Bonus et Idéologie

décembre 13, 2009 0 Par Michel Santi

Pourquoi la Bank of America rachète-t-elle les 45 milliards de dollars d’actions préférentielles détenues par le Gouvernement Américain? Et pourquoi une société – quelle qu’elle soit – se dessaisirait-elle de liquidités précieuses, propriété d’un actionnariat exigeant un minimum de rentabilité, si ce n’est pour une raison évidente, à savoir qu’elle n’entrevoit pour le moment pas d’investissements alternatifs à même de rémunérer ce cash? … auquel cas ces sommes monopolisées par Bank of America afin de racheter à l’Etat ses actions devraient logiquement être restituées aux actionnaires!

Ces rachats opérés par Bank of America sont pourtant d’autant moins justifiables d’un point de vue commercial que ces actions préférentielles ne lui coà»taient qu’un intérêt de 5% bien modique en regard de la rémunération usuelle des capitaux. En réalité, Bank of America, qui vient d’émettre une première tranche de 19 milliards de dollars en nouvelles actions – qui lui coà»teront nettement plus que 5%! – dans le but de démarrer le remboursement de l’Etat Américain, dilapide l’argent de ses actionnaires en effectuant une opération dénuée de toute logique comptable.

Les sociétés rachètent certes dans la pratique une partie de leurs actions en circulation dans le but de majorer mécaniquement par la suite la rentabilité de chaque action résiduelle: un profit identique réparti sur une quantité inférieure d’actions résultera effectivement en une rémunération supérieure pour chacune de ces actions. Pourtant, cette transaction de Bank of America ne rentre pas dans ce cadre spécifique car les actions préférentielles détenues par le Gouvernement US ne participaient pas aux profits de la Banque.

De plus, ce rachat n’aura aucun impact positif sur le prix de l’action car Bank of America ne vaudra pas plus après qu’avant ce rachat car la valorisation des actions restantes en circulation ( qui participent certes aux profits ) devra être amputée des 45 milliards de dollars utilisés pour cette opération… Pire encore: ce rachat d’actions préférentielles ( dont l’objectif intrinsèque était de ne pas mettre en péril cet établissement en n’alourdissant ses charges que de manière très raisonnable ), étant effectué par l’émission de nouvelles actions, contribue tout simplement à diluer l’actionnariat de la Bank of America et donc à l’affaiblir!

Les motivations de cet établissement sont pourtant évidentes: Bank of America rembourse à l’Etat Américain les sommes du programme TARP (Troubled Asset Relief Program) afin de s’affranchir de la tutelle fédérale en matière de plafonnement des rémunérations de ses cadres dirigeants imposée par le Congrès en début d’année dans le cadre des conditions imposées aux bénéficiaires du stimulus. Ces artifices et manipulations comptables – totalement injustifiées commercialement – et qui se traduiront par une fragilisation en ligne directe de Bank of America sont effectivement mis en place dans le seul but de recruter un nouveau Président-Directeur Général – et des collaborateurs au plus haut niveau – qui seront rémunérés à la hauteur de leurs ambitions et de leurs mérites! Pour ce faire, Bank of America et d’autres institutions ayant bénéficié de l’assistance spéciale d’un Gouvernement Américain ayant en retour posé des conditions pourtant élémentaires, invoque les retombées perverses de ces modalités de soutien qui la priveraient d’une Direction Générale “compétente”…

Il est vrai que le Gouvernement US – dans son infinie sagesse – n’a pas (encore) réglementé et encadré la rémunération de l’ensemble des salariés de Directions Générales qui peuvent en effet toujours être débauchés et ré embauchés à prix d’or par des établissements n’ayant pas de compte à rendre au Gouvernement de leur pays. L’absence de législation nationale – et bien-sà»r internationale – débouche donc sur des situations inadmissibles o๠des Banques majeures en viennent à prendre des décisions susceptibles de mettre en péril leur propre survie ( et l’économie et la stabilité internationales ) en cas de nouvelle tempête financière et ce dans le seul but de se doter d’un management supposé être méritant car convoité par les autres Banques concurrentes!

Pourtant, les profits substantiels générés à intervalles réguliers par les Banques sont bien moins redevables aux Directions de ces établissements qu’à des circonstances purement conjoncturelles et cycliques. Ces profits bancaires inespérés d’aujourd’hui sont générés par les liquidités massives et à bas prix offertes par les Etats, les bénéfices exceptionnels d’hier étaient dus à la vague des fusions et acquisitions, le seul mérite des Directions Générales étant de “surfer” sur des vagues ponctuelles initiées bien plus par le sentiment de confiance des investisseurs que par leur impulsion propre…

La profession de Banquier n’exige aucune capacité exceptionnelle ni Quotient Intellectuel hors du commun mais leurs bonus et rémunérations renvoient en revanche directement à leurs pouvoirs. Lequel pouvoir est toujours sous tendu par l’idéologie.

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