Horizon Dystopique

Horizon Dystopique

octobre 5, 2025 2 Par Michel Santi

 

La crise de 2020, dopée par les stimuli monétaires, a transformé le capitalisme. L’efficacité et l’intelligence artificielle sont devenues les seuls impératifs de Wall Street, creusant un fossé historique entre les marchés en euphorie et le marché du travail en souffrance. Cet écart entre la Bourse et la rue n’est pas qu’économique : il est un avertissement civilisationnel.

 


La Richesse de l’Extraction

Une infime minorité est ivre de records, pendant que la rue suffoque. Cette victoire est illusoire : elle ne repose pas sur la création, mais sur la captation de valeur ; elle ne s’appuie plus sur le travail, mais sur l’extraction des marges.

Face à la mise au chômage forcé de millions de salariés à l’occasion de la pandémie, le grand capital a d’abord été pris de panique. Mais il a très vite assumé la dichotomie sous-jacente dès 2020, se reprenant par la grâce des stimuli monétaires qui ont inondé le système de liquidités. Nul ne s’en est plaint ; nous fûmes tous reconnaissants des interventions déterminées et historiques des États et des banques centrales. Pourtant, certains en ont profité pour forcer le bouleversement de paradigme — certes inévitable — qui aurait pu être canalisé pour éviter ce grand et immoral écart. Car si les centaines de milliards déversés, si les taux zéro, si les achats d’actifs ont favorisé la reprise massive de la liquidité, ils n’ont pas entraîné une reprise décente du marché de l’emploi.


Le Désintérêt de Wall Street

Wall Street affiche aujourd’hui un désintérêt total et inédit pour le chômage, exclusivement préoccupée par l’efficience. Les entreprises ont lourdement investi dans la Tech et l’automation, renonçant à retrouver les niveaux d’embauche pré-pandémiques. Les travailleurs ont été remplacés par des outils numériques et par l’IA. Résultat : la productivité et, bien sûr, les marges bénéficiaires se sont considérablement améliorées.

Une poignée de géants mène à présent la charge, permettant aux bourses de franchir chaque semaine des records historiques de hausse. L’euphorie régnant sur les marchés est entièrement redevable à la Big Tech, qui domine en maîtresse absolue et qui hisse mécaniquement avec elle les capitalisations des entreprises traditionnelles. Notre contexte macro-économique se retrouve aujourd’hui à un stade jamais expérimenté jusque-là : nous dépendons officiellement et ouvertement de quelques compagnies qui – avec leurs satellites – conditionnent l’ensemble du spectre, propulsant les bourses à des niveaux stratosphériques.


La Rentabilité de l’Exclusion

Les marchés ne sont plus sensibles aux fondamentaux. En fait, ils se réjouissent des taux de chômage qui s’aggravent, car synonymes de progression de leur productivité, donc de leurs profits. Les flux de capitaux comptent désormais bien plus que l’emploi, induisant ainsi une inquiétante et historique déconnexion : les entreprises sont appelées à produire plus, à faire plus, mais avec moins. Les flambées boursières se succèdent, semaine après semaine les records sont pulvérisés. Quelques miettes seulement affectent le marché du travail, à des années-lumière de la routine des géants boursiers qui s’adonnent à leurs rachats d’action et à la gestion de leur abondante trésorerie.

Wall Street et Main Street vivent dans des univers parallèles. Combien de temps cette accumulation de profit et de capital pourra-t-elle s’isoler de la production traditionnelle ? Par son ampleur, cette fracture est un avertissement majeur. Nous sommes à un tournant, et ce déséquilibre est, à très court terme, insoutenable. Quand la rentabilité se nourrit de l’exclusion, il n’est plus possible de parler d’économie : c’est un schisme civilisationnel. La “Révolution inévitable” est sur le point d’entrer en collision frontale avec l’imminente insoutenabilité.

Chers lecteurs,

Ce blog est le vôtre : je le tiens assidument avec régularité et passion. Des milliers d’articles et d’analyses sont à votre disposition, dont les premiers remontent à 1993 !

Mes prises de position macro économiques furent autrefois qualifiées d’hétérodoxes. Elles sont aujourd’hui communément admises et reconnues. Quoiqu’il en soit, elles ont toujours été sincères.

Comme vous l’imaginez, vous qui découvrez ce site ou vous qui me lisez depuis des années, l’énergie déployée et le temps consacré à mes recherches sont substantiels. Ce travail continuera à rester bénévole, accessible à toutes et à tous.

Je mets à votre disposition cette plateforme de paiement, et vous encourage à me soutenir par des dons, ponctuels ou récurrents.

Que celles et ceux qui jugent bon de soutenir ma démarche en soient chaleureusement remerciés.