
Les leçons de Weimar
La Stagflation a ravagé les économies des années 1970. Le candidat Jimmy Carter put battre Gérald Ford, Président en exercice, en l’accusant haut et fort d’avoir aggravé l’ «indice de misère», c’est-à-dire l’addition des taux de chômage et de l’inflation qui était alors à 13. Quatre ans plus tard, c’est Reagan qui put l’emporter haut la main car ce même indice dépassa 20 ! Pour autant, évoquer l’hyperinflation ramène toujours et systématiquement à celle endurée par l’Allemagne il y a une centaine d’années, même si cet épisode bien connu et fort bien documenté n’est pas le plus sévère moment hyper inflationniste de l’histoire moderne car rien ne peut effectivement concurrencer ce que fut la méga inflation du Zimbabwe de la fin des années 2000.
La cas allemand est néanmoins digne d’intérêt et vaut la peine que l’on s’y penche aujourd’hui – à l’heure où les niveaux de nos prix atteignent des paliers très inquiétants – car l’hyperinflation de ce pays atteignit à l’époque une économie développée et détruisit la crédibilité du régime en place, à savoir la République de Weimar. La compréhension de cet épisode allemand dramatique est donc susceptible de nous fournir des pistes dans le cadre de notre conjoncture de 2022 où l’inflation pèse désormais lourdement et sur le pouvoir d’achat et sur le moral des consommateurs. Le désenchantement à l’encontre de Weimar fut total dès lors que les mesures adoptées dès 1923 détruisirent l’épargne de la classe moyenne allemande et aggravèrent un chômage qui était déjà élevé, conduisant ainsi une partie de la population à céder aux chimères communistes et une autre à sombrer dans le fascisme. La Grande Dépression de 1929 put dès lors achever le travail.
L’Allemagne hyper inflationniste de l’époque était marquée par une grande violence accompagnée de constants bruits de bottes, un peu comme notre monde de 2022. Weimar nous a hélas démontré avec clarté que nos dirigeants ne se décident à lutter contre l’inflation qu’à partir du moment où ils n’ont plus d’autre choix ! Pourtant, l’inflation est un mauvais génie qui – sorti de sa bouteille – n’y est remis qu’avec d’extrêmes difficultés. Sous une conjonction astrale favorable, l’inflation peut accélérer de manière spectaculaire et sa dynamique devient dès lors quasi impossible à être enrayée, en tout cas sans coûts sociaux d’une lourdeur affolante. Il n’en reste pas moins que la stabilité financière ne fut pas la priorité absolue des responsables politiques allemands de l’époque qui ne se décidèrent à combattre l’inflation qu’à partir du moment où elle fut à l’origine d’un chaos social, politique et économique incommensurable.
Voilà pourquoi, s’il ne devait y avoir qu’un seul enseignement à tirer de l’hyperinflation allemande dans notre contexte actuel, il devrait consister en une leçon de courage et de volontarisme. Faire le job contre l’inflation n’est effectivement pas aisé et exige du courage politique, loin de la médiocrité ambiante et quasi généralisée qui est monnaie courante parmi la classe dirigeante. Les élites de Weimar échouèrent à endiguer la catastrophe car ils craignaient d’impopulaires mesures qui nécessiteraient certainement leur sacrifice politique. Celles et ceux qui nous dirigeront demain devront absolument tout entreprendre pour préserver la stabilité financière.
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Michel