Ne tirez pas sur le Trader!
“Bouffer du Trader et du Banquier” devient un sport international populiste, une aubaine pour des politiques opportunistes trop heureux de pouvoir brà»ler cette nouvelle race de sorciers sur un bà»cher afin de détourner l’attention de leurs propres carences! Comment s’étonner dès lors de l’attitude faussement scandalisée du Président Sarkozy qui, à l’occasion de son allocution télévisée du 5 Février dernier, s’est déchaà®né contre “le système de rémunération de ceux qu’on appelle les traders, ces jeunes gens qui jouent à spéculer”? Dans la foulée, un quotidien vénérable se posait une grave question : “La France sera-t-elle le premier pays à limiter les bonus des traders, qui ont atteint des niveaux record en 2007 ?” car, selon Sarkozy : “à‡a a conduit à la catastrophe que l’on sait” et “C’est ça qu’il faut interdire !”
Vouer aux gémonies les Traders fait certes partie intégrante de l’opération de catharsis généralisée que subit notre société dans un contexte o๠les fondements de notre système capitaliste sont tous les jours remis en question. Méfions-nous cependant de ces effets d’annonce spectaculaires et de ces diversions affligeantes dont le seul but est de nous éviter à tous de nous interroger sur notre culpabilité collective. La naïveté – dans certains cas la duplicité – de ces pourfendeurs de financiers est en effet consternante : Car si les traders sont des voleurs, nous devenons tous des receleurs, nous les amateurs de cartes de crédits, les titulaires de prêts hypothécaires et des crédits à la consommation!
Nos Chefs d’Etat – Sarkozy, Obama…- s’attaquent à des symboles, à des boucs émissaires qu’il est d’autant plus facile d’abattre qu’ils ne sont que des pions au lieu de soumettre à la question ceux dont le rôle – et le devoir – étaient de définir les règles du jeu et de prévenir tout dérapage. Nos banquiers sont manifestement responsables et coupables de leur gourmandise excessive, de leur rapacité et de leur propension immodérée au risque. Pour autant, les règles du jeu étaient claires dès le départ au sein de cette profession dont le credo consistait simplement à enrichir et à s’enrichir.
La dérive de notre système financier ne serait-elle pas plutôt imputable à nos organismes de régulation coupables de collusion – voire du sujétion – avec ces mêmes banquiers qu’ils étaient supposés contrôler? Ce dogme du “laissez faire “cher à nombre de nos Banquiers Centraux ne partait-il pas en effet du principe non négociable selon lequel trop de réglementation tue l’innovation et donc le profit? La dérive de notre système financier ne serait-elle pas également imputable à nos législateurs ayant renoncé à encadrer marchés et intervenants financiers, cédant à la pression d’un lobbyisme qui leur expliquait que réguler une finance de plus en plus sophistiquée reviendrait à casser la croissance? Ainsi, un Parlementaire Américain se devait en effet d’avoir un courage certain et un sens du sacrifice hors du commun pour s’attaquer au monde de Wall Street qui finançait ses campagnes électorales! Ce renoncement – et cette abdication – du législateur et du Banquier Central à exercer leurs responsabilités n’est-elle pas autrement plus grave que l’attitude du Banquier et du Trader dont le réflexe Pavlovien est de gagner de l’argent?
En effet, comment expliquer l’attitude laxiste des organismes de régulation Américains et Britanniques vis-à -vis des “instruments exotiques ” induisant un effet de levier massif ? Et comment interpréter leur compréhension – et leur complicité – vis-à -vis d’institutions financières faisant valoir les coà»ts excessifs et inutiles des contrôles internes? Peu importait après tout si ces établissements découpaient en titres tous types de prêts pour les vendre à l’étranger, peu importait si les ratios capitalistiques n’étaient plus respectés, l’ogre devait être satisfait! Du coup, la Banque Centrale se targuait d’entretenir un partenariat avec l’institution financière dont la responsabilité était de surveiller les “ratios prudentiels “, terme pompeux synonyme d’auto régulation dans un contexte de marché roi o๠le gendarme financier était l’hôte incontournable du lunch du vendredi…Le ton était ainsi donné et la débâcle annoncée : La meilleure forme de réglementation était l’absence de réglementation, les marchés étant capables de s’auto réguler, le risque étant disséminé parmi un maximum d’intervenants. C’est ainsi que Banquier Central et législateur ont perdu tout contact avec le monde réel!
Comme les acteurs, les footballeurs et les pilotes de Formule 1, les traders ne gagnent qu’une part infime de ce qu’ils rapportent à leurs patrons. Il semblerait même que le Chef d’Etat d’un grand pays démocratique ait plus que doublé ses revenus, sans pour autant atteindre ses objectifs…
Profitons de la crise pour assainir.
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Michel