Pauvre Europe
Le Ministre des Finances Allemand a enfin élaboré et présenté son plan d’une “mauvaise banque ” (bad bank) censée soulager les établissements du pays de leurs créances douteuses et non solvables afin de leur permettre de mieux se concentrer sur des projets à même de promouvoir la croissance économique du pays. Par ailleurs, une série de “stress tests” supposés passer au crible les plus importantes Banques Européennes vient d’être planifiée par les autorités Européennes.
L’Europe se déciderait-elle enfin à prendre la mesure de la crise de son système bancaire et financier? L’Europe est un continent malade de récession dont la seule parade a été à ce jour une attitude “Ponce Pilatienne” consistant à en rejeter la faute sur les Etats-Unis tout en niant ses propres responsabilités et implications. Ne cherchons pas à psychanalyser l’Europe ou ses dirigeants mais il semble établi que le déni de la crise trouve ses fondements aux origines mêmes de cette crise…
Aux Etats-Unis, les prêts subprimes ont certes été accordés aux créanciers les moins solvables avant d’être découpés en titres agglomérés à des créances solvables afin d’être revendus en tranche sur le marché. En vitesse de croisière, investisseurs et spéculateurs inondent ce marché de liquidités avec pour conséquence une réduction substantielle du coà»t de tous les crédits, la crise du crédit et la récession étant les conséquences inévitables en cas de défaillance du marché immobilier. En fait, comme il est impossible de séparer la bonne graine de l’ivraie, autrement dit de mettre en quarantaine les débiteurs douteux au sein de cet alliage contre nature o๠sont fondues bonnes et mauvaises créances, il devient dès lors impossible aux établissements ou au simple spéculateur détenant ces titres de lever de nouveaux fonds car nul ne consent plus à prendre de tels titres en garantie d’un financement supplémentaire…
C’est là que le déni Européen se pare de superbe, le système US étant ainsi dédaigneusement rendu responsables de nos maux…alors que la vieille Europe est elle-même engluée dans ses propres subprimes! L’Union Européenne, dont l’économie pèse 15’000 milliards de dollars en 2009 selon les chiffres du F.M.I., est certes peu impliquée dans la déroute subprimes Américaine puisque ses établissements ne sont exposés qu’à hauteur de quelques 300 milliards de dollars. Néanmoins, le système bancaire Européen est lourdement enlisé dans des créances Européennes non solvables et autres opérations spéculatives consistant pour les ménages d’Europe Centrale à s’endetter en des monnaies prélevant des taux d’intérêts insignifiants. Le manque absolu de transparence ayant pour conséquence – et pour but bien-sà»r – de ne pas être en mesure de chiffrer ces expositions.
Toujours est-il que le système financier d’Etats comme l’Autriche, la Belgique, l’Italie et la Suède, lourdement investis en Europe Centrale et en Islande, risque l’implosion. Pire encore : la déconfiture de pays comme l’Espagne ou l’Irlande démontre que la situation de certains nations Européennes est encore plus dramatique que la faillite de la Californie ! Chaque prêt contracté par un Européen de l’Est étant garanti par un Européen de l’Ouest, l’Europe est ainsi assise sur une poudrière dont l’explosion est programmée selon un compte à rebours rythmé par une gangrène récessionniste qui progresse inexorablement.
Par ailleurs, et alors que le système bancaire aux Etats-Unis n’est qu’une des sources multiples du financement d’entreprises ayant plus l’habitude de trouver des fonds sur les marchés obligataire ou boursier, notre système bancaire est à l’origine de 90% des financements dans la quasi totalité des pays Européens, à l’exception de la Grande Bretagne et de l’Allemagne o๠il est quand même à l’origine de 70% des crédits. C’est donc la structure même de l’économie Européenne qui s’en trouve ébranlée, le tremblement de terre final étant inéluctable à mesure de l’aggravation de la récession et du chômage…
Pour autant, l’Union bénéficie-t-elle d’un ou de plusieurs organismes à même de prendre en main et de manière volontariste l’assainissement de son système bancaire, la Réserve Fédérale, le Département du Trésor et la Federal Deposit Insurance Corporation étant les institutions publiques habilitées à intervenir aux Etats-Unis? Las, nul équivalent dans cette Union Européenne o๠le préalable obligatoire à toute mesure de sauvetage est une prise de conscience collective de la menace, chaque Etat étant libre de nettoyer devant sa porte…ou pas! L’Europe, qui ne bénéficie d’aucune institution dotée des moyens techniques et légaux indispensables à même d’agir en tant que pare-feu, ne tirera aucun enseignement de tous ces stress-tests et pour cause : Quelle sera l’autorité en mesure d’évaluer, d’agir et de remédier en fonction de ces résultats?
Le temps n’arrange en rien les affaires Européennes même si le déni fait partie intégrante du gène Européen intrinsèquement timoré.