Chine: quelque chose doit craquer !

Chine: quelque chose doit craquer !

août 17, 2015 0 Par Michel Santi

$ La Chine apprend à ses dépens qu’il est impossible de se mesurer à la Trinité infernale. Aucun pays ne peut en effet parvenir simultanément, et persévérer dans la durée, dans deux de ces trois objectifs suivants: maintenir des taux de change fixes, appliquer une politique monétaire autonome, autoriser la libre circulation des capitaux. Ayant mis en application chacune des trois branches de ce triptyque à des degrés différents mais en même temps, la Chine se rend compte aujourd’hui que leur combinaison est génératrice d’excès et de déséquilibres massifs se devant d’être résorbés au prix fort. N’a-t-elle pas indexé sa devise au dollar, tout en manipulant sa masse monétaire à travers des ajustements unilatéraux de ses taux d’intérêt et de ses ratios bancaires, en tolérant des flux de capitaux transfrontaliers en constante progression ? Arrangement précaire qui ne manqua donc pas de voler en éclats du fait de l’appréciation violente du billet vert, propulsé par la perspective de hausse imminente des taux d’intérêt US. Le maintien de l’indexation de son yuan par rapport au dollar contribuait en effet à la dégradation supplémentaire de l’environnement économique intérieur de la Chine, car sa propre monnaie s’appréciait évidemment au même rythme que le billet vert. La concomitance d’un yuan surévalué, d’une fuite des capitaux hors de Chine anticipant la dévaluation du yuan et du ralentissement économique lui coûtèrent ainsi la bagatelle de près de mille milliards de dollars en quelques semaines. Quelque chose devait donc craquer et ce quelque chose fut le yuan qui emprunte inéluctablement le chemin de la convertibilité totale sur le marché des Changes. Signe de l’esprit d’adaptation des autorités chinoises qui, refusant de se montrer flexibles sur le plan de leur politique monétaire (c’est-à-dire de la définition de leurs taux d’intérêt) ont opté pour lâcher du lest côté devise. En réalité, la Chine –au même titre que l’Indonésie, que la Malaisie, que le Brésil, que la Turquie et que bien d’autres pays encore– subit le contre coup de la hausse prochaine et anticipée des taux américains. Et contrairement aux accusations dont elle est la cible la taxant d’attiser une spirale déflationniste mondiale, la Chine paie aussi le prix de ce raidissement à venir de la politique monétaire US. En effet, les prix des matières premières, des produits alimentaires et de l’énergie avaient largement entamé leur descente aux enfers bien avant la dévaluation du yuan qui, du coup, rend encore moins chères les marchandises chinoises. Le choc déflationniste mondial ne fut donc nullement provoqué par la Chine, mais est tout simplement l’effet collatéral d’un loyer de l’argent américain plus élevé par hausse du dollar interposée. La Chine, pour sa part, ne fait que s’adapter et tenter de naviguer au sein de cette spirale déflationniste globale. Plus fondamentalement, la Chine paie aujourd’hui les vicissitudes de l’indexation du yuan à une monnaie (le dollar) sur laquelle elle n’a aucune prise et dont elle en peut en aucun cas influer sur les destinées puisqu’elles sont du ressort exclusif de la Réserve fédérale qui n’a évidemment aucun compte à rendre à la Chine car seule préoccupée des conditions intérieures américaines. Comme bien d’autres pays de bien moindre importance qu’elle ayant corrélé leur propre monnaie au billet vert, la Chine comprend que l’essentiel de sa politique économique et monétaire intérieure est en fait déterminée ailleurs. Elle a, dans le seul but de maintenir cette indexation, baissé par quatre fois ses taux depuis 2014 et perdu près de 1’000 milliards. Elle a donc sagement choisi de sacrifier le yuan afin d’éviter de brûler l’ensemble de ses réserves monétaires.

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