
Ce capitalisme qui doit tout à La Réforme
La Réforme a cinq siècles. Elle a transformé l’économie européenne et a largement contribué à la domination morale, culturelle et matérielle occidentale du monde. Son avènement fut en effet un authentique point de bascule pour le monde occidental dont l’enrichissement et le développement furent inversement proportionnels à l’influence d’une Eglise catholique sévèrement battue en brèche, en tous cas dans certaines régions très riches d’Europe. Nous, Occidentaux, devons énormément à ce puissant élan religieux – le Protestantisme – prônant son attachement inconditionnel aux écritures («Sola scriptura») ayant défié avec succès l’hégémonie – le monopole, dirait-on aujourd’hui – du catholicisme, et ayant accessoirement contribué de manière décisive à la sécularisation de notre société.
Protestantisme et croissance
Toute puissante et extrêmement riche, l’Eglise devait subir une saignée de ses ressources qui passèrent progressivement sous le contrôle des dirigeants séculiers, et de ce que l’on qualifierait aujourd’hui de société civile. Les régions ayant opté pour le protestantisme furent donc les premières à bénéficier d’une croissance économique qui, dès 1517, fut redevable à une ré allocation du capital humain et matériel s’étant opéré au détriment des élites religieuses de l’époque. La théologie fut supplantée par le droit et la construction des Eglises par celle des palais, dans une lame de fond irrésistible qui devait faire glisser le pouvoir des mains du clergé à celles des responsables temporels.
Nouvelle répartition des richesses
La contestation par Luther du système pernicieux des indulgences et autres donations permit en outre de considérablement saper le monopole de l’Eglise catholique dès lors privée de revenus considérables mis à profit de manière nettement plus judicieuse par les consommateurs de religion qu’étaient les croyants, qui purent dès lors ré orienter leur consommation en faveur de l’ensemble du tissu économique. Cette nouvelle répartition des richesses – profitant jusque-là à la bureaucratie ecclésiastique – ne fut que le démarrage de cette considérable perte d’influence de l’Eglise dont le point culminant fut la fermeture progressive, dès 1517, de nombre de monastères situés dans les territoires touchés par La Réforme. Ces expropriations impliquèrent des sommes substantielles et décisives pour la croissance de l’économie de l’époque puisque le pouvoir spirituel était, par exemple en Allemagne, le plus grand propriétaire terrien.
Plus fondamental encore, les étudiants se détournèrent lentement mais sûrement de la théologie vers d’autres spécialisations et recherches qui profitèrent à l’essor matériel et social de l’ensemble de la société. Il y a cinq siècles, Martin Luther fut donc à l’origine d’un mouvement, certes religieux au départ, qui eut néanmoins un rôle essentiel dans la transformation économique et politique de l’Europe, voire du monde, car il permit à notre continent d’être le laboratoire du capitalisme.
Un système pourri ?
Aujourd’hui, ce même capitalisme se fissure de toutes parts car il n’est plus capable de produire une croissance stable, tout au plus des épisodes mortifères jalonnés d’implosions de bulles spéculatives. Comme croissance ne rime avec travail honorable et correctement payé que pour une minorité, il n’est désormais plus possible de vivre sur l’illusion selon laquelle l’augmentation progressive de nos revenus nous autoriserait à vivre mieux que nos parents, et nos enfants mieux que nous. Et nous nous sommes rendus compte que la classe moyenne – pilier de nos démocraties modernes – croulait sous les coups de boutoir de dettes illégitimes contractées par les politiques pour maintenir la paix sociale, et prodiguées par la finance pour gonfler ses profits. Cette perception, de plus en plus répandue, selon laquelle le système est pourri parce que nombre d’entreprises et d’individus semblent au-dessus des lois ruine donc l’image du capitalisme qui est désormais en danger, car menacé par ceux-là même qui en profitent le plus, les capitalistes.
Alors, faut-il jeter le capitalisme avec la boue des capitalistes ? Celui-ci est-il seulement capable de se réformer, ou subira-t-il le même sort que l’Eglise catholique à l’époque de Luther ?
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Bien sincèrement,
Michel
Vous nous parlez de l’ hérésie de Luther au travers du libre examen qui prépare le terreau à l’ anarchie ? C’ est étrange que vous fassiez ce lien de parenté avec le capitalisme, ne sommes nous pas aujourd’hui sous la conduite économique de l’anarcho- capitalisme libertaire qui organise la destruction des Etats ? Les groupes de pressions tels que le Bilderberg ou la Trilatérale organisent la gestion de l’ économie au travers des multinationales qui donnent les pleins pouvoirs à des entités privés pour diriger le monde faisant de l’Europe une annexe du marché planétaire de masse sous hégémonie Américaines. Quand à l’ Eglise Romaine monsieur, elle est immortelle car elle est la digne représentante du Christ sur terre.
