Compétition acharnée sur le marché de la dette souveraine

janvier 19, 2009 0 Par Michel Santi

L’agence de notation Standard & Poors a réduit le 14 Janvier dernier la note (rating) de la dette Grecque de A à A- et le 19 Janvier la note espagnole de AAA, soit le meilleur rang possible, à AA- ! Par ailleurs, S&P – tout comme ses consoeurs Moody’s et Fitch – devraient prochainement rétrograder le rating de trois autres pays Européens qui subissent une aggravation dramatique de leurs déficits publics dans la conjoncture de crise actuelle, à savoir l’Irlande, le Portugal et l’Italie. De fait, la Grèce et l’Italie, véritables lanternes rouges Européenne, entretiennent une dette publique de l’ordre de 100% de leur P.I.B. tandis que les difficultés Irlandaises et Espagnoles proviennent principalement de l’extrême fragilisation de leur secteur bancaire suite à la dégringolade de leur marché immobilier respectif.

L’augmentation substantielle des dépenses publiques étant la seule parade trouvée par nos dirigeants pour lutter contre une récession rampante, c’est en fait la totalité des comptes des nations Européennes qui se retrouvent déficitaires. Ces déficits plongent ces pays Européens dans un cercle infernal puisque, leur objectif étant de faire appel aux investisseurs afin de trouver les fonds indispensables pour financer leurs budgets, ils devront payer plus cher cet endettement du fait de la rétrogradation de leur note…Ainsi, le rating est d’autant plus une variable cruciale pour les Etats en quête de financement que l’Europe est loin d’être la seule à se battre pour obtenir des crédits en ce monde o๠la liquidité règne en maà®tresse ! Dans une conjoncture moins délicate, la diversification et la sophistication importantes des économies Européennes auraient très nettement atténué cette problématique mais l’environnement financier et économique ambiant ne fait à l’évidence qu’exacerber les fragilités intrinsèques à chaque économie Européenne.

L’augmentation des impôts et l’appel direct aux fonds des autres Etats et aux banques internationales auraient pu représenter d’autres alternatives de financement. Toutefois, la récession actuelle serait irrémédiablement accentuée par un alourdissement de la charge fiscale des contribuables tandis que les banques – encore de ce monde – sont, comme on le sait, très réticentes à entamer leurs capitaux résiduels par de nouveaux prêts car soucieuses de se prémunir contre les tourmentes des liquidations d’actifs et autres surprises sur le marché des subprimes…La vente de la dette publique à travers l’émission d’obligations reste donc la seule possibilité à portée des Etats bénéficiant d’économies développées pour faire appel aux fonds, certains pays fragilisés comme la Hongrie ne trouvant que le F.M.I. en face pour racheter leur papier-valeur, d’autres comme l’Islande devant leur salut à leurs voisins…Cette assistance du F.M.I. ou des pays voisins a bien-sà»r son prix, politique ou géostratégique s’il s’agit d’un Etat voisin qui vient à la rescousse, financier et social dès lors que le F.M.I. impose ses conditions. Sans négliger la perte de crédibilité internationale essuyée par une nation faisant appel aux deniers du F.M.I avec, à la clé pour ce pays, encore plus de difficultés à attirer l’investissement étranger.

La vente de la dette publique à travers des instruments obligataires dans un contexte de marché libre o๠règne la loi de l’offre et la demande peut toutefois alléger le coà»t du financement des Etats car la compétition que se livrent les investisseurs afin de se procurer ces papiers valeurs exerce une pression baissière sur le taux d’intérêt à charge de cet Etat. Cet avantage que confère un marché libre à l’émetteur d’obligations a cependant le défaut de ses qualités puisque les pays au rating faible sont cruellement concurrencés par les nations disposant de la notation maximale. Compétition acharnée qui se solde pour les pays défavorisés par des taux fatalement plus élevés dans le but de séduire les capitaux et tout particulièrement en période de crise o๠ces capitaux privilégient forcément la notation AAA! Une dette souveraine au rating AAA rémunérant forcément moins le titulaire du bon, le concept est identique au petit crédit dont le taux est plus favorable envers le consommateur ne figurant pas au fichier des mauvais payeurs!

On comprend dès lors l’appétit sans précédent des investisseurs mondiaux pour la valeur refuge constituée par les bons du Trésor Américains bénéficiant (toujours ) de la notation AAA tout comme on comprend le corollaire, c’est-à -dire l’appréciation du Dollar, monnaie dans laquelle sont libellés ces bons. En période de crise grave, le rating de la dette publique est ainsi d’autant plus crucial que les Etats doivent donc se battre pour glaner le solde de liquidités n’ayant pas été magnétisé par les Bons US! Voilà pourquoi des pays comme la Grèce, l’Italie, l’Irlande et même l’Espagne encore tout récemment AAA ont été contraintes d’améliorer depuis Septembre 2008 la rentabilité de leurs bons sévèrement concurrencés par les bons du Trésor Allemand dont la rentabilité, elle, n’a certainement pas été majorée, la crédibilité et les comptes de cet Etat étant intacts. De fait, l’Allemagne étant la référence absolue en Europe du point de vue de la solvabilité des obligations émises, les nations Européennes fragilisées par la conjoncture actuelle de raréfaction du crédit devront fatalement payer plus pour attirer les capitaux et s’acquitter ainsi d’une charge démesurée, eu égard à leur situation financière. Ces pays n’en auront ainsi que plus de problèmes à se hisser hors de leur marasme avec au final – conséquence logique – une diminution supplémentaire de leur rating…

Espérons que la locomotive US – qui pompe à elle seule une portion phénoménale des liquidités mondiales – redémarre prochainement afin que cette bataille à l’arme blanche de recherche – parfois désespérée – de liquidités s’atténue. Seul un redémarrage de l’économie globale et une normalisation des flux financiers baisseront le coà»t de financement des Etats.

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