
Cette finance qui parasite l’économie réelle
Notre avenir dépend de l’innovation mais celle-ci n’intéresse quasiment plus personne au sein des sociétés occidentales. Les États-Unis, autrefois modèle suprême envié par le monde entier dont les inventions contribuèrent à améliorer l’existence de centaines de millions de personnes, se retrouvent actuellement à la traîne en termes d’innovation. Une étude de l’Information Technology & Innovation Foundation les place désormais au quatrième rang derrière… Singapour ou la Finlande. Une étude de l’Ocde constate par ailleurs qu’ils sont aujourd’hui distancés par des nations ayant fortement investi dans la recherche, dans l’éducation et qui ne souffrent pas d’une inégalité des revenus aussi choquante.
De fait, les fondamentaux caractérisant une économie traditionnelle ont été bouleversés aux USA comme en Europe. C’est une inversion des valeurs qui a progressivement privé l’appareil de production des investissements qui y étaient traditionnellement destinés et qui permettaient naguère d’améliorer les conditions de travail des salariés comme la qualité des produits manufacturés. C’est un flux inverse que les entreprises ont même subi puisque les capitaux en ont été extraits. Cette déprédation de l’outil de travail se déroulant selon une ampleur « industrielle » ! L’inventivité et l’initiative des entreprises se sont donc logiquement effacées devant l’efficience de la finance qui a littéralement pompé hors de l’entreprise des capitaux indispensables à la recherche, à la technologie et à la formation.
Voilà donc le système financier qui s’enrichit aux dépens des concepteurs et des producteurs de nos biens d’équipement et de nos produits manufacturés. De fait, l’hypertrophie de la finance et de ses profits tout aussi démesurés qu’indécents s’est concrétisée en foulant aux pieds la qualité de nos emplois. Les intérêts vitaux de la vraie économie ont été sacrifiés sur l’autel de la finance, des investisseurs, des spéculateurs, du court terme et de leurs bénéfices. C’est une authentique confiscation des ressources qui a eu lieu : qui a privé les citoyens d’une croissance stable, qui a empêché l’amélioration de leur niveau de vie, qui a déstabilisé l’économie à la faveur de l’implosion répétitive de bulles spéculatives et qui a soustrait à nos économies une part substantielle de leur prospérité.
Savez-vous que de nos jours la maxime de Wall Street et de la City de Londres est : “I.B.G.- Y.B.G.” ? “I’ll Be Gone, You’ll Be Gone”, soit en français : « Je ne serai plus là, vous ne serez plus là », qui signifie clairement que les cataclysmes de demain – inévitables comme conséquences des comportements actuels – ne sont pas leur problème. Les financiers, et tous ceux qui gravitent autour d’eux, ne seront en effet plus ici… Et ce sera à d’autres de gérer les problèmes induits par leurs exactions d’aujourd’hui. Il va de soi que cette énième version d’ « après moi le déluge » se fiche éperdument de stabilité financière, comme de la qualité des emplois.
Wall Street et ses émules ont ainsi dénaturé le paysage industriel et des affaires en général, pour les amener à devenir des opérations hypermargées, dont la vocation se réduit exclusivement à la rentabilité sur le court terme d’un capital prompt à se détourner pour aller vers des transactions plus juteuses. Quand prendrons-nous conscience que les marchés financiers ne créent nulle valeur et qu’ils doivent être subordonnés et placés fermement sous la tutelle de l’économie productive ? Car, pour paraphraser Paul Volcker, ancien président de la Fed, les distributeurs automatiques de billets (ATM) représentent la seule innovation utile de la finance de ces vingt dernières années !
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Michel