Faut-il interdire les CDS ?
Préalablement à la crise, seuls les initiés de Wall Street, de la City ou de Francfort étaient en mesure d’expliquer que derrière l’abréviation de “CDS” se cachait un contrat dérivé permettant d’assurer – ou de spéculer – contre un défaut de paiement d’un Etat souverain. Les titulaires de ces Credit Default Swaps n’étant généralement pas des créanciers de l’Etat en question, ils sont ainsi rémunérés dès lors que les perceptions du marché relatives à un défaut de paiement se précisent par le biais de l’augmentation de la valorisation de ces contrats.
C’est en effet la déconfiture en 2008 du premier assureur mondial AIG qui, du jour au lendemain, ne parvenait plus à honorer ses engagements par rapport à son exposition sur ses propres émissions en CDS et son sauvetage subséquent par le Gouvernement Américain qui ont initialement propulsé ces obscurs produits dérivés sur le devant de la scène. Les déboires grecs reflétés par une flambée des CDS de ce pays (ayant atteint le record de 428 points) et traduisant les doutes sérieux des investisseurs sur la capacité de la Grèce à refinancer sa dette conduisent aujourd’hui certains Gouvernements et analystes à remettre en question l’existence même de ces instruments accusés de brouiller la perception des investisseurs sur la solvabilité des Etats.
Un récent article du New York Times évoquait effectivement la nécessité d’interdire – ou à tout le moins de réglementer fortement – leur usage sachant que le Commissaire Européen aux services financiers, Michel Barnier, dévoilait une enquête en cours visant à ” travailler sur les fondamentaux de ces produits dérivés et à comprendre qui fait quoi “… Michel Barnier, qui affirmait que l’Union n’était pas seule puisque les Américains discuteraient également de cette problématique des CDS dans le cadre du G 20, était rejoint par la Chancelière Allemande Merkel et par Christine Lagarde, Ministre française des finances, dans la contestation publique de ces instruments.
Alors, les CDS sont-ils aux sources de la crise de certains pays comme la Grèce ou ne sont-ils qu’un épiphénomène comme le disait il y a quelques jours un haut responsable de Citigroup: ” Ne blâmez pas le miroir pour l’image qu’il vous renvoie”…
Toujours est-il que l’épisode AIG a clairement démontré la nécessité impérieuse de réguler ces contrats susceptibles d’être détenus en quantités très importantes par des établissements ne disposant pas du capital adéquat pour en garantir le cas échéant l’exécution. Une réglementation de ces instruments s’avère ainsi d’autant plus inévitable qu’une situation d’interdépendance potentiellement explosive est aujourd’hui établie entre les divers établissements financiers qui se lancent dans le commerce des CDS. En effet, et le sauvetage d’AIG ne faisant que conforter cette obligation de réguler ce marché, tout établissement qui se lance dans l’émission de CDS devrait dorénavant être tenu de maintenir certains ratios en capitaux lui permettant de faire face à cette exposition.
Alors que l’acheteur d’un CDS ne risque de perdre que la prime payée pour s’assurer contre le défaut de paiement d’un Etat, le vendeur de ce type de produits, lui, est menacé à tout moment de devoir s’acquitter de la somme assurée en cas de banqueroute de ce même Etat! Il conviendrait en fait de juxtaposer à la notion de CDS celle de la qualité de la contrepartie se lançant dans la cotation de ce produit en établissant, par exemple, ces opérations d’achats – ventes dans le cadre strict de marchés boursiers ou d’institutions agrées qui veilleraient au respect de ces quotas capitalistiques et à la garantie de paiement en cas d’exécution du CDS. Après tout, comme le dit Martin Mayer de la Brookings Institute, les CDS ne sont qu’ ” une assurance qui devrait être régulée sur la base de réserves minimales “.
Cette obligation de maintenir des réserves agissant par la même occasion comme facteur de dispersion du risque parmi un plus grands nombre d’intervenants, limitant ainsi l’interdépendance d’institutions financières qu’il ne serait plus impératif de secourir en cas de mauvais choix stratégiques, la disparition de l’une n’entraà®nant pas fatalement les autres dans sa chute… Une réglementation stricte des CDS contraindrait en outre les émetteurs de ces instruments à limiter de manière interne la vente de ce type d’instruments du fait d’immobilisations en capitaux qui seraient à terme fort onéreuses.
En résumé, les CDS représentent une innovation financière appréciable à disposition des investisseurs souhaitant protéger leurs avoirs obligataires … à condition que le cadre général du traitement de ces produits soit mondialement régulé.