
La France des assignés à résidence

L’affaire est entendue, et ancienne: à savoir ce clivage profond entre les élites politico-économiques et la majeure partie de la population. Et voilà qu’Emmanuel Macron s’était intelligemment engouffré dans cette brèche, lui qui tenait durant sa campagne électorale de multiples réquisitoires à l’encontre de l’orthodoxie. Quelle mouche l’a cependant piqué pour se muer dès les premiers jours de sa Présidence en ardent défenseur du Thatchérisme ? Comment et pourquoi une rhétorique est-elle susceptible de passer de compassionnelle en quasi-méprisante envers les gens ordinaires ?Et comment Macron – cet anti-Trump congénital – peut-il adopter des mesures favorisant les riches que le Président américain lui-même n’oserait passer ?Comment cet homme au flair aiguisé s’est-il laissé aller à afficher son dédain vis-à-vis de ces couches populaires ayant plus que jamais besoin d’empathie ?Les « premiers de cordée » mis en exergue par un Président qui se devait rassembleur font immédiatement penser à l’arrogance d’une Hillary Clinton (qui l’a chèrement payé) ayant traité de « déplorables » les électeurs et partisans de Donald Trump.
Non, la France ne s’est pas enflammée pour le dernier round des augmentations de taxes et autres prix de l’énergie. Elle se rebiffe car c’est toujours les mêmes qui paient le prix de la globalisation et des politiques néolibérales rognant jour après jour leurs acquis sociaux et leur niveau de vie. La France des moyens et des derniers de cordée vient en outre de se rendre compte que c’est à elle que l’on demande (encore) de régler la note de la lutte contre les changements climatiques. Le moment est donc venu de procéder à une clarification essentielle : qui paiera le prix de ces transformations fondamentales qui permettront à la France d’apporter sa contribution au climat ? Car il est désormais crucial de se montrer honnête et courageux en prévenant nos concitoyens que cette lutte écologique ne se fera pas sans une réduction drastique de la croissance et donc par une division quasiment par deux de leur pouvoir d’achat. Cette problématique concerne, du reste, l’ensemble des nations occidentales dont les populations ont droit à la vérité : la lutte contre le réchauffement climatique ne pourra se réaliser qu’à la faveur de l’introduction d’une multitude de taxes et de pénalités qui les appauvriront tous.
De ce point de vue, la révolte française montre une fois de plus que ce pays est toujours aux avant-gardes des luttes car les français ont été les premiers à se rendre compte du prix à payer pour le climat. Emmanuel Macron l’intuitif avait écrit un livre dont le titre évocateur – « Révolution » – concernait surtout la France qui allait bien, celle de la mobilité et des villes. Ce n’est donc pas par hasard si c’est sur le terreau de la mobilité que s’est construite la révolte de celles et ceux – nombreux – en France sont comme assignés à résidence et qui se sont insurgés contre la France des premiers de cordée globalisés.
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Bien sincèrement,
Michel
Une fracture voulue et consommée ?
L’Europe incite à répéter que la fracture est entre ceux qui ne veulent qu’un grand marché et ceux qui veulent prolonger l’unité commerciale par l’harmonisation sociale et l’ambition politique commune. Présenter ainsi la question, c’est poser en principe que le marché est, doit être, le socle et même la matrice de tout dans l’Union européenne, c’est avaliser la manière de faire qui est justement en crise, celle qui présuppose que le marché unique et l’Europe politique et sociale sont comme deux segments de la même ligne, alors que c’est leur compatibilité qui fait problème : les concepteurs de l’Europe ont toujours visé au-delà du marché à partir du marché, mais ce désir a toujours été déçu, comme le montre le projet constitutionnel lui-même, illustrant l’hiatus entre l’Europe mercantile, l’Europe de la concurrence entre les peuples et l’Europe de la solidarité et des ambitions communes. Depuis la fin des années 1980, et en particulier avec le Traité de Maastricht entré en fonction en 1993 et qui a créé l’Union européenne s’est ainsi affirmé un projet politique : mettre en place des institutions fédérales ou encore supranationales. Or, ces institutions avaient été, et sont toujours, rejetées par les peuples européens à chaque fois que l’on a consenti à leur demander leur avis, comme ce fut le cas avec le projet de Traité Constitutionnel, rejeté par référendum par la France et les Pays-Bas en 2005.
Les dirigeants européens auraient-ils consciemment construits des institutions incomplètes, dont l’Euro est le meilleur exemple, en espérant que les crises naissant de cette incomplétude amèneraient les peuples à consentir, dans l’urgence, ce à quoi ils s’étaient refusés de manière raisonnée ? La monnaie unique n-a-t-elle pas été vendue par les néolibéraux comme un facteur de paix, mais qui s’est finalement avérée n’être qu’un schisme ? D’ailleurs, le Docteur en Economie Appliquée, membre de l’Académie royale de Belgique et économiste en chef de la banque privée Degroof-Petercam, Bruno Colmant, même s’il se défend d’être keynésien, il reconnaît lui-même le mythe de cette monnaie unique qui devait sceller la paix entre les peuples : « ça n’a aucun sens, une population vieillissante ne fait pas la guerre. Quand on tire la synthèse des choses, on a conçu l’euro comme une monnaie d’épargnants dont on a voulu maintenir le pouvoir d’achat à tout prix, en limitant l’inflation. Alors qu’en fait, il y a quand même une corrélation entre l’inflation et le travail. On a donc préservé la valeur du capital, par une monnaie désinflatée (*) au détriment du travail. Le capital des Allemands a été protégé et en plus, ils n’ont pas de chômage. La variable d’ajustement a été le chômage dans les pays du sud de l’Europe. Les Allemands leur ont imposé une dévaluation interne qui a catapulté le taux de chômage au-dessus de 20 %. La situation s’est améliorée, mais au prix d’une purge sociale effarante ».
