L’Europe de tous les égoïsmes
En définitive, la Grèce ne fera pas appel au F.M.I. puisque cette fonction consistant à contraindre certains Etats Européens à mettre en place réformes structurelles et politiques d’austérité sera remplie par la Commission Européenne ainsi transformée en F.M.I. version locale… L’autorité Européenne fera preuve d’une vigilance et d’une détermination ininterrompues afin de réussir dans cette nouvelle mission car la croissance moyenne en Europe risque fort d’être anémique cette année, tout au plus 1% dans le meilleur des cas.
Cette remise en ordre grecque (qui précèdera vraisemblablement le Portugal et l’Espagne) s’apparente en fait plutôt au nettoyage des écuries d’Augias car elle est rendue d’autant plus compliquée par le manque quasi total de fiabilité des statistiques économiques grecques! Un travail méticuleux de recoupement et de vérification de chaque chiffre économique grec est ainsi effectué par la Commission qui perd de ce fait un temps précieux dans ses analyses et recommandations visant à assainir la situation de ce pays tout comme dans la publication des chiffres Européens nécessitant forcément la pondération grecque. Dans un tel contexte o๠statistiques du chômage ou de la construction grecques nécessitent trois à quatre mois de recoupement, la tâche consistant à améliorer la productivité ou à convaincre les marchés de prêter davantage à l’Etat grec relève du défi – ou du pari – quotidien.
Ce pays, qui souffre en effet de maladies économiques chroniques, se distingue en outre par une déficience de gouvernance n’ayant pas su mettre à profit la période o๠son P.I.B. nominal était systématiquement plus élevé que les intérêts payés sur sa dette afin de réduire le ratio de son endettement par rapport à son P.I.B. Avec une croissance actuelle proche du zéro, la Grèce est aujourd’hui confronté à une situation très périlleuse et il y a fort à craindre qu’elle ne renouera pas de sitôt avec une dynamique lui permettant de résorber rapidement ses déficits.
En fait, les déboires grecs et les bruits de bottes clairement perceptibles depuis deux semaines ne vont pas sans rappeler la panique de l’automne 2008 si ce n’est que ces mouvements de troupes se déroulent aujourd’hui sur le champ de bataille Européen. En effet, pourquoi la période passée d’euphorie boursière aurait-elle effacé les incohérences Européennes, les lignes de fracture d’une Union qui n’en finit plus de remettre à demain la résolution de questions cruciales? Une politique monétaire commune à des nations aux cycles d’activité peu concordants, parfois même opposés, ou la dépendance envers Bruxelles pour toute mesure fiscale déterminante ne résultent-elles néanmoins pas en des performances économiques parfois très différentes d’un pays à l’autre?
En fait, les difficultés grecques à récolter de nouveaux fonds n’émane peut-être pas tant de marchés sceptiques quant à la mise en place de mesures de rigueur dans ce pays que d’une intuition – confortée par l’expérience – selon laquelle l’Union Européenne ne sera pas en mesure de gérer cette crise! La réponse des divers Gouvernements Européens à la crise actuelle ne fut-elle pas en effet de copier servilement le modèle Américain en créant de l’argent à partir du néant dans le but de soulager Banques en faillite et économies à la dérive? Et tant pis si l’Union Européenne devenait également un lieu de fabrication de bulles spéculatives, tant pis si par manque de courage politiques les réformes de fond cédaient le pas aux mesures superficielles et démagogiques!
Aujourd’hui, l’Europe se retrouve subitement confrontée à ses démons, à ceux ayant persuadé nos dirigeants Européens depuis des décennies que sa marque de fabrique ne pouvait être que celle du libéralisme forcené. Cette crise ne saurait être imputée à la seule fragilité de certaines nations Européennes périphériques ou aux attaques spéculatives contre l’Euro. Cette crise interpelle ceux qui ont livré l’Europe à des technocrates, à des banquiers et à des industriels peu soucieux d’une Europe solidaire et sociale. Cette crise n’est pas seulement financière : elle consacre l’échec du modèle ultra libéral Européen.
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Michel