉ siècle, la République de Venise finançait ses expéditions avec des monti perpétuels. En France, Colbert avait instauré des rentes sur l’Hôtel de Ville qui permirent à Louis XIV de lever des fonds sans faillir. Au XIXᵉ siècle, le Royaume-Uni maintenait une dette équivalente à 250 % du PIB grâce à ses consols perpétuels, qui devinrent la base du système financier mondial.

Ces exemples historiques démontrent que la dette perpétuelle peut être synonyme de stabilité, et non de fuite en avant.

Des bénéfices économiques et financiers majeurs

La mise en place d’une dette unifiée et perpétuelle permettrait de :

  • Réduire le coût du financement public, avec une baisse des primes de liquidité et des taux d’intérêt.

  • Supprimer le risque de refinancement annuel, source de stress et de vulnérabilité.

  • Faciliter la gestion de la dette en période de tensions économiques, en permettant le paiement des coupons sous forme de nouvelles perpetuités.

  • Protéger les investisseurs, notamment les assureurs et les retraités, grâce à des perpetuités indexées à l’inflation.

  • Renforcer la monnaie unique européenne, en offrant à la BCE un collatéral souverain liquide et standardisé.

Un scénario crédible pour 2030

D’ici 2030, la France pourrait emprunter 350 milliards d’euros par an pour financer des infrastructures durables, à des taux stables, tout en bénéficiant d’une croissance accrue de 0,5 point de PIB.

L’Agence France Trésor (AFT) pourrait inviter les porteurs d’OAT à échanger volontairement leurs titres contre ces nouvelles perpetuités, avec une prime symbolique. L’opération ne serait pas un «défaut déguisé» car le capital nominal resterait intact, les coupons seraient maintenus, et la valeur des titres pourrait même s’apprécier grâce à une meilleure liquidité.

Contrairement à la crise grecque de 2012, cette réforme préserverait la note souveraine française (actuellement A+) et éviterait une contagion économique coûteuse.

Au-delà de la technique

Au-delà de la technique, cette réforme incarne un pacte renouvelé de souveraineté. Dans un monde marqué par des dettes tournantes et une incertitude monétaire croissante, la perpétuité offre un nouveau symbole de confiance durable. Elle transforme la dette en une architecture budgétaire pour l’ère numérique, où la stabilité naît de la continuité, non du remboursement.

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