
Un système en bout de course
L’étalon or fut un système où la monnaie d’un pays était liée à l’or et qui pouvait se matérialiser soit en définissant une certaine quantité de métal en échange du dollar américain, soit indirectement à travers des monnaies ayant une parité fixe contre le billet vert. Dès 1944 et Bretton Woods, seules les banques centrales avaient le droit de convertir leur or au cous inamovible de 35 $ l’once et la détention par les privés américains de ce métal précieux avait été interdite par le Président Roosevelt. Pour mémoire, ce n’est qu’en 1974 sous Gerald Ford que les privés américains purent acquérir légalement de l’or, et ce fut Nixon qui supprima en août 1971 la convertibilité automatique du dollar en or, décision qualifiée à l’époque de «suspension temporaire».
Cette date historique fondamentale sonna la fin définitive de l’étalon or, et l’ouverture d’une autre ère car la dette US devait dès lors s’alourdir en moyenne de 8% l’an, de 1’600 milliards de dollars en 1971 à environ 31’000 milliards aujourd’hui. Le P.I.B. de cette nation devait évidemment lui aussi progresser substantiellement, de 1’100 à 25’000 milliards, affichant toutefois une progression (5.8%) moindre que la dette. L’activité économique – quelque soit le pays en question – est toujours dépendante de la capacité des acteurs (entreprises et ménages) à contracter de la dette. Un exemple élémentaire et contemporain se trouve être le taux des obligations d’Etat américaines à 30 ans qui a bondi en moins de 2 ans de 2.7 à 7%, tandis que les ventes immobilières ont sombré aux USA de près de 40%.
Sans accès au crédit, ou en présence d’un coût de financement nettement plus onéreux, une proportion non négligeable de consommateurs est ainsi exclue de la vie économique. Les fanatiques de l’étalon or – ou d’un certain retour de l’or dans la définition de la monnaie – avancent périodiquement des arguments selon lesquels celui-ci limiterait les endettements tout en autorisant une certaine flexibilité, car des ajustements à la hausse ou à la baisse de la quantité d’or soutenant une monnaie donnée pourrait être décidée selon la conjoncture. Si ce n’est qu’un tel type d’étalon flexible ne diffèrerait en rien de notre système actuel de taux de changes flottants et induirait déséquilibres, spéculation, crises et réajustements financiers… autant de soubresauts qui au final s’avèreraient encore pire que le système actuel né en 1971.
Ce dernier, il est vrai, commence à sérieusement montrer ses limites, pour des raisons arithmétiques élémentaires qui indiquent que la création de dettes – aujourd’hui – va de pair et même dépasse la création de monnaie. Des instituts ont en outre calculé qu’un dollar américain de dette supplémentaire produit à peine 0.3 point de PIB supplémentaire. Nos économies ont – c’est un fait – de plus en plus de mal à générer du PIB sans de la dette, phénomène largement aggravé par la charge de cette même dette qui s’alourdit toujours et par l’augmentation de la surface des endettements et par les taux d’intérêt en hausse. Au niveau global, c’est environ 11% du PIB mondial qui est ainsi rogné par les seuls intérêts de la dette, et ce annuellement et avec un taux moyen calculé de 3%, autrement dit bien plus en réalité avec les taux d’intérêt actuels qui sont proches du double !
Il n’en reste pas moins que l’Histoire a largement démontré que tous les systèmes d’étalon étaient voués à l’échec. Le plus flagrant étant celui de la Grande Dépression qui a été indiscutablement aggravée et rallongée par l’étalon or qui prévalait à l’époque au sein des nations occidentales industrialisées. Cette corrélation à l’or agit en effet comme un carcan contraignant les autorités monétaires à conserver des taux d’intérêt élevés censés maintenir le cours de convertibilité de l’or par rapport au dollar, alors que le contexte de crise exigeait une réduction immédiate des taux pour relancer l’activité.
Selon cette logique imposée par l’étalon-or, la Réserve Fédérale de 2007 et de 2008 aurait été contrainte…de monter ses taux d’intérêt au lieu de les réduire agressivement comme elle l’a fait aux lendemains de la crise des subprimes ! Est-il nécessaire de faire des simulations sur les conséquences dévastatrices pour l’économie américaine et mondiale d’une telle remontée des taux en pleine implosion du marché immobilier ou à l’orée de la faillite de Lehman Brothers ?
