L’Empire du pragmatisme
Les Américains n’entreprennent rien sans conviction et la quasi nationalisation des géants Fannie Mae et Freddie Mac ne sont que la dernière en date des mesures spectaculaires décidées par des responsables financiers déterminés à en finir avec cette crise qui se prolonge depuis plus d’une année…
Cette mise sous tutelle peut certes soulever les critiques de ceux qui assurent que le prix à payer dans un avenir plus ou moins proche sera très lourd mais les faits sont là et incontestables : les marchés ont été rassérénés par le volontarisme des autorités financières américaines dans ce qui restera dans les annales comme l’intervention la plus complète de l’Etat dans un marché que l’on hésite à présent à qualifier encore de “libre”! Les Etats-Unis, emmenés par leur secrétaire d’Etat au Trésor Paulson, ont cette fois jeté dans la bataille tout le poids de leur Réserve Fédérale. De fait, les conséquences d’une faillite éventuelle de l’un seul de ces deux établissements aurait boulversé l’économie globale avec inauguré une récession généralisée. La Chine et l’Inde assureront un jour la relève mais, pour le moment, le monde éternue toujours dès que les Etats-Unis s’enrhument…
Effectivement, pendant que certains banquiers centraux commandent de savantes études afin d’ “intellectualiser” la crise et que d’autres se focalisent sur une lutte éperdue contre l’inflation, les dirigeants US traitent le mal à ses racines en faisant usage des deniers publics d’une part pour combler le déficit entre les avoirs de ces institutions et leurs engagements et en se tenant d’autre part prêt à acquérir des titres adossés sur des emprunts hypothécaires afin de ramener la confiance…Le retentissement de telles actions est à même de restaurer graduellement cette confiance car la Fed garantit virtuellement les 5’000 milliards de dollars d’encours hypothécaires américains, la caution implicite de l’Etat devenant ainsi de facto caution explicite.
Championne du marché libre et déréglementé, l’administration Républicaine Bush se voit pourtant forcée de violer ses convictions les plus basiques afin de sauver un capitalisme pur et dur dont Marx avait déjà identifié qu’il était sujet à des crises à répétition…Les Américains ont intégré ce fait nettement mieux que les Européens car, en dépit du libéralisme souvent débridé qui règne dans leur pays, le marché US reste un des environnements les mieux régulés au monde o๠l’intervention salvatrice potentielle de l’Etat peut se manifester à tout moment en cas de nécessité. Certes, ce filet invisible sous tendu par les autorités monétaires américaines encourage-t-il les intervenants à des prises de risques excessives mais il contribue également à ramener la confiance en périodes de tempêtes, ingrédient fondamental à tout marché car, pour paraphraser un vieil adage, Hors de la confiance, pas de marché…
A partir du moment o๠il devenait évident que cette crise dépasserait par sa gravité certaines proportions, le gouvernement et la banque centrales américains ont entrepris de clairement manifester leur détermination et leurs actions commencent à porter leurs fruits puisque les taux hypothécaires semblent se détendre. Le rétablissement du marché immobilier sera certes un processus laborieux car il est difficile de modifier rapidement la psychologie d’investisseurs échaudés sur ce marché ou de propriétaires dépossédés mais il est probable que les dernières mesures de la Fed freineront la dégringolade des prix du parc immobilier US, prélude à un regain de la confiance. Probable regain de confiance susceptible à son tour de résoudre la très délicate crise du crédit qui met en péril le système bancaire américain et mondial…
Le système de financement des hypothèques américaines a favorisé des outrances que sont en train de payer les contribuables. Nul ne souhaite la répétition de telles erreurs manifestes mais les ogres ont dà» être maintenus en vie car les conséquences de leur disparition auraient potentiellement été encore plus désastreuses que leur maintien sous perfusion. L’ampleur de l’intervention fédérale dans la finance de son pays aura certainement des conséquences inflationnistes et peut-on d’ores et déjà prédire qu’elle porte en elle les germes de la future bulle spéculative! Néanmoins, peut-on aussi prédire que le pays ayant provoqué la crise du crédit sera également le premier à s’en sortir.
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Michel