Architecture Financière et syndrome de Sisyphe
L’insolvabilité de nos Banques n’est pas un phénomène inédit. De fait, un certain nombre d’institutions financières – déjà insolvables lors des crises bancaires du début des années 80 et de celle du début des années 90 – sont parvenues à surmonter l’épreuve cruciale du temps et ont survécu – et même prospéré – sans devoir modifier leurs orientations respectives et sans devoir se remettre en question. La crise bancaire actuelle diffère-t-elle fondamentalement des crises précédentes ? Les périodes de répit, même prospères, entre ces périodes de tourmentes ne pourraient-elles être considérées comme des phases de rémission dans un schéma global d’insolvabilité endémique et permanent de notre système bancaire?
De fait, nos institutions bancaires n’ont guère brillé par leurs allocations d’actifs et par leurs investissements constructifs ces dernières décennies. Leurs profits ont été réalisés en recyclant les déficits internationaux et autres endettements domestiques canalisés vers du financement immobilier de luxe ou du prêt à la consommation, soit autant de domaines ne profitant qu’à un petit nombre de bénéficiaires. Les effets néfastes de ces allocations d’actifs bancaires peu productives reflétant la paresse intellectuelle, le déficit de vision à long terme ainsi que le manque de civisme de nos banquiers ont certes été atténués par les épisodes euphoriques successifs ayant convaincu les investisseurs que la consommation pouvait être éternellement soutenue par les progressions boursières.
En réalité, ces fièvres boursières n’étaient que les rémissions – par nature éphémères – d’un mal bien enraciné dans nos sociétés qui consiste en une propension – encouragée à l’excès par tous les intervenants du secteur financier – à l’endettement et au surendettement et ce au mépris de la cohésion et de l’intégrité sociales. L’inventivité court-termiste de nos Banquiers ayant ainsi persuadé investisseurs nationaux et internationaux de placer des avoirs – dont ils ne disposaient souvent même pas! – dans des valeurs pourries, comme les subprimes, n’ayant aucun effet bénéfique sur l’économie réelle ou sur une croissance saine…
Le constat d’échec cinglant de notre système bancaire et son insolvabilité qui n’en est que le corollaire constituent aujourd’hui une opportunité à ne pas rater de l’amender en profondeur tout en responsabilisant les divers intervenants. Attention à ne pas entreprendre une fois de plus des modifications de notre système bancaire et financier qui en resteront au stade de la cosmétique car les déséquilibres et l’injustice inhérents à notre architecture financière sont désormais intolérables! C’est bien simple : sans jouer les mauvaises augures ni faire preuve d’un quelconque sentiment paranoïaque, toute réforme de cette architecture qui en restera au stade du superficiel aura pour conséquences inévitables l’implosion sociale ou la guerre.
Je ne sais si nos responsables économiques et politiques actuels apprécient à sa juste mesure – et sont conscients – de leur chance folle d’avoir évité de justesse une liquéfaction financière qui se serait fatalement terminée en catastrophe sociale. Toujours est-il qu’ils devront impérativement procéder à des changements radicaux et en profondeur au sein de notre architecture bancaire et financière si leur préoccupation est d’éviter que la prochaine crise – qui surviendra immanquablement si rien de sérieux n’est entrepris aujourd’hui- ne se transforme en révolution!
Dans cette optique, il est tout à fait déplorable que les solutions à la crise actuelle soit apportées – et n’émane que – de ceux-là même qui jouaient à l’autruche lors de la formation et à la veille de l’implosion des bulles successives. Notre monde ne peut plus – et ne veux plus – tolérer de temporiser ou de colmater car l’essence même de notre système est viciée. Le capitalisme n’est pas une insulte, il représente même la seule solution connue aujourd’hui pour favoriser la croissance économique et la nécessaire évolution humaine qui en est l’épiphénomène.
Pour autant, ceux-là même qui sont les plus ardents défenseurs du capitalisme en sont également les fossoyeurs car le capitalisme doit être la solution et non la source du mal, la crise financière et l’explosion du chômage n’étant que les symptômes de ce mal bien enraciné…Une simple application de morphine ne suffira plus cette fois, il faut trancher dans le vif.
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Michel