Le jour viendra ou le Sacré- Cœur donnera au monde un Saint Pape et un Grand Monarque qui rétabliront l’ ordre de Dieu en détruisant les républiques démocratiques qui ne sont que les outils qui assurent le règne de Lucifer. La Monarchie de Droit Divin représente la souveraineté universelle de Jésus, elle sera le rétablissement de l’ autorité du créateur sur ses sujets par le germe de la justice.
Bonjour clavreul,
Voici pour vous…
(par Étienne Goetz – Publié le 31 oct. 2017)
“Il paraît que les protestants sont plus austères que les catholiques. Les luthériens préféreraient épargner plutôt que de s’endetter. Clichés ? En réalité, ces lieux communs ne tiennent pas au hasard, car la Réforme protestante a commencé par une histoire de sous. Dans ses 95 thèses, Luther s’en prend aux « indulgences », des papiers qui permettent, en échange de quelques pièces, d’écourter le temps passé au purgatoire. Un des grands changements concerne le prêt à intérêt qui était interdit par la doctrine catholique. L’interdiction tient au fait que ce type de crédit consiste à faire de l’argent avec de l’argent. Ainsi Thomas d’Aquin, sur la base d’Aristote, « voit dans l’argent une menace, car il peut devenir un but plus qu’un moyen », explique Chris Doude van Troostwijk, professeur de philosophie à la Luxembourg School of Religion & Society. Sans oublier que l’intérêt, c’est en quelque sorte monnayer du temps qui n’appartient qu’à Dieu.
Le crédit décomplexé: Luther et Calvin ont, à l’inverse, admis la possibilité d’un taux d’intérêt, estimant que les théologiens n’étaient pas les plus compétents pour les affaires temporelles. Les réformateurs, méfiants et soucieux de protéger les pauvres, fixent tout de même un plafond autour de 5 %. Le prêt à intérêt devient légal et déclenche une vaste déculpabilisation vis-à-vis de l’argent et de la finance. D’ailleurs, les principales Bourses occidentales – Francfort, Londres et New York – se situent en terre protestante. La Réforme « libère certains domaines de la tutelle de l’Eglise, qui dépendent désormais des gouvernements. Et, par la suite, les règles qui régissent l’économie peuvent se libérer plus rapidement », analyse Yves Krumenacker, professeur d’histoire à Lyon-III.
Un devoir de redistribution: Malgré cette déculpabilisation, les protestants cultivent l’austérité et préfèrent l’épargne à l’endettement. Il faut dire que, pour Calvin, la richesse est un signe de la grâce. Ce don gratuit de Dieu oblige cependant le croyant à redistribuer sa richesse. Il faut la faire croître sans l’utiliser pour soi-même. « L’épargne n’est pas un but en soi, mais un effet de la Réforme », explique Chris Doude van Troostwijk. Ce devoir de redistribution explique aussi l’importance des oeuvres de charité aux Etats-Unis.
Se montrer digne de la grâce a aussi eu un impact sur la conception qu’ont les protestants de la monnaie. Cela peut expliquer les divergences entre Allemands et Français au sujet de l’euro. Bruno Colmant, économiste en chef de la banque Degroof Petercam et membre de l’Académie royale de Belgique, explique ainsi que les protestants exigent une monnaie stable, car cette stabilité est nécessaire pour se montrer digne de la grâce en travaillant et en réinvestissant. Ce qui a pour effet de renforcer la monnaie. « Dans une optique protestante, la monnaie s’apprécie par le travail. » Le dollar, le mark, le franc suisse et la livre sterling font d’ailleurs partie des monnaies les plus fortes. Les catholiques, étrangers à cette logique, voient moins dans la monnaie un signe de la connexion divine qu’un outil pour stimuler le travail”.
” (…) Ce devoir de redistribution explique aussi l’ importance des oeuvres de charité aux Etats- Unis “.
Selon la Réserve Fédérale, en 2019, 10% des américains les plus riches détenaient 63,8% de la richesse totale du pays. Les 1% les plus riches possèdent 35,4 billions de dollars.
Quand à l’ argent, la tradition catholique conseille de suivre le Christ pauvre dans la vie consacrée car bien souvent la richesse entrave plus qu’ elle ne libère. Que dit Jésus à ses disciples : ” Je vous le dis encore, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’ une aiguille qu’ à un riche d’ entrer dans le royaume de Dieu “. ( Mathieu 19 ).
Seule la foi sauve et non les oeuvres car les oeuvres sont la CONSEQUENCE de la grâce divine.
” Soyons contents, quand nous avons de quoi nous nourrir, parce que ceux qui veulent devenir riche, non pour subvenir à la nécessité, mais pour jouir de l’ abondance des richesse, tombent dans le piège de la tentation, dans les multiples désirs insensés et pernicieux “. ( 1 Timothée 6,9 ). Page 227, THOMAS D’ AQUIN, sermons sur les dix commandements, éd du cerf.
