
Chine-Covid-19: nous n’oublierons pas
C’est l’engagement envers la Chine de ce qu’il est convenu d’appeler la communauté mondiale qui lui permit, au fil des décennies, de réussir ses réformes. La normalisation des relations entre les Etats-Unis et la Chine, inaugurée en 1979 par le Président Carter, fut en effet le point de départ d’une dynamique d’ouverture et de réformes initiées dès lors par Deng Xiaoping. La montée en puissance, ces 40 dernières années, de cette nation a été entièrement redevable aux transferts de technologie, aux échanges commerciaux, aux investissements massifs – et pas seulement financiers mais également éducatifs – consentis par l’Ouest. Cet édifice, cet enchevêtrement de relations et d’intérêts, furent construits année après année, quasiment à la force des poignées des diplomates, des politiques, des universitaires et des financiers.
Moins d’une décennie après la tragédie de la Place Tiananmen, le Président Clinton prit néanmoins sur lui d’intégrer la Chine dans le club de l’Organisation Mondiale du Commerce, voie royale qui autorisera une quinzaine d’années plus tard ce pays à se hisser au rang de seconde économie mondiale. Les dirigeants chinois successifs, emmenés par Deng, prirent les décisions qui s’imposaient, non seulement pour tirer des centaines de millions de leurs citoyens de la misère, mais également pour rendre à leur pays la place de premier plan qu’il mérite au sein du concert des nations. Les fondations étaient effectivement bien établies, car le préalable crucial à toute intégration dans le système international est un ingrédient vital qui s’appelle la confiance, en l’absence de laquelle la Chine n’aurait jamais pu parcourir tout ce chemin.
Aujourd’hui, cette confiance est brisée – ou à tout le moins très sérieusement remise en question – par la pandémie du coronavirus. Et le point de départ de ce virus importe peu, car c’est bien le secret voire les mensonges des autorités chinoises qui ont compromis la santé (physique et mentale), la sécurité, la stabilité économique et des citoyens chinois et du monde entier. Soucieux uniquement de paraître toujours en contrôle, le pouvoir chinois n’hésita en effet pas – dès le tout premier jour de l’année 2020 – à châtier les lanceurs d’alerte ayant eu à cœur de prévenir le monde sur la dangerosité de ce virus, qui furent accusés de «répandre de fausses rumeurs» et de «gravement perturber l’ordre public». La Chine aurait ainsi pu s’éviter et nous éviter 95% des infections liées au coronavirus si elle avait reconnu publiquement l’épidémie et réagi trois semaines plus tôt, selon les conclusions d’une étude menée par l’Université de Southampton.
Mais pourquoi en être surpris ? Les dirigeants de ce pays n’ont-ils pas un lourd passif en matière de transparence, n’ont-ils pas l’habitude de «tuer le messager» ? Le SARS-CoV – qui a fait dès 2002 plus de 8’000 morts dans une trentaine de pays – n’avait-il pas été tenu secret pendant plus d’un mois et n’avait-il pas valu près de deux mois de prison aux médecins chinois qui avaient alors tenté d’en informer le monde ? Rien ne sera – rien ne pourra – plus être comme avant avec la Chine, lorsque cette pandémie aura été domptée, car ce pays ne s’est pas montré à la hauteur de ses responsabilités de puissance mondiale.
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Michel
Très juste « Chine-Covid-19 : nous n’oublierons pas » est une approche qui, à mon sens, dépasse même l’humain que nous sommes.
Et probablement tout le sens du Corod-19 se trouve dans cette phase-charnière de l’histoire du monde.
Ce que vous avez brossé sur la Chine depuis Deng Xiaoping en 1979, passant par l’entrée de la Chine à l’OMC en décembre 2001, et en 2010, se hisse au rang de deuxième puissance économie du monde, même si c’est l’œuvre des hommes, en réalité relève d’un processus historique naturel. C’est comme si vous vous posez la question pourquoi l’Europe depuis 1500 n’a pas cessé d’avoir l’ascendant sur le monde. Ou que les États-Unis ont pu sortir de la tutelle européenne XVIIIème siècle, suivis quelques décennies plus tard, par d’indépendance des États sud-américains. Donc c’est un processus de cause à effet historique que les êtres humains ne peuvent que subir. En clair, « l’humanité ne commande pas sa destinée. »
Sa destinée lui vient des événements qui lui arrivent et auxquels elle n’était pas préparée. Précisément, c’est cette impréparation qui devient ensuite créative par l’événement historique qui arrive, qui créé les conséquences à une situation donnée, acceptée ou subie par les forces contraires, telles que celles-ci génèrent une prise de conscience qu’il n’est plus possible de continuer dans cette voie de « confiné » dans un ordre mondial qui n’est plis porteur.
Aussi peut-on dire, sans guère de doute que l’histoire a fait son œuvre pour laquelle elle était prédisposée, mais telle qu’elle est arrivée aujourd’hui, elle impose une nouvelle orientation qui viendra parfaire l’œuvre commencée, en apportant un meilleur équilibre du monde.
Et votre « Chine-Covid-19 : nous n’oublierons pas » entre précisément dans le futur double déconfinement, à la fois sortir de la maladie du Covid-19 et dont il est le message, mais aussi de se déconfiner de la situation de « confiné » dans la relation qui lie l’Europe et les États-Unis à la Chine, dont il est également un message. En clair, sortir le plus vite possible de la dépendance de l’Empire du Milieu.
Autre chose, « reprocher à la Chine qu’elle aurait pu s’éviter et nous éviter 95% des infections liées au coronavirus si elle avait reconnu publiquement l’épidémie et réagi trois semaines plus tôt, selon les conclusions d’une étude menée par l’Université de Southampton », certes, aurait certainement un sens sur le plan politique, par la transparence d’un pays qui joue jeu royal.
Mais le problème est que l’histoire a décidé ainsi, les Chinois sont restés dans ce qui était dans l’histoire. Cela devrait être ainsi.
Et si, comme vous dîtes, la Chine avait vite pris les choses en main et reconnu publiquement ce qui se passe, et éviter les conséquences, le Covid-19 aurait alors perdu son sens dans l’histoire. Vous ne pourrez plus avancer cette phrase que l’on peut dire à bien d’égards historique : « Chine-Covid-19 : nous n’oublierons pas ».
Le monde aurait alors continué dans sa léthargie avec à la clé les dirigeants européens « confinés » malgré eux par la Chine.
Merci pour votre analyse.