Mario Draghi : Hercule ou joueur de Poker ?

Mario Draghi : Hercule ou joueur de Poker ?

décembre 17, 2013 0 Par Michel Santi

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Selon Mario Draghi, Président de la Banque centrale européenne, l’économie de l’Union devrait se contracter de 0.4% cette année. En fait, le moindre choc supplémentaire fera immanquablement basculer l’économie de l’Union dans une trappe déflationniste, similaire à celle ayant paralysé le Japon pendant deux décennies perdues. Certes, Draghi – qui assure que son établissement a bien étudié et assimilé les déboires nippons – conteste-t-il ce parallèle, mais en y opposant une argumentation peu crédible. Il clame en effet que la BCE a agi avec plus de promptitude que la Banque du Japon, alors que les erreurs commises par ces deux banques centrales en matière de politique monétaire sont sensiblement les mêmes.

Tout comme la Banque du Japon était à l’époque convaincue d’être flexible et accommodante en réduisant à zéro ses taux d’intérêts, la BCE use aujourd’hui de cette même ficelle largement usée et inefficace, car des taux proches du zéro sont loin de représenter la panacée. Des taux d’intérêts officiels à leur plus bas niveau historique ne font, en réalité, que soutenir les banques et accessoirement certains Etats. Mais ce n’est pas en maintenant des taux à zéro que l’on peut se targuer de faire une politique monétaire digne de ce nom, dans le contexte européen actuel d’une rare complexité.

S’il est vrai qu’à l’impossible nul n’est tenu, la BCE est pourtant face à une entreprise impossible qui consiste à appliquer un taux d’intérêt unique à des économies connaissant des cycles d’activité et des problèmes radicalement différents. C’est ainsi que la fameuse règle de Taylor – inventée par l’économiste de Stanford John Taylor – et utilisée mondialement pour juger du bien fondé de taux d’intérêt dans un pays, laisse sans voix dès lors qu’elle est appliquée aux diverses nations de l’Union européenne. En effet, cette règle permettant d’apprécier et de comparer le niveau de taux en vigueur dans un pays par rapport à son activité et à sa production, indique que l’Allemagne – dont le chômage est au plus bas depuis 20 ans et qui subit aujourd’hui une bulle immobilière – devrait avoir des taux d’intérêts à … 5.1% !

Rappelons ici le taux officiel européen qui est actuellement de 0.25%, sachant que cette même règle de Taylor indique par ailleurs que la France aurait besoin d’un taux de 0.15%, l’Italie de -1.5%, l’Irlande de -4% et la Grèce de … – 20.25% ! Comment Draghi et la BCE se tireront-ils de cette tâche herculéenne, alors même que le virus de la déflation se répand, et que le “Risk of Deflation Index” du F.M.I. alerte d’un risque entre 50 et 60% que l’Italie et que l’Espagne y sombrent. Virus qui, de proche en proche, part de la périphérie pour infecter des pays dont on pensait jusque là qu’ils en étaient immunisés, puisque cette même mesure du risque de déflation est de 30% en France…

En fait, cette divergence fondamentale de leur taux d’intérêt entre le Nord et le Sud n’est que le triste reflet de la scission actuelle entre nations solides du Nord et nations fragilisées du Sud en pleine crise existentielle. La France, pour sa part, se retrouvant dans un no man’s land magmatique… Comment Draghi parviendra-t-il à désamorcer cette bombe à retardement posée là par les fondateurs même de l’Union ? Et quelle sera la réaction de l’Allemagne dès lors que cette cassure entre Nord et Sud en viendra à menacer ses intérêts vitaux ?

En attendant, Mario Draghi a affirmé (lors de sa dernière conférence de presse) que la BCE se tenait prête à considérer « toutes les options ». Le bluff est effectivement tout ce qu’il lui reste.

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