La politique du taux zéro : une grenade en mains des Banques Centrales!

janvier 11, 2009 0 Par Michel Santi

Y aurait-il des manuels, des livres d’Histoire ou des guides pratiques qui indiqueraient la marche à suivre ou les prochains épisodes à présent que les taux d’intérêts du monde entier se retrouvent à ou proches du zéro? La réalité est que, en dépit du précédent Japonais des années 90, les principales Banques Centrales sont confrontées à une situation totalement inédite. Aucune méthodologie mathématique ou rigoureuse donc pour éviter la déflation par la dette mais quelques pistes exploitées par nos Banquiers Centraux.

Ces derniers ne sont effectivement pas avares de discours et de déclarations assurant que cette politique de taux nuls ou très bas est destinée à durer dans le temps. En effet, comme les rendements sur les obligations d’Etat baissent quasi mécaniquement dès lors que le marché est persuadé que les taux resteront bas pendant un temps certain, le coà»t de financement des entreprises et des privés devient ainsi plus abordable avec des répercussions favorables espérées sur les valorisations boursières, immobilières et autres…

Par ailleurs, les mesures concrètes et à bien des égards révolutionnaires désignées sous l’appellation mystérieuse de “baisses quantitatives” consistent d’une part en un gonflement agressif du bilan des Banques Centrales du fait de l’injection massive de liquidités et d’autre part en des achats par ces mêmes Banques Centrales de tous types d’actifs allant des bons du Trésor à l’obligation émise par une entreprise en passant par l’immobilier ou par les titres subprimes…En fait, ces baisses quantitatives reviennent tout simplement à activer la planche à billets, billets destinés à finir aux mains des consommateurs qui iront les dépenser. Le contrôle des prix peut donc être enterré en paix car la préoccupation des Banques Centrales devient dès lors le contrôle du volume des liquidités déversées dans le système : boulversement majeur des priorités des Banques Centrales peu soucieuses dès lors de financer les déficits de l’Etat par l’émission d’obligations qui draineraient précisément de précieuses liquidités hors du système!

En période de baisses quantitatives, l’action d’une Banque Centrale devant en effet être principalement orientée vers le rachat de tous types de papiers-valeurs – et d’abord des siens propres – dans le but de tarir au possible le marché obligataire afin que les liquidités en quête de placement aillent plutôt se loger dans les secteurs vitaux de l’économie…Au demeurant, une Banque Centrale peut également acquérir des biens immobiliers ou, en dernière extrémité, des titres comme le fit la Banque du Japon dans les années 90! Les objectifs visés par une Banque Centrale étant double: tout d’abord celui de propulser les valorisations nominales de ces obligations – et donc d’exercer une pression à la baisse sur les taux d’intérêts – tout en assurant au système un approvisionnement généreux en liquidités. Toutes ces manipulations ont en fait un but et un seul, celui de forcer quasiment à la consommation, à l’investissement et à la dépense.

En théorie, les Banques Centrales peuvent pratiquer ces baisses quantitatives sans aucune limite et, en conséquence, un Etat peut – toujours en théorie – appliquer à l’infini une politique de stimuli fiscaux afin de relancer l’activité économique! Un Etat qui réduit drastiquement les impôts peut ainsi se financer par l’émission de bons du Trésor qui seront, à leur tour, achetés par sa Banque Centrale. Cette Banque Centrale verrait sa Masse Monétaire gonfler, le Gouvernement redistribuant alors ces liquidités aux citoyens…On comprend mieux la fameuse allégorie de Friedman qui suggérait de larguer du cash depuis des hélicoptères ou la suggestion plus prosaïque de Keynes d’employer des citoyens afin d’enterrer des bouteilles remplies de billets de banque…

Pour autant, ces baisses quantitatives sont-elles un instrument miraculeux? La réponse est clairement négative si l’on se base sur l’échec Japonais lors de la décennie perdue. En réalité, les Banques Centrales ne connaissent pas à l’avance la dose de baisses quantitatives nécessaires à la lutte contre la déflation : Ainsi, alors que des mesures peu généreuses ou mal ciblées peuvent accentuer la déflation, un excès de baisses quantitatives est bien-sà»r susceptible de transformer la déflation en…inflation! Un exemple de pays ayant abusé de politique monétaire expansionniste? Le Zimbabwe!

Les Banques Centrales, à la croisée des chemins, se retrouvent ainsi bien malgré elles en train de “faire l’Histoire”! Du reste, dans ce processus, pourquoi s’arrêter à zéro, pourquoi ne pas rendre négatifs les taux d’intérêts? En réalité, les billets de banque, qui ne sont rémunérés d’aucun taux d’intérêt – positif ou négatif – imposent une limitation à ce qui peut être expérimenté avec la politique monétaire. Car si d’aventure une Banque Centrale imposait des taux négatifs qui se répercuteraient nécessairement sur les dépôts bancaires, les titulaires de ces dépôts n’auraient qu’à retirer leurs liquidités des banques, les espèces n’étant pas grevées de ce taux négatif! Ce système de taux négatifs pourrait néanmoins être viable à partir du moment o๠le taux prélevé est minime car il serait très difficile, voire impossible du point de vue de l’espace matériel, aux détenteurs de gros dépôts de retirer tous leurs avoirs. C’est ainsi qu’en 1978, les taux d’intérêts envers les détenteurs étrangers de Francs Suisses étaient négatifs, phénomène n’ayant du reste pas découragé les investisseurs, notamment nippons, du fait de l’appréciation de la monnaie Helvétique qui compensait largement le taux prélevé sur leurs dépôts…

On le constate, la déflation est une calamité d’autant plus difficile à prévenir que sa manifestation s’accompagne toujours d’une augmentation du taux d’intérêt réel, c’est-à -dire du taux nominal moins l’inflation : En d’autres termes, la déflation agit en exerçant une pression haussière sur les taux d’intérêts au plus mauvais moment, soit au moment o๠ces taux devraient précisément baisser! Voilà pourquoi – et un certain nombre d’économistes s’accordent sur ce point -, il conviendrait de ne plus baisser les taux dès lors qu’ils ont atteint 0.5, voire 1%, afin de se ménager une sortie de secours en cas d’extrême tourmente.

La politique monétaire du taux zéro, qui consiste donc à inonder tout le monde et tout de suite d’un maximum de liquidités, porte en elle les germes d’une allocation inefficiente car indifférenciée des ressources tout en encourageant tous types de comportements inconséquents, voire irresponsables.

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