Le sacrifice du Dollar
Quatre ans après l’administration Carter et alors que l’inflation US atteignait des records à deux chiffres en dépit d’une économie en récession, le monde Occidental exprimait pessimisme et doutes sur les capacités Américaines à remporter la guerre froide. L’Union Soviétique profitait ainsi de la faiblesse généralisée des Etats-Unis pour envahir l’Afghanistan et contribuant au passage à propulser les prix de l’Or – qui s’appréciaient déjà notablement avant cette opération militaire – vers ses records historiques…
La réponse du Président de la Réserve Fédérale de l’époque, en la personne de Paul Volcker qui se trouve être aujourd’hui un des éminents conseillers économiques du Président Obama, permit de stabiliser le billet vert mais au prix du plongeon progressif de l’économie de son pays dans le marasme. L’enjeu fondamental des Américains, qui était de démontrer au monde – et aux Iraniens en pleine Révolution – qu’ils n’avaient pas perdu la main, passait par une stabilisation de leur monnaie et ce même au prix de taux d’intérêts qui ne manqueraient pas d’étouffer leur économie. Le Prime Rate (taux de référence) US avait ainsi atteint 21.5% au plus haut en 1981!
La conjoncture actuelle présente certes quelques points communs avec la période excessivement tourmentée d’alors avec toutefois une différence majeure : les taux d’intérêts Américains ne remonteront pas dans un avenir proche. Le Gouvernement Américain, qui voit d’un très mauvais oeil la hausse de l’épargne de ses citoyens ayant atteint à 6% son plus haut palier en 10 ans, fera ainsi le nécessaire – en conservant les taux à des niveaux ridicules – pour siphonner ces économies…
En fait, les Chinois, qui poursuivent – quoique de manière nettement moins spectaculaire – leurs achats en Bons du Trésor ont bien saisi que nul n’a intérêt aujourd’hui à subir un loyer de l’argent plus cher car en effet pourquoi acheter des Bons Américains condamnés à se déprécier en cas de hausse des taux? La globalisation étant en réalité une sorte de méga chantage qui a instauré une interdépendance des nations, la survie financière du monde dépend ainsi toujours de la poursuite de la monétisation de la dette Américaine.
Le Dollar sera le grand perdant de ce statut quo de la politique monétaire Américaine. En fait, après avoir survécu – brillamment – au tremblement de terre initial des épisodes sanglants de 2008, la monnaie Américaine sera enterrée sous les décombres des répliques! Victime collatérale inattendue en cette période qualifiée de “sortie de crise”, le billet vert déclinant semble redevenir un enjeu politique aux yeux d’Américains humiliés et conscients d’une puissance aujourd’hui révolue mais pas encore complètement résignés à laisser filer leur devise.
Le Dollar devient effectivement une arme – et un prétexte – entre les mains du camp Républicain qui accuse non sans raisons Obama de sacrifier leur symbole en aggravant inconsidérément leurs déficits. Contestant de plus en plus le dernier stimulus en date de l’ordre de 800 milliards, les Parlementaires Républicains concentrent leurs attaques sur le Président de la Fed, Ben Bernanke, pendant que Sarah Palin, qui se pose en future candidate aux Présidentielles, s’engouffre dans cette brèche en déplorant la perte du statut de réserve internationale de sa monnaie… Les doléances face à cette glissade du dollar semblent au demeurant opportunes car le sujet est en effet politiquement d’autant plus porteur qu’un récent sondage (Rasmussen) dévoilait que 88% des Américains souhaitaient que leur monnaie soit toujours la devise mondiale dominante.
Au-delà des considérations selon lesquelles une dépréciation de leur monnaie autorisera une relance de leurs exportations, les citoyens US, dont le moral a déjà été largement sapé par la crise, savent bien – au moins instinctivement – qu’un dollar faible est le reflet de leur puissance qui se réduit comme une peau de chagrin : l’époque Carter étant là , si besoin était, pour le leur rappeler! La punition du billet vert, surtout si elle se termine en dérapage incontrôlé, ne sera pas sans effet pour une Administration Obama déjà taxée de faible sur d’autres dossiers.
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