Pourtant, derrière cette zone monétaire et économique Non optimale, néanmoins mercantile, traçée par les tenants d’une alliance contre nature, cette monnaie unique ne se voulait-elle pas le couronnement de la construction européenne ? En réalité, elle cause son déclin en ayant corrodé les fondations économiques et sociales des pays qui l’ont adopté, mis à mal la démocratie et suscite de plus en plus la montée des comportements dits populistes depuis l’orthodoxie budgétaire lancée aveuglément post crise 2007/2008 et, destinée à réduire au plus vite les déficits publics considérables – créer par un des acteurs – pour une dette publique des pays de l’UE qui ne représentait que 62% du PIB européen en 2008. Même le déséquilibre de la balance commerciale opéré par cet autre acteur, suite notamment aux mesures Hartz, ne suffira à juguler une frénésie dirigée contre l’intérêt des peuples.
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Au delà de l’ordolibéralisme luthérien, postulant aussi que l’idéologie néolibérale – comme acteur dominant – « ne sait ni ne peut prospérer que sur la désolation sociale », que ses partisans exploitent « les malheurs et profitent des désastres afin de renforcer son pouvoir », on peut raisonnablement se rendre à l’évidence qu’aujourd’hui, « la tragédie du réchauffement climatique résulte en partie d’un problème de timing, car elle n’aurait pas pu tomber à un pire moment au regard de l’agenda mondial », pour paraphraser Naomi Klein. « S’il est impossible de modifier les lois de la nature, il est en revanche possible de modifier notre modèle économique».
En ce sens, plus que jamais, dans l’intérêt des peuples, les politiques vont devoir arbitrer la dichotomie existante entre capitalisme néolibéral et réchauffement climatique et, en toute bonne intelligence cette fois.
(*) Monnaie désinflatée de 25 % depuis le début de 1999 et 32 % si l’on se réfère à l’écu depuis 1995 – comme l’a souligné le professeur G. Lafay, Docteur ès sciences économiques ; diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris.
Le triptyque “gagnant” de la dette publique française? Sauvetage de la sphère financière couplé à dix ans d’orthodoxie budgétaire, une relance monétaire corrélée à l’absence d’une relance budgétaire, dix ans de “supply side economics” & “trickle down theory” dans l’aveuglement le plus total (au diable la demande agrégée):
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Le debat? Quel debat si vos premisses sont fausses. Poser le postulat de la multitude de taxes et de la division par 2 du pouvoir d’achat est aussi inepte que de réfuter le principe de redistribution des richesses. Pouvoir acheter quoi? De la bouffe en plastique? Pouvoir de mobilité? Personne ne parle de TELETRAVAIL. La croissance? Mais quelle croissance? Celle qui se fonde sur le gavage d’oies? On n’est pas des oies blanches à gaver et à plumer. On a un cerveau. Et on n’est pas des grenouilles décérébrées sur une paillasse d’apprentis avec le feu.
De mon point de vue il manque l’élément sociologique avec le changement de paradigme qui s’annonce et trouve sa source dans le changement climatique en cours et qui va toucher l’ensemble des sociétés occidentales et pas seulement la France.
Notre civilisation est appelée à devoir abandonner son modèle basé sur la société de consommation afin de partager moins d’espace et de ressources avec une population mondiale en forte croissante . Selon les conclusions de la COP 21 en 2015 il avait été évalué que ” d’ici 2020 + 60 millions de personnes auront migré de l’Afrique subsaharienne vers le Maghreb et l’Europe”.
Ce n’est donc que le début de changements qui risquent de s’effectuer dans la violence car la transition écologique s’effectue bien trop lentement et les peuples n’ont pas la possibilité de changer aussi rapidement qu’il le faudrait
Don Beck dans sa théorie de la Spirale Dynamique décrit les révolutions liés à ces changements de paradigme: Des Vmêmes Bleu et Orange vers le Vmême Vert
Dans un monde raisonnable , ne devrions nous pas mettre en place au niveau planétaire un système fiscal contraignant basé sur l’empreinte carbone individuelle afin de restreindre drastiquement la consommation d’énergie des populations des pays riches où l’on gaspille à outrance?
Bien sûr Michel Santi ! Mais avant de nous demander “courageusement”, comme vous dites, de diviser par deux notre niveau de vie, commencez déjà à réduire d’abord le vôtre. Merci de vos bons conseils
que savez-vous de mon niveau de vie? Et, si vous le trouvez répréhensible, pourquoi prendre la peine de me lire?
Pour affirmer, il me semble élémentaire d’établir en premier lieu les faits à l’appui, à défaut de quoi votre commentaire est pour le moins peu valable !