Géopolitique des crises économiques
Mon dernier livre. Ouvrage collectif

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Constructivement parlant et n’écartant pas (comme beaucoup d’esprits critiques avisés) les dégâts occasionnés au sein de l’économie réelle durant ce dernier demi-siècle par les chantres des mathématiques dans les “sciences économiques”, ainsi que l’emprise des officionados des politiques de l’offre et du monétarisme (idéologies “mainstream” / Friedman pour les américains et Say pour les français) – je m’interroge sérieusement sur la pertinence et l’objectivité de cet ouvrage placé précisément sous la “direction scientifique” du président de la Société internationale Jean-Baptiste SAY.
Bien évidemment, avec un esprit d’ouverture, je peux tout à fait saisir et concevoir certaines ambiguïtés si je me remémore encore aujourd’hui la “représentation du monde” telle que Walter Lippmann se la faisait lors de son colloque en 1938 (lui aussi adepte de SAY). Toutefois, comme je le “dénoncais” dans une de mes nombreuses interventions [RAYMOND – 24 février 2022 à 14 h 33 min] (…) “la représentation du monde n’est point la vision du monde au sens philosophique. D’ailleurs, le mot “philosophie” a même fini par prendre un sens si vague qu’il n’a plus grand-chose à voir avec ses leçons et significations d’origine. Il ne désigne plus “un savoir réfléchi”, autrement dit une “science” au sens le plus général du mot (Aristote), encore moins “l’examen rationnel de notions obtenues par abstraction” (Bacon) ou “l’étude de la sagesse” (Descartes), voire l’ambitieuse “connaissance la plus complètement unifiée” (Spencer) ou “la recherche des principes de la certitude” (Cournot). Loin de ces références historiques pourtant fondatrices, le terme “philosophie” renvoie désormais à n’importe quel modèle global de “représentation du monde”. Une normalité tout aussi anormal, une banalité. Certes, visionnaire, Adam Smith avait saisi un élément clé lorsqu’il soulignait qu’”une fois le problème économique réglé, on pourra s’atteler à l’essentiel de la République philosophique” qui est la rencontre des questions premières qui se posent à l’humain, à savoir “la question du vivre ensemble”, “la question de l’amour” et “la question du rapport au sens”. Alors que le détracteur de Jean-Baptiste Say (loi des débouchés) John-Maynard Keynes (Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie) parlait de son côté “de l’au-delà de l’économie” et allait jusqu’à inciter ses collègues à l’humilité en postulant ceci: “Si les économistes pouvaient parvenir à ce qu’on les considère comme des gens humbles, compétents, sur le même pied que les dentistes, ce serait merveilleux!”
Et si l’on souhaite revenir sur Adam Smith, l’on pourrait aussi le qualifier de visionnaire lorsqu’il prédisait dans son ouvrage clé: La Richesse des Nations; que “la division du travail détruira les êtres humains et transformera les gens en créatures aussi stupides et ignorantes qu’il est possible de l’être pour un humain”. Une aubaine pour le nouveau capitalisme? La division du Travail corrélée à la stupidité et à l’ignorance, voilà de quoi nourrir le béhaviorisme et les avancées qui surviendront avec la discipline des “sciences comportementales”. L’économie comportementale (EC) et la finance comportementale (FC). Bref! Peut-être devrions-nous alors nous pencher sur les prémisses du changement de paradigme de la pensée économique opéré justement dans les années 1930, c’est-à-dire à Paris du 26 au 30 août 1938 avec le colloque Walter Lippmann qui, selon l’économiste François Bilgert (mais pas que et loin s’en faut) peut être considéré comme l’acte de naissance officiel du nouveau libéralisme. En effet, dans la continuité à démolir le modèle keynésien dès le début des années 1930 – et suite au colloque Lippmann – ce n’est qu’à la fin de la seconde guerre mondiale que la société du Mont-Pélerin sera fondée par Hayek et Mises (1947) de l’École Autrichienne. La première réunion à laquelle participent trente-six personnalités “libérales” aura lieu à l’Hôtel du Parc au Mont-Pèlerin, sur les hauts de Vevey en Suisse. Ce réservoir d’idées et de promotion du néolibéralisme sera financé par des banquiers et patrons d’industrie helvétiques (ce même genre de groupes d’influences qui n’a d’ailleurs jamais cessé sa générosité, notamment, auprès des partis politiques suisses). Lors de cette réunion d’avril 1947, trois importantes publications des Etats-Unis (Fortune , Newsweek et The Reader’s Digest) y ont envoyé des délégués. Le Reader’s Digest venait d’ailleurs de publier une version résumée d’une œuvre clé de Hayek, “La route de la servitude”. On y trouve notamment ce rayonnant passage: “C’est la soumission de l’homme aux forces impersonnelles du marché qui, dans le passé, a rendu possible le développement d’une civilisation qui sans cela n’aurait pu se développer ; c’est par la soumission que nous participons quotidiennement à construire quelque chose de plus grand que ce que nous tous pouvons comprendre pleinement”. Dès lors, en appréhendant la logique de Walter Lippman (la fabrique du consentement) l’on peut s’interroger raisonnablement sur le soi-disant bien fondé des politiques de l’offre (et de l’ensemble des mantras ayant accompagné cette mutation du capitalisme) de ces cinq dernières décennies, lesquelles années furent durablement entachées de crises (économique; financière; sociale; sanitaire; alimentaire; énergétique; environnementale; politique; militaires) dans une conjonction sans précédent dans l’histoire économique moderne. Celle se targuant d’être un vecteur de progrès!!!
Pour revenir à nos moutons, Harold Dwight Lasswell (1902-1978) – chercheur américain, pionnier de l’étude de la communication de masse et de la science politique – n’avait-il jamais défendu “que la propagande est utile aux démocraties car elle permet aux citoyens d’adhérer à ce que les spécialistes jugent bon pour eux” ? Les soi-disant spécialistes de la pensée dominante n’ont-ils jamais porté en eux l’incandescence qui affecte de plus en plus nos démocraties, au point d’en avoir corrompu le capitalisme et saccagé l’Intérêt général et le bien commun ? Tant est si bien que même les derniers programmes éducatifs conventionnels ne privilégient plus la compréhension, le talent et la créativité, à l’instar du programme américain: “No child left behind de 2001” qui vise avant tout à enseigner pour réussir un examen. Du point de vue du professeur au MIT, Noam Chomsky, ce système scolaire impose l”’ignorance qui a plutôt tendance à favoriser l’endoctrinement et la formation d’individus qui seront formatés pour être à la solde d’une idéologie de nature “coercitive”. Ça laissait déjà songeur y a plus de deux décennies.
Enfin, si le leitmotiv du contenu de cet ouvrage collectif – je dis bien collectif – trouve son ambition par la recherche d’une nouvelle réponse dans “le changement des modes et des modèles d’éducation, de production, de consommation et d’échanges”, alors j’espère sincèrement qu’il sera riche en introspection commune menant vers un monde meilleur. Plus équitable à toutes et à tous, et non une énième version idéologique “préjudiciable” d’un paradigme hors de contrôle, car même “le constat” de l’éminent anthropologue Claude Lévi-Strauss (1908-2009) n’aura tenu le choc post 1970, lorsqu’il écrivait: “Les crises permettent aux sociétés touchées de se remettre efficacement en question et de se reconstruire, en se débarrassant des modèles économiques obsolètes qui les mènent à leur perte”.