Fin de l’impunité pour les Etats mal gérés

mars 8, 2010 0 Par Michel Santi

Pourquoi s’inquiéter de la baisse des recettes des Etats et des retombées fiscales et budgétaires induites par les déficits affolants de certains pays? Après tout, la baisse dramatique des recettes de ces Etats, conséquence naturelle de la crise, ne s’inversera-t-elle pas dès le rétablissement de la croissance?

Certes, les revenus des Etats ont décliné en rapport à leurs P.I.B. respectifs du fait d’une hausse du chômage et d’une baisse des impôts sur le revenu et autres T.V.A. sensibles à un affaissement de la consommation. Pour autant, les déficits de certains pays ne bénéficieront que marginalement d’une embellie économique, la clé étant le ratio de leur endettement public par rapport à leur P.I.B. qui doit considérablement être amélioré. Les dépenses fédérales gouvernementales Américaines étant ainsi aujourd’hui à leur record historique (hors seconde guerre mondiale) à 24% du P.I.B. du pays, une calamité fiscale et financière est donc inévitable dans certains pays si leur déficit budgétaire n’est pas réduit de moitié!

De la période trouble de la Grande Dépression et des années consécutives marquées par les stimuli massifs du New Deal mis en place par Roosevelt mais o๠ce ratio n’était tout de même que de 10%, à la guerre du Vietnam caractérisée par des dépenses substantielles dans l’armement et à la parenthèse de la “Great Society” décidée par le Président Johnson et toutes deux distinguées par un ratio de dépenses Gouvernementales par rapport au P.I.B. de l’ordre de 20%, il est incontestable que l’endettement actuel des Etats-Unis est aujourd’hui proportionnellement plus grave que celui de la Grèce ou du Portugal! De même, le ratio des déficits par rapport au P.I.B., de 7.8% aux USA, y est-il plus élevé que dans l’ensemble des autres nations saisies de frénésie dépensière puisque ce ratio est de 6.1% en Grèce ou de 7.5% en Grande Bretagne…

Pourtant, nul ne peut affirmer que les Etats-Unis soient aujourd’hui en plus mauvaise posture que certains pays Européens car leur capacité à augmenter leur niveau d’imposition y est nettement plus enviable. Ainsi, alors que les revenus des pays de l’OCDE représentent 40% de leur P.I.B., ce rapport n’est que de 30% aux Etats-Unis qui disposent donc d’une bouée de sauvetage consistant en un relèvement de leur imposition.

Pour autant, la situation des Etats-Unis, tout comme celle de la Grèce ou de la Grande Bretagne, est diamétralement opposée à celle de certaines nations, comme l’Australie, la Nouvelle Zélande, la Suède, la Norvège, la Suisse, les Pays Bas ou la Corée du Sud, dont les déficits et les dettes se maintiennent à des paliers modestes. Le déficit budgétaire d’un pays comme le Canada n’est-il pas à 2.5% de son P.I.B.?

Une compréhension de ces données et une perception de ces différences entre pays est fondamentale car notre monde et ses repères changent. En effet, les obligations d’Etat – offrant naguère un profil de risque privilégié – présentent aujourd’hui un profil de risque similaire aux papiers émis par les entreprises. Pire encore: les investisseurs se reportent aujourd’hui massivement sur les obligations d’entreprises fiables jugées nettement plus solvables suite aux menaces de défaut de paiement grec et celles évoquées ou annoncées de l’Irlande, du Portugal et même de la Grande Bretagne!

Il est vrai qu’une entreprise au bilan solide et à la forte capitalisation a d’autant plus tendance qu’un Etat à faire preuve de sérieux et de discipline dans la gestion de ses comptes qu’elle peut être facilement attaquée en justice par des actionnaires mécontents. Pendant ce temps, un Etat pourra en toute impunité se déclarer en cessation de paiement sans aucun moyen de recours pour les titulaires de sa dette et c’est précisément (et entre autres) cette garantie de “jouer sur du velours” qui conduit certains Etats – Etats-Unis, Grèce, etc… – à émettre encore plus de dettes pour résoudre une crise de l’endettement…

Toutes les bonnes choses ayant une fin, cette impunité sur laquelle ont surfé bien des pays ayant collectionné dettes et déficits n’abuse dorénavant plus marchés et investisseurs qui leur renvoient un message sans équivoque en rétrogradant la valeur de leur Bons. Aux autorités politiques et économiques peu soucieuses des retombées de ces endettements massifs, les investisseurs objectent désormais que toute reprise de l’activité économique de leurs nations sera étroitement dépendante du niveau de leurs déficits!

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