Les ravages du dogmatisme économique

Les ravages du dogmatisme économique

avril 20, 2024 1 Par Michel Santi

 

 

Ils ont donné un coup d’arrêt à l’Europe. Le différentiel de productivité se creuse davantage trimestre après trimestre entre nous et les Etats-Unis qui caracolent en tête loin devant l’Union Européenne du haut de leur progression à 2.6% en comparaison de la pitoyable régression européenne de 1.2%. Mario Draghi nous avait pourtant prévenu il y a quelques mois, avertissant qu’il nous fallait «trouver des sommes immenses en un temps relativement court» si nous espérions prétendre sauver nos entreprises et notre compétitivité par la seule manière possible, c’est-à-dire en multipliant les investissements tant privés que publics.

Nos gouvernants, comme nos économistes, restent cependant sourds en dépit du paquebot Europe qui prend l’eau de toutes parts. L’effondrement de la théorie économique orthodoxe, traditionnelle, prenant plaisir à ceinturer l’activité pour mieux l’étouffer est incontestable. Mais rien n’y fait, car l’Allemagne et ceux toujours sensibles à son argumentation ordolibérale mortifère, comme le Ministre de l’Economie et des Finances français restent droit dans leurs bottes et persistent dans leurs certitudes teintée d’économétrie et de mathématiques dont le verdict pavlovien est de réduire notre train de vie et de persévérer dans le déclassement de notre classe moyenne.

Ma colère et mon désenchantement sont à leur comble à l’encontre de ces économistes et de ces responsables dits «mainstream» qui se font encore illusion sur leur crédibilité. Les historiens et les sociologues seraient plus compétents qu’eux dans l’identification des mécanismes basiques qui nous éviteraient l’inéluctable répétition des catastrophes!

Comment leur faire comprendre une fois pour toutes que l’argent n’est pas neutre, que les politiques monétaires menées par les banques centrales n’ont pas – comme ils ne cessent de le marteler – que des effets sur le court, mais aussi sur le long terme ? Les actions d’une banque centrale sont en effet ressenties et se répercutent évidemment sur des variables réelles et bien tangibles comme sur la production, comme sur le marché du travail, comme sur les investissements. Contrairement à leur idéologie traumatisée par Milton Friedman qui a fait des ravages incommensurables avec sa formule «l’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire», l’argent n’est pas une simple matière première dont l’abondance ou la raréfaction sont la simple condition à l’inflation ou à la déflation. Nous ne sommes plus dans une économie du troc, mais une économie monétaire où la création d’argent exerce des effets nettement au-delà de l’influence sur les taux d’intérêt.

Les dogmatiques persistent dans leur croyance selon laquelle la hausse des taux d’intérêt n’a aucune conséquence sur le long terme qu’ils pensent déjà être anticipé par le marché et par les acteurs de l’économie, bien-sûr grâce à une main invisible bienfaisante. Qu’à cela ne tienne, donc, selon eux si la hausse des taux se répercute par une augmentation du chômage et par une distorsion dans la distribution des richesses, car elles finiront bien par être corrigées sur le long terme. Leur monde n’est évidemment pas le nôtre car toute action exerçant des réactions, la raréfaction de l’argent combinée à la hausse des taux et à l’inertie ou à l’inaction des banques centrales déroulent des effets souvent dévastateurs et sur le long terme sur nos économies. Dégradation du marché du travail, appauvrissement supplémentaire des plus vulnérables, érosion des revenus, stagnation de l’activité au détriment des entreprises.

C’est l’argent qui doit être mis au service de la société, de la collectivité, de l’économie et même de l’Etat: pas le contraire. Mais, pour cela, «ils» doivent recevoir une leçon de modestie ou, pour paraphraser Keynes, ne serait-il pas splendide s’ils se rendaient enfin compte qu’ils sont au même niveau que des dentistes ?

 

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