
Trump, ou la destruction créatrice
Hillary Clinton a perdu les élections Présidentielles US car elle a ignoré la crise existentielle qui menace les travailleurs et les salariés moyens américains. Au contraire, elle n’a eu de cesse tout au long de la campagne électorale de répéter que la conjoncture s’était nettement améliorée. Pourtant, si le taux de chômage a indiscutablement régressé aux Etats-Unis depuis son pic atteint à 10% en 2010, les revenus de la classe moyenne y sont au mieux stagnants, tout comme en France. Donald Trump a gagné car il a reconnu le déclin de sa classe moyenne et a proposé des solutions pour le combattre, en opposition frontale avec les élites de son pays qui baignaient dans un optimisme en totale déconnection avec la réalité du pays. La victoire de Trump est donc autant due au schisme matériel entre la majorité des citoyens déclassés et l’establishment qu’à l’attitude désinvolte et provocatrice de ces élites néolibérales à l’encontre de la masse de celles et ceux que Hillary Clinton qualifiait de «déporables».
Que les candidats aux élections à venir prennent conscience que les stratégies usuelles appartiennent désormais au passé car il est inconcevable de prétendre que tout va pour le mieux. Les citoyens se sentent à raison insultés par le comportement de celles et ceux qui entendent les diriger, mais qui ne reconnaissent pas l’insécurité matérielle qui règne sur leur existence quotidienne. A cet égard, le progrès technique est devenu – au même titre que la globalisation – le fossoyeur des emplois, et est au minimum coupable de la régression des revenus. La Chine elle-même perd des emplois qui sont repris progressivement par les robots. Année après année, les avancées technologiques permettent de produire plus, d’assurer plus de services avec moins de travail et à l’aide de moins de capitaux. Sachons interpréter les signes qui sont sans équivoque : la stagnation des salaires indique que nous avons besoin de moins en moins de travailleurs, et le niveau actuel quasi nul des taux d’intérêt indique pour sa part que nous avons besoin de moins en moins de capitaux pour cette production. Les taux de chômage sont donc condamnés à s’aggraver, ou à s’améliorer comme actuellement aux Etats-Unis et en Allemagne mais en présence d’un déclin notable des salaires. Le job le plus courant aux USA – à savoir conducteur de camion- n’est-il pas lui-même en sursis par l’inéluctable apparition des camions sans chauffeur?
Aujourd’hui, en 2017, nous avons réglé le problème de l’offre car nous sommes à même de vivre, de manger, de nous habiller et de nous amuser mieux et moins cher que nos grands-parents, en ayant toutefois à jamais perdu la sécurité de l’emploi dont eux bénéficiaient. Le corollaire est que la fracture se précise de plus en plus entre les heureux propriétaires et usagers des technologies et les miséreux. Il devient donc vital de régler ce problème fondamental du capitalisme moderne qu’est la dégradation de la consommation. Après tout, le robot qui fabrique un iPhone n’est pas capable de l’acquérir…Comme les bénéfices pécuniaires des progrès technologiques ne se traduisent plus en augmentations de salaires, il faut bien reconnaître que productivité des emplois ne rime strictement plus avec amélioration du niveau de vie. De fait, c’est la rente, c’est l’immobilier et c’est la bourse qui ont absorbé – et confisqué – l’amélioration fulgurante de la productivité. Quant au travail, il est devenu une vulgaire matière première obéissant à la loi de l’offre et de la demande, car la main d’œuvre humaine est de moins en moins nécessaire pour produire et pour assurer des services. Il serait tout de même dramatique que ce même progrès technologique censé libérer l’homme et améliorer ses conditions de vie soit en fait responsable de sa déchéance matérielle.
La victoire de Trump sur Clinton résonne donc comme une exhortation pressante à la transformation de notre société, et au rejet des méthodes traditionnelles de gouvernance politique. A la limite, les électeurs de Trump sont fort aise du chaos qu’il semble installer deux semaines après son accession à la Maison Blanche, qu’ils perçoivent comme la seule manière de démanteler un système sclérosé.
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Michel