
Vous avez dit “populiste” ?
Voilà : à partir du moment où une décision scandaleuse mais néanmoins absolument indéfendable est prise, on nous taxe de «populiste».
J’assume totalement ce mot – et le revendique même – s’il est synonyme de bon sens.
La presse juge sévèrement le National après son refus de l’aide à Credit Suisse
Au lendemain du refus symbolique par le Parlement des garanties de la Confédération pour sauver Credit Suisse, la presse helvétique fustige globalement l’attitude du Conseil national. D’aucuns jugent que l’UDC et la gauche ont campé sur leurs positions par électoralisme.
Que de souvenirs !!!🤣
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RAYMOND
12 janvier 2018 à 10 h 55 min
Bonjour Professeur,
Bien que mon orientation idéologique soit keynésienne, et par essence défenseur de l’intérêt général, comment se fait-il que je n’arrive pleinement à postuler au fil conducteur de votre billet? Si je ne peux réfuter l’argument – et non des moindres – « qu’en cas d’acceptation de initiative no Billag, il ne sera plus possible de faire en sorte que la population suisse soit informée correctement sur le devenir du monde entier » (mais l’a-t-elle seulement été jusqu’à présent?) ; alors, au-delà des apparences, je m’interroge au travers d’un autre prisme en revenant sur quelques vieux démons.
A cet effet, et bien que j’aurai pu reprendre certains travaux de Noam Chomsky, j’ai choisi pour cet angle une partie du travail de recherche historique issu du fascicule « Les médias en suisse », paru aux éditions LEP, qui offre un point de départ intéressant pour la réflexion: « Dans son ouvrage Psychologie des foules (1895), Gustave Le Bon (1841-1931) – un des précurseurs des théories des médias – affirme que les individus, lorsqu’ils sont en groupe, raisonnent de manière plus simpliste et sont facilement influençables. Selon lui, un meneur habile peut aisément mettre une foule dans un état proche de l’hypnose. Le Bon ne traite pas directement des médias, mais ses idées ont influencé les théories sur la communication, la propagande et la publicité. Lorsque les médias de masse en sont encore à leurs débuts, Gabriel Tarde (1843-1904) rend les médias responsables de la manipulation que Le Bon attribue au meneur et affirme que l’«âge des foules» sera remplacé par l’«âge des publics», qu’il définit comme une «foule à distance». Les premières études sur les médias en tant que tels et sur leur influence apparaissent dans les années 1920 et appréhendent généralement le phénomène de la propagande. Dans son ouvrage Public Opinion, paru en 1922, Walter Lippmann (1889-1974) étudie la manipulation par les médias et définit le concept de «fabrique du consentement». Il remarque que notre expérience du «monde réel» n’est que très limitée et que notre vision de la réalité se fonde avant tout sur ce que les médias nous en montrent. Toutefois, le prétendu pouvoir d’endoctrinement des médias n’est pas toujours perçu négativement. Harold Lasswell (1902-1978) défend ainsi que la propagande est utile aux démocraties, car elle permet aux citoyens d’adhérer à ce que les «spécialistes jugent bon pour eux ».
En ce qui concerne à présent la question « des spécialistes », comment ne pas être projeté à nouveau vers Walter Lippmann et à son colloque organisé à Paris du 26 au 30 août 1938 ? Un cercle d’influence auquel participent 26 économistes, entre autres, Hayek, Mises, Rueff, Rüstow, Röpke, et des intellectuels « libéraux ». S’il y fut discuté de la capacité du libéralisme à faire face aux problèmes de l’époque, c’est aussi une des premières fois où les participants s’interrogèrent pour savoir s’il convenait de conserver le mot « libéralisme » ou bien d’adopter celui de néo-libéralisme. Pour l’économiste français François Bilgert, le colloque Walter Lippmann « peut être considéré comme l’acte de naissance officiel du nouveau libéralisme ». Dans la continuité à démolir le modèle keynésien dès le début des années 1930 – et suite au colloque Lippmann – ce n’est qu’à la fin de la seconde guerre mondiale que la société du Mont-Pélerin sera fondée par Hayek et Mises (1947). La première réunion, à laquelle participent trente-six personnalités « libérales » a lieu à l’Hôtel du Parc au Mont-Pèlerin près de Vevey. Ce réservoir d’idées et de promotion du néo-libéralisme fut financé par des banquiers et patrons d’industrie helvétiques (ce même genre de groupes d’influences qui n’a d’ailleurs jamais cessé sa générosité, notamment, auprès des partis politiques suisses).
