Banques centrales : Responsables et coupables

novembre 26, 2008 0 Par Michel Santi

Quand nos banquiers centraux se décideront-ils enfin à prendre au sérieux les menaces posées par les bulles ? Et quand nos anges gardiens de la finance internationale cesseront-ils de sous estimer l’impact destructeur de l’implosion de ces bulles? En effet, il semblerait bien que la perte de solvabilité du système bancaire suite à la dégringolade du marché immobilier les ait pris de court. De même, sont-ils désemparés de constater les effets du crack immobilier sur l’économie…Serait-ce trop exiger de la part de nos banquiers centraux d’apprendre un peu…l’histoire? Les crise et récession Japonaise et Scandinave du début des années 90 ayant en effet été principalement provoquées par une crise immobilière!

De fait, ils ont tout simplement “intellectualisé ” cette bulle immobilière au fur et à mesure de son aggravation, constatant candidement au passage que leur politique monétaire laxiste encourageait de plus en plus de consommateurs à se cribler de dettes pour acquérir des biens immobiliers. Peut-être étaient-ils convaincus de leur infaillibilité ou étaient-ils persuadés de disposer des outils appropriés pour lutter contre l’implosion de ces bulles? Après tout, une politique monétaire adéquate avait parfaitement remédié à la bulle des valeurs technologiques et à l’effondrement boursier du début des années 2000 en ramenant – de manière presque mathématique – une croissance économique admirable! Greenspan et ses acolytes pouvaient donc laisser les bulles se former car, le moment venu, ils n’avaient qu’à actionner le bouton ” baisse des taux d’intérêt “. Quant aux spéculateurs, ils pouvaient prendre de plus en plus de risques car le parapluie de Greenspan leur sauverait la mise dès lors que cette bulle imploserait…

Le métier de banquier central était subitement devenu simple, basique, car il suffisait d’appliquer une politique dont l’objectif unique consistait en la stabilité des prix sans s’apercevoir que leur obsession de cette stabilité des prix restreignait leur politique monétaire à être l’esclave de la lutte contre l’inflation! Croissance phénoménale du crédit et baisse dramatique de l’épargne ( principalement dans les pays anglo-saxons ) n’étant plus dignes de figurer au radar.

Les taux d’intérêt furent ainsi maintenus à des niveaux bas incompréhensibles dans un contexte o๠certes la globalisation et les progrès technologiques comprimaient les tarifs des marchandises mais aussi dans une conjoncture o๠l’augmentation substantielle des prix des services contribuait à l’escalade du crédit. Ignorant la distinction entre la bonne déflation causée par la progression de la productivité et la mauvaise déflation provoquée par la crise du crédit, les banques centrales nous ont ainsi pris par la main pour nous conduire vers la pire conflagration de déflation par la dette depuis la Grande Dépression!

Qui pourra exonérer la Réserve Fédérale US pour avoir minimisé les déficits américains gigantesques présentés comme conséquences inévitables de la globalisation ? Pire encore : ces déficits américains étaient attribués à une malsaine propension à l’épargne de la part des pays Asiatiques en particulier et des pays à fort excédent commercial en général ! La réalité est que les banques centrales des nations dites développées ont lamentablement échoué à assainir et à équilibrer le système financier international car nous subissons depuis le début des années 70 – soit depuis l’effondrement de Bretton Woods – une configuration o๠nous sommes noyés par un Dollar qui règne en maà®tre absolu. Ainsi, pendant que le déficit de la balance des paiements américaine se creusait invraisemblablement à 800 milliards de dollars en 2006, les réserves des banques centrales à travers le monde en billet vert triplaient en quelques années pour atteindre 6000 milliards de dollars!

La responsabilité de l’ensemble des banques centrales à travers le monde vis-à -vis de ces déséquilibres est patente car les pays à excédent commercial Asiatiques et Moyen-Orientaux imprimèrent leur monnaie nationale à outrance afin d’acheter du Dollar dans le but de maintenir leur propre devise artificiellement basse et afin de propulser leurs propres exportations. Ce faisant, ces banques centrales rejoignaient le club des Greenspan et consorts en favorisant une bulle massive de leur bourse et de leur marché immobilier…

Ces excédents de Dollars à disposition des pays Asiatiques furent par la suite recyclés et réinvestis sur le marché US, contribuant ainsi à exercer une pression baissière supplémentaire sur les taux américains tout en gonflant encore plus la spéculation immobilière. Pendant ce temps, le consommateur américain pouvait continuer à dépenser sans compter et à creuser une dette qui de toute façon était financée par l’extérieur. De surcroà®t, comme le marché obligataire traditionnel aux Etats-Unis ne suffisait pas à satisfaire cet océan de dollars en quête d’investissements, un nouveau véhicule de placement adossé au marché immobilier – le subprime – fut alors crée par Wall Street afin de répondre aux demandes pressantes des liquidités désireuses de s’investir dans du papier-valeur libellé en Dollar. Non contentes de participer aux déséquilibres fondamentaux, les pays Asiatiques portent de plus une lourde responsabilité dans la boulimie du consommateur américain!

Nos banquiers centraux semblent comme paralysés par des préjugés de nature idéologique selon lesquels les marchés financiers finissent toujours par retrouver leur équilibre, – les bulles et les excès du crédit pouvant être relégués au second plan -, et selon lesquels les mouvements internationaux des capitaux résultent en une distribution optimale des richesses…

En fait, nos banquiers centraux appartiennent dans leur écrasante majorité à la génération des économistes aveuglés par les enseignements de Milton Friedman qui soutenait que la Grande Dépression et le boom spéculatif des années 20 l’ayant précédé n’avaient aucune corrélation. Nos responsables monétaires, qui n’ont que mépris pour les théories économiques non orthodoxes – difficiles à mettre en équation – mettant en garde à l’encontre des excès du crédit, restent de fervents adeptes de Friedman qui, quelques jours encore avant son décès en 2006, rendait hommage à Greenspan qui avait “adouci la récession ( due à l’implosion des valeurs technologiques ) par sa politique monétaire”.

Espérons que la crise actuelle ébranle les idées préconçues et les certitudes de nos responsables monétaires et économistes de haut vol en les amenant à prendre au sérieux les bulles boursière, immobilière et du crédit. Il est quand même difficile d’admettre qu’un tel cataclysme soit nécessaire pour que nos banques centrales changent enfin de paradigme.

Chers lecteurs,

Voilà plus de 15 ans que je tiens ce blog avec assiduité et passion.
Vous avez apprécié au fil des années mes analyses et mes prises de position souvent avant-gardistes, parfois provocatrices, toujours sincères.
Nous formons une communauté qui a souvent eu raison trop tôt, qui peut néanmoins se targuer d'avoir souvent eu raison tout court.
Comme vous le savez, ce travail a - et continuera - de rester bénévole, accessible à toutes et à tous.
Pour celles et ceux qui souhaiteraient me faire un don, ponctuel ou récurrent, je mets néanmoins à disposition cette plateforme de paiement.
J'apprécierais énormément vos contributions pécuniaires et je tiens à remercier d'ores et déjà et de tout cœur toutes celles et tous ceux qui se décideront à franchir le pas de me faire une donation que j'aime à qualifier d'«intellectuelle».

Bien sincèrement,

Michel