La crise européenne des années 2010 constitue par ailleurs un cas d’école attestant sans équivoque qu’un bloc régional exacerbe ses vulnérabilités dès lors qu’il renonce à exercer un quelconque contrôle sur sa propre devise. Les 17 membres de l’Union Européenne n’ont certes pas lié leurs monnaies respectives à l’or, mais elles l’ont indexé à l’euro qui avait alors agit, de facto, comme un étalon. Ayant bien fonctionné pendant 10 années ponctuées de croissance correcte et d’accidents financiers mineurs, l’«étalon-euro» devait dévoiler ses faiblesses structurelles à la faveur des déboires budgétaires grecs, de l’implosion des bulles spéculatives irlandaise et espagnole, ou d’une politique économique italienne déficiente. Impossible pour ces nations fragilisées de mener une politique dite «expansionniste» afin de relancer leur économie, soit en dévaluant leur monnaie (qui était donc fixée à l’euro), soit en réduisant leur taux d’intérêt (qui échappait totalement à leur contrôle car du seul ressort de la Banque centrale européenne). Il était évident qu’un seul et même étalon (par définition totalement inflexible) qui rassemblait des pays – comme la Grèce et l’Allemagne – aux cycles et aux caractéristiques économiques tellement différents – voire antinomiques – était condamné soit à péricliter, soit à étouffer un bloc au bénéfice d’un autre.
Bref, les systèmes faisant appel à un étalon ne sont pas viables. Loin d’être parfait, probablement à bout de souffle, nous devons donc repenser notre système, mais certainement pas à l’aune de reliques barbares.
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Michel
À l’instar de la Fed et de la BCE, vu le contexte géopolitique Russo-Ukrainien et le rôle joué par la “monnaie” – comme médium des échanges au sein de cette “troisième guerre mondiale commerciale” où l’instabilité du système monétaire et financier international n’est plus à démontrer – la banque centrale de Suède avait annoncé en avril 2022 la fin de la deuxième phase de test de l’e-couronne (monnaie numérique de banque centrale). Cette monnaie numérique serait techniquement prête à être intégrée dans les systèmes des banques et des “prestataires de services de paiement”. Les clients des banques devraient ainsi pouvoir échanger leur argent physique enregistré dans leurs comptes bancaires, contre de la monnaie numérique de banque centrale.
La deuxième phase du projet pilote de la MNBC (monnaie numérique de banque centrale) a également permis de tester les possibilités d’utilisation hors ligne de l’e-couronne. Cette phase de test visait en outre à apporter des réponses concernant certaines questions juridiques liées à l’e-couronne. La conclusion des études est que la monnaie numérique pourrait également “être considérée comme une forme électronique d’argent liquide”. Un système dual. Le projet est ainsi rentré dans sa phase 3. La Banque de Suède n’a toutefois pas confirmé officiellement son intention d’émettre effectivement (mais elle le fera sans doutes) une e-couronne au grand public. Et malgré les études réalisées lors de la phase 2, l’institution n’a également pas encore révélé le cadre juridique de cette MNBC dans le nouvel ordre monétaire mondial. La Banque de Suède continue donc ses tests sur l’e-couronne et elle n’est d’ailleurs pas la seule à adopter cette position. La banque centrale du Japon continue également de s’intéresser à un yen numérique. Toutefois, elle n’est pas pour autant pressée de suivre les pas de la Banque populaire de Chine et son yuan numérique.
https://www.bis.org/press/p220621_fr.htm
Reste à savoir si la banque centrale des banques centrales (la banque des règlements internationaux) jouera le rôle de régulateur supranationale. Si certains pensent encore à présent que le nouvel ordre monétaire mondial (par ailleurs un outil à juguler les récessions) reste du domaine de l’utopie, il me semble qu’ils peuvent déjà s’enlever l’idée de la tête!
C’est l’afflux de l’or espagnol tiré des nouveaux territoires des Amériques qui a incité Colbert à développer des industries de fournitures de produits à l’Espagne pour capter cet or. Donc, dans un système basé sur l’étalon or, toute nouvelle découverte d’or change la richesse de chaque nation, au prorata du volume d’or possédé. C’est aberrant car il n’y a aucun lien entre l’activité d’un pays et sa richesse.
Dans le système actuel, le volume de la monnaie, représentant la richesse de la zone économique d’application de celle-ci, est dimensionné selon la volonté des dirigeants économiques qui possèdent une certaine science économique pseudo savante de gestion avisée des conséquences d’indicateurs plus ou moins bien maîtrisés.C’est aberrant car il n’y a aucun lien entre l’activité d’un pays et sa richesse. C’est le pays qui tire le plus sur la queue du diable qui est le plus riche, tant que sa monnaie est acceptée dans les échanges et pour ses achats à l’étranger.