L’indépendance en question des Banques Centrales…
Comment sortir de la politique monétaire des taux zéro? Telle est aujourd’hui la question fondamentale qui préoccupe les principales Banques Centrales à travers le monde avec, bien-sà»r, des approches divergentes. En effet, pendant que la Réserve Fédérale US passe en revue les modalités techniques d’un virage dont elle précise qu’il ne sera pour demain, la BCE penche pour une sortie rapide de cette politique hyper expansionniste en opposition radicale avec une Banque du Japon qui, résignée à ce type de politique monétaire, s’attend à cinq années supplémentaires de taux d’intérêts nuls…
Bulles et inflation seront quoiqu’il arrive au menu des réjouissances dans le monde de demain car, les politiques monétaires de nos pays industrialisés et de nos économies développées ayant tendance à être appliquées de manière asymétriques, l’expérience démontre que les Banques Centrales réduisent les taux d’intérêts afin de relancer les exportations lorsque leur devise nationale s’apprécie mais ne parviennent que très péniblement à relever ces mêmes taux dès lors que leur monnaie baisse. A l’évidence génératrice de bulles, cette déficience quasi généralisée des Banques Centrales majeures de ce monde ayant été malencontreusement inaugurée dans les années 80 dans un pays – le Japon – qui s’est par la suite retrouvé totalement à court de munition ( c’est-à -dire dans l’incapacité de réduire des taux qui étaient déjà à zéro! ) à l’occasion de la crise Asiatique des années 1997/1998. Au demeurant, Greenspan qui, en réduisant agressivement les taux Américains et en hésitant longtemps avant de les remonter, n’a pas agi autrement vis-à -vis de marchés financiers ayant accueilli ces tergiversations avec des fièvres d’ “exubérances irrationnelles”!
En réalité, cette politique quasi endémique de taux maintenus structurellement très bas met à terme sérieusement en danger le niveau de productivité d’un pays avec, à la clé, des conséquences néfastes sur la croissance. Ces politiques accomodantes – pour paraphraser Hayek – permettent certes d’éviter la panique mais les dépenses et stimuli Etatiques massifs qui en sont toujours l’épiphénomène – inondant indifféremment et sans distinction l’ensemble des secteurs de l’activité économique – sont susceptibles de niveler par le bas la compétitivité et la productivité du fait de liquidités mal ciblées. Leur interprétation tronquée – ou démagogique – de la science macro économique autorise aujourd’hui nos autorités monétaires à négliger les allocations d’actifs – pourtant fondamentales – des liquidités qu’ils distribuent si généreusement dans le seul but d’améliorer de manière cosmétique les chiffres d’un P.I.B. qui ne reflète pratiquement plus aucune réalité économique.
Par ailleurs, il y a fort à parier que la croissance économique imputable aux subsides Gouvernementales ne puisse se perpétuer en cas d’interruption de stimuli qui se logent dans des secteurs peu compétitifs … et ce dans un contexte à venir qui ne manquera pas d’être chargé en terme d’augmentations d’impôts ( afin de résorber au moins en partie les déficits gigantesques ) qui exerceront immanquablement une pression baissière sur ce même P.I.B.? On comprend mieux comment ces autorités économiques et monétaires tombent dès lors dans leur propre piège car incapables de remonter des taux d’intérêts qui ne manqueront pas d’achever les secteurs d’activité peu sains ayant survécu de la charité des deniers publics tout en faisant exploser ça et là des bulles!
Sans négliger que ce raffermissement de politique monétaire aura des conséquences potentiellement catastrophiques sur le financement de l’endettement public: En effet, un Etat aura très clairement d’autant plus tendance à conserver ses propres taux d’intérêts très bas aussi longtemps qu’il subit des déficits publics élevés. Le Japon de la fin des années 90 n’a-t-il pas ainsi été contraint de maintenir ses taux à zéro à cause d’un endettement public – dépassant 200% de son P.I.B. – qu’il souhaitait garder sous contrôle?
L’indépendance des Banques Centrales est donc très largement surestimée dans une conjoncture oà¹, en bons soldats, elles se doivent de soutenir leur Gouvernement dans la monétisation de sa dette et donc dans l’application de sa politique économique. Du reste, la Banque du Japon n’avait-elle pas fini par être tout bonnement reléguée comme une des multiples agences Gouvernementales dans le courant des années 90? De même, et en dépit des prétentions hiératiques de M. Trichet, la BCE ne pourra à l’évidence que très difficilement remonter ses taux si l’Euro reste à ces niveaux, voire s’apprécie davantage… Le jeu et le calcul politique resteront donc au coeur des politiques monétaires de nos pays modernes et les dirigeants privilégieront toujours systématiquement les mesures expansionnistes, à court terme fort opportunes, au détriment des réformes de fond. La voie est ainsi toujours grande ouverte aux futures bulles spéculatives.