L’Euro : générateur de déflation ?

mars 1, 2012 0 Par Michel Santi

Bien avant la création de l’Euro, le canadien Robert Mundell devait énumérer les conditions de succès d’une union monétaire … travaux qui lui valurent le prix Nobel en 1999, soit précisément l’année du lancement de la monnaie unique. Selon Mundell, une devise partagée par un ensemble géographique n’était viable qu’en cas de mobilité des capitaux et du travail, de flexibilité des salaires et des prix, de cycles économiques similaires et de transferts fiscaux à l’intérieur de cette zone. Autrement dit, l’argent mais aussi les travailleurs devraient pouvoir (et vouloir) voyager et s’établir dans différentes parties de l’Union. Les prix devraient être à même de baisser si nécessaire et pas seulement d’augmenter. Les membres de cette Union devraient bénéficier en même temps d’une expansion de leur économie ou subir ensemble la contraction. Enfin, une solidarité (idéalement automatisée) devrait permettre à certaines régions dans la tourmente de recevoir des soutiens financiers de la part d’un organisme créé à cet effet ou de la part d’un gouvernement fédéral. De nos jours, l’Union Européenne ne dispose d’aucun de ces atouts, ce qui en fait une Union peu viable, tout au moins selon les critères de Mundell, contrairement aux Etats-Unis dont la structure permet d’absorber les chocs économiques.

 

Un chômeur de Caroline du Sud est en effet capable de déménager au Texas où il vient de trouver un emploi tandis qu’un grec irait très difficilement s’établir en Suède et vice-versa bien-sûr! Hormis la barrière de la langue et de la mentalité, un pays européens sinistré ou subissant un fort ralentissement de son économie ne recevrait en outre nul subside de son administration centrale lui permettant de passer le cap et de combattre victorieusement sa récession. L’union en vigueur aux Etats-Unis ne fonctionne ainsi que par la grâce de la mobilité de ses salariés, d’incessants flux de capitaux inter zones et de mécanismes automatiques institutionnalisés permettant d’amortir les chocs financiers. En fait, non contente de ces déficiences « congénitales », l’Union Européenne se révèle même être une machine à produire des bulles – c’est-à-dire des déséquilibres – du fait d’un taux d’intérêt unique partagé par des régions et par des nations qui subissent ainsi des cours de change effectifs divergents entre elles.

 

Dans le contexte européen actuel, l’Euro agit effectivement comme un étalon or dans le sens où les ajustements et indispensables ré équilibrages – qui ne peuvent se réaliser à travers la soupape de la devise (qui s’apprécierait ou qui se dévaluerait) – se font exclusivement par la courroie de transmission des prix et des salaires. L’Euro n’est à l’évidence pas convertible en métal jaune mais – en l’absence des caractéristiques décrites par Mundell et en présence d’un taux d’intérêt uniforme à tous les membres – il comprime les économies et produit de la récession. Car le règne de l’étalon or se traduit par des ajustements systématiquement à la charge des économies et des devises faibles en épargnant les pays forts. N’est-ce pas l’Europe périphérique qui a ainsi subi et encaissé tous les déséquilibres dans le cadre de la crise européenne actuelle? Souvenons-nous à cet effet de l’étalon or qui exerçait une pression baissière sur certaines monnaies fragiles de nations qui subissaient dès lors contraction économique et chômage élevé faute de pouvoir procéder aux indispensables réglages intérieurs. L’Euro – comme l’étalon or – aggrave la situation des pays en récession en y insufflant la déflation.

 

N’oublions jamais que c’est le maintien de l’étalon or qui devait empêcher de lutter efficacement – voire de prévenir  – la Grande Dépression ! Et rappelons-nous également que c’est les pays n’en faisant pas partie ou qui en sont vite sortis à l’époque qui se sont rétablis en premier ou qui s’en sont tirés avec des dégâts limités.

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