Un long hiver Européen
Le drame grec achève de démontrer la fragilité de notre très sophistiqué système bancaire et financier ainsi que l’étroite interdépendance de l’ensemble des intervenants à cet écheveau dont il suffirait qu’un des acteurs importants périclite pour entraà®ner dans sa chute l’intégralité de la toile… Entreprises stables, établissements bancaires sains ou même Etats dits “développés” et à l’économie intégrée et moderne se retrouvent ainsi aujourd’hui en première ligne de feu dès lors qu’ils sont de près ou de loin en affaires avec des entités potentiellement sur la sellette.
C’est la morale qu’il convient de tirer des déconfitures de Bear Stearns et de Lehman, c’est également les leçons de la quasi faillite grecque qui, au passage, met l’Union Européenne face à ses propres carences car une dérive de ce pays aurait des conséquences dévastatrices sur un système bancaire Européen qui appelle ardemment de ses voeux un renflouement grec, même au prix d’une humiliante intervention du F.M.I.
Le Gouvernement Allemand, grand prêtre de la morale et de l’orthodoxie, ne se retrouve-t-il pas ainsi confronté à la banqueroute potentielle de certaines de ses Landesbanks – pour certaines heureuses détentrices de la notation AAA – ayant déjà perdu des dizaines de milliards d’Euros dans les subprimes, et qui sont en outre fortement à risque vis-à -vis d’un défaut grec du fait de leur très forte exposition à ses CDS?
De surcroà®t, les banques françaises ne sont-elles pas, avec des encours de l’ordre de 60 milliards d’Euros, les plus exposées de l’Union envers la Grèce sachant qu’elles se situent au second rang des établissements Européens au niveau de leur risque vis-à -vis de l’Espagne et du Portugal? L’ampleur des dégâts potentiels sur la seule Espagne semble massive car les banques hexagonales y sont exposées à hauteur de 180 milliards d’Euros!
Certains Etats fragiles parce que jeunes des Balkans ne sont-ils pas tout aussi menacés par une banqueroute d’un pays comme la Grèce qui a représente le second plus important investisseur étranger dans un pays comme la Macédoine? Les grecs y sont effectivement omniprésents: le système bancaire Macédonien leur appartient à près de 30%, celui des Télécom à 17%, de l’énergie à 25%, de l’alimentation à 10% sachant que les investissements et entreprises grecs en Macédoine emploient 6% de la population active de ce pays…
En réalité, les fondations même de l’ensemble de la région Balkanique semble s’échapper sous les pieds de certains petits Etats de la région qui, ayant connu une fièvre d’investissements grecs dès le milieu des années 90, commencent déjà à souffrir de la fermeture du robinet des liquidités grecques. Les banques grecques n’ont-elles pas usé et abusé de l’opportunité qui leur était offerte par la BCE d’un financement quasi gratuit grâce à la mise en garantie de Bons du Trésor grecs dont la valeur est aujourd’hui pour le moins remise en question?
La Suisse elle même n’est-elle pas la nation du continent Européen qui, avec près de 45 milliards d’Euros, aurait le plus à souffrir d’une débâcle grecque eu égard à son P.I.B. qui, selon Morgan Stanley, en serait affecté à hauteur de 12%? … la France suivant, quoique loin derrière grâce à sa taille, mais qui en souffrirait toutefois à raison de 2.5% de son P.I.B.!
Les Grecs, c’est entendu, ont accumulé force déficits en important et en s’endettant abusivement. Pour autant, l’épargne Allemande n’est-elle pas proportionnelle à la fièvre dépensière des cigales Européennes? L’Allemagne industrieuse et exportatrice aurait-elle bénéficié de la même prospérité ces vingt dernières années si des nations comme l’Italie ou l’Espagne avaient appliqué à l’interne cette politique rigoriste dont se sont targués tous les Gouvernements Allemands successifs?
L’Union est donc aujourd’hui confrontée à ses propres démons et il y a fort à craindre qu’elle ne réagisse – une fois de plus – en ordre dispersé. Les pays riches agiront donc dans leur seul intérêt, à savoir celui de la moindre dépense… Ce réflexe tristement et intrinsèquement Européen du chacun pour soi dès lors qu’il faut puiser dans ses réserves de guerre ou faire preuve de solidarité finira en un sauvetage des banques engagées en Grèce plutôt que dans l’assistance à l’Etat grec.
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