Il est très intéressant de connaître l’histoire du capitalisme . Néanmoins il y a à peine quatre décennies , la Réforme de Deng Xiaoping n’a rien à voir avec celle-là historique occidentale , et cela n’empêche pas à la Chine de devenir le Champion du capitalisme au monde ! Comment peut -on l’ expliquer ? !
Une autre réforme quelconque serait -elle utile ou efficace pour cette difformité capitaliste ? Cela fait penser à une certaine obésité pour laquelle un régime ne sert à rien mais nécessite une chirurgie .
Si Warren Buffett a bien distribué sa fortune pour de grandes causes comme son partenaire Charlie Manguer, mais la Chine compte presque autant des milliardaires qu’ USA, mais il n’en y a pas un SEUL acceptant ” the Giving Pledge ” !
Enfin Jeff Bezos a passé la barre de $ 200 milliards ! Ce capitalisme montre encore sa capacité dans l’ascension de l’inégalité .
A Michel. Merci pour cette pensée historiciste.
“Alors, faut-il jeter le capitalisme avec la boue des capitalistes ? Celui-ci est-il seulement capable de se réformer, ou subira-t-il le même sort que l’Eglise catholique à l’époque de Luther ?”
Non, le capitalisme ne peut être jeté, de même la boue, elle fait, elle donne sens au capitalisme. Quant à s’il est capable de se réformer, l’exemple de Martin est édifiant.
Luther a-t-il été hérétique ? Non, il a suivi simplement sa conscience, et était révulsé de la fausseté des indulgences de l’époque, procédés trompeurs de l’Église. Et ceux-ci n’étaient pas les seuls. La naïveté des Chrétiens constituait un fond de commerce pour les prélats.
Ceci étant, à mon sens il faut donner le temps au temps. Le capitalisme d’aujourd’hui est beaucoup plus complexe, l’Église est une, un dogme le capitalisme est une multiplicité de dogme, il régit toute la sphère humaine sur toute son étendue. Un voyage sur la Lune ou sur Mars a besoin d’un capital sinon la mission ne pourrait se réaliser.
Le capitalisme ne peut pas être réformé ni n’est réformable. Il n’est pas une religion.
Il est l’essence même de notre survie. Il est aussi “créateur”. Qui a donné le socialisme ? Le communisme ? N’est ce pas le capitalisme ? Qui a donné les guerres depuis la nuit des temps ? N’est-ce pas le capitalisme ? Qui a amené Rome à envahir les autres peuples ? N’est-ce pas le capitalisme ? A l’époque, cela s’appelait “s’accaparer des biens des autres peuples, dominer les autres peuples, les rendre à l’état d’esclave.”
De même qui a poussé l’Europe à s’étendre au monde et à coloniser des peuples et continents ? N’est-ce pas le capitalisme ?
De même, aujourd’hui, qui a provoqué la crise politique, économique et sociale au Liban ? N’est-ce pas les forces du capital qui obligent le Liban à se réformer. Ce n’est pas le capitalisme qui se réforme, c’est le Liban qui doit se réformer. Moins de vols, de corruption, de clientélisme, moins de religion, de communautarisme, etc.
Le capital est nécessaire pour faire fonctionner les humains. Et, aujourd’hui, la guerre économique Etats-Unis-Chine se joue sur la volonté de puissance qui oppose les uns aux autres. Et le capitalisme est créateur parce qu’il ne se réforme pas, en revanche il “réforme” les puissances. Il peut les faire tomber de leur piédestal. Qui a fait tomber l’URSS, et sans guerre ? N’est-ce pas le capitalisme ? N’a-t-il pas libéré les peuples du totalitarisme. Du capitalisme d’État, encore une notion qui le doit au capitalisme.
Voyez les puissances coloniales ! N’est-ce pas le capitalisme qui les a monté les unes contre les autres pour, après deux guerres mondiales et une crise économique majeure entre les deux, les rendre “normales”. Des pays qui se respectent et respectés à travers le monde entier. Parce qu’elles sont réellement démocratiques. Voyez récemment un commissaire européen, après une bévue en Irlande, a été obligé de démissionner. Une question d’éthique et parce que le système démocratique est un système de valeurs libres et de respect et toujours à parfaire.
Merci Michel pour cette idée sur la Réforme de Martin Luther et le capitalisme. Il y a certes un lien, sauf que Dieu n’a pas besoin de nous pour qu’on l’adore puisqu’il nous a créé et aurait pu nous créer autrement, par exemple, idiots. Non ! il nous a donné le choix, la pensée, le libre-arbitre et le capitalisme qui nous fait fonctionner, et nous fera fonctionner toujours et par les échanges. Le monde humain est un.