La Fed reprend la main
La Grande Dépression avait démarré en Décembre 1930 avec l’effondrement de la ” Bank of the United States “, établissement de taille moyenne ayant pour vocation le crédit en faveur de la communauté juive de New York. Cette faillite ayant à son tour provoqué une ruée sur l’Or, un raffermissement des taux d’intérêts américains et, en définitive, la disparition de quelques 4’000 établissements de crédit aux Etats-Unis.
La décision de jeter aux oubliettes Lehman Brothers est qualifiée par certains de “roulette russe “, Paulson et Bernanke – respectivement secrétaire US au Trésor et Président de la Fed – étant accusés de jouer aux apprentis sorciers avec un système bancaire et financier susceptible de se désintégrer en quelques jours…Effectivement, ne voilà -t-il pas qu’AIG – plus important assureur au monde – perd plus du trois-quart de sa valorisation boursière en deux jours forçant la Réserve Fédérale à y injecter 85 milliards de dollars ? Le virus mortel s’attaque donc à présent à un tout nouveau secteur du système financier, aussi cette épidémie peut-elle dégénérer en une spirale alimentée par la dette et par la déflation à la mode des années 30. De fait, la croissance monétaire est statique depuis trois mois et une contraction monétaire ne sera évitée que si la BCE réduit ses taux et que la Fed poursuit ses injections de liquidités plus que généreuses.
La Fed avait réagi très vigoureusement lorsque Bear Stearns n’avait plus accès au crédit en intégrant les engagements de cette banque dans ses propres livres dans un épisode dont le précédent remontait à l’ère de Franklin D. Roosevelt. A l’époque, elle avait suscité l’incompréhension, taxée même par certains d’encourager aux excès de Wall Street, mais la réalité est qu’elle ne pouvait pas laisser les encours en produits dérivés de Bear Stearns estimés à 13 mille milliards de dollars s’évaporer. De fait, nul n’était prêt à l’époque à un tel séisme sur le marché des dérivés mais aujourd’hui les intervenants le sont car ils ont mis à profit ce répit de six mois afin d’alléger et d’assainir ces positions en produits dérivés. Autrement dit, à présent que ce Tchernobyl potentiel d’implosion du marché des dérivés est écarté, les autorités US se sentent suffisamment confortables pour insuffler aux marchés une dose d’incertitude et de stress consistant en la décision – inattendue – de ne pas sauver Lehmann!
Ainsi, et contrairement à Fannie Mae et à Freddie Mac qui représentent des piliers cruciaux de l’immobilier américain, Lehman est le candidat idéal pour un sacrifice rituel! En abandonnant Lehman à son sort, dans une décision volontaire de signifier aux marchés qui elle n’était pas disposée à secourir, la Trésorerie américaine reprend la main et ce faisant laisse le marché librement dépecer les maillons faibles. Pourquoi la sélection naturelle de Darwin ne s’appliquerait-elle pas également au monde de la finance? Il n’en reste pas moins que les nationalisations de facto de Freddie, de Fannie et d’AIG font plus penser à des actions socialistes ou, à tout le moins, à du capitalisme d’Etat…
Toujours est-il que la décision de jeter Lehmann aux chiens est rare et doit être interprété comme un signal fort émis par une banque centrale selon lequel ce fameux “risque systémique ” subséquent à la faillite d’un tel établissement ne se manifestera pas. Autrement dit, la Fed et la Trésorerie américaines ne croient pas en l'”effet domino” que provoquerait l’effondrement de Lehmann et considèrent leur système financier suffisamment solide et flexible pour encaisser un tel choc…L’abandon de Lehmann de la part de Paulson, anciennement responsable chez Goldman Sachs, ne doit donc en aucun être interprété comme un désaveu vis-à -vis du marché libre mais au contraire comme un encouragement à assainir le système en éliminant les perdants et les faibles. Après tout, qui a prétendu que le capitalisme était une association caritative venant en aide aux incompétents?
Ce signal fort lancé en direction des professionnels les met formellement en garde : Vous ne pourrez plus impunément prendre des risques démesurés car nous pourrions renoncer à vous sauver la mise!
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