Lors de cette réunion d’avril 1947, trois importantes publications des Etats-Unis (Fortune , Newsweek et The Reader’s Digest) y ont envoyé des délégués. Le Reader’s Digest venait d’ailleurs de publier une version résumée d’une œuvre clé de Hayek, « La route de la servitude ». On y trouve notamment le rayonnant passage: « C’est la soumission de l’homme aux forces impersonnelles du marché qui, dans le passé, a rendu possible le développement d’une civilisation qui sans cela n’aurait pu se développer ; c’est par la soumission que nous participons quotidiennement à construire quelque chose de plus grand que ce que nous tous pouvons comprendre pleinement ». Dès lors, en appréhendant la logique de Walter Lippman, je ne peux m’empêcher à percevoir dans le pragmatisme helvétique – érigé comme un temple et dont l’une de ses fondations n’est autre que le quatrième pouvoir – la « fabrication d’un consentement » face à la construction que sera l’ordre nouveau, c’est à dire le néo-libéralisme. Harold Lasswell n’a-t-il jamais défendu « que la propagande est utile aux démocraties car elle permet aux citoyens d’adhérer à ce que les spécialistes jugent bon pour eux » ? Les soi-disant spécialistes de la pensée dominante n’ont-ils jamais porté en eux l’incandescence qui affecte de plus en plus nos démocraties, au point d’en avoir corrompu le capitalisme et saccagé l’intérêt général ? Les tenants du « Public choice » – à raison – postulent que l’État, à l’instar de Dédale, s’est enfermé dans les méandres de sa propre construction. En ce sens, je me pose la question suivante : – Au fil du temps, faute de s’être construit des ailes pour échapper au labyrinthe infernal des chemins de traverse ne conduisant nulle part, comment ne pas percevoir en les médias publics une entreprise Icarienne s’étant finalement brûlée les ailes au soleil de midi ?
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Si les médias “mainstream” ne se seraient pas autant délités de leur prérogative de quatrième pouvoir, alors le “Crony capitalism” n’aurait pu jouer de la sorte dans le bac à sable mondialisé.
L’argent trouble qui traîne dans les terrains de jeux ploutocratiques préférés de New York, Londres, Paris ou encore Zurich (pôle financier) avec son excroissance de politiques centralisées à Berne, n’a rien de nouveau. En effet, ce “système économique de connivence” est né lors de la crise financière asiatique de 1997 et fut largement utilisé ensuite pour décrire l’économie philippine sous la dictature de Ferdinand Marcos dans les années 1980. Dans ce “système économique de connivence”, les entreprises prospèrent non pas grâce à la libre entreprise, mais plutôt grâce à l’argent gagné grâce à une collaboration étroite entre une classe d’affaires et la classe politique, c’est-à-dire dans lequel des personnes ou des organisations ayant des relations étroites avec des personnalités politiques profitent de ces relations pour acquérir un avantage concurrentiel injuste.
En Occident, ceci devrait aussi nous rappeler les nombreux scandales financiers du début du XXIe siècle aux Etats-Unis, par exemple, qui à leur manière ont déterré les squelettes marquant la période de la fin du XIXe siècle avec la dictature économique et sociale des ” barons voleurs”. En ce temps là, la présidence, le Congrès, la Cour suprême et les deux principaux partis américains, tous étroitement liés aux trusts industriels et financiers, avaient dû sévir pour sauver la réputation du système financier et garantir sa stabilité. À sa manière, l’historien américain Howard Zinn y a même consacré un chapitre de son ouvrage où il dénonçait cette période durant laquelle “le capitalisme ne cesse d’avoir recours à l’Etat”.
Nous voyons bien, à l’instar des deux faces d’une même pièce, ainsi qu’à la lueur des derniers événements aux États-Unis et en Suisse que la finalité d’un système économique capitaliste sur lequel repose des individus ou des entreprises ayant des liens étroits avec des dirigeants politiques, et des représentants du gouvernement, produit les mêmes effets; dont celui d’obtenir notamment un avantage injuste sur le marché. De part sa nature pervers, comprenons bien que ce “système économique de connivence” permet une concurrence sans restriction pour obtenir des permis, des subventions gouvernementales, des allégements fiscaux ou d’autres types d’intervention de l’État sur les ressources et, cela est souvent accompli par des intérêts commerciaux manipulant leurs relations avec le pouvoir de l’État en place. En raison des fortes incitations auxquelles sont confrontés les gouvernements pour extraire des ressources par la fiscalité, la réglementation et l’encouragement de l’activité de recherche de rente, ainsi que celles auxquelles sont confrontées les entreprises capitalistes pour augmenter leurs profits en obtenant des subventions, en limitant la concurrence et en érigeant des barrières à l’entrée, ceci est malheureusement devenu la forme prédominante du capitalisme tel que pratiqué aujourd’hui dans ce bas monde.
D’ailleurs, les nouvelles données empiriques sont suffisamment étoffées aujourd’hui pour constater à quel point la richesse et l’intérêt des magnats ont augmenté ces vingt dernières années en raison des politiques favorables aux entreprises cotées, et mises en œuvre par les responsables gouvernementaux – dont on ose croire (?) que “leur volonté” se manifestait avec la prospérité de la société dans son ensemble – alors même que le fossé des inégalités n’a eu de cesse à s’élargir (paupérisation) tandis qu’une infime minorité s’est accaparé la plus grande partie du fruit du labeur d’une très grande majorité. Toutefois, la montée en puissance du “capitalisme de copinage” reste aussi bien attribuée à la fois aux socialistes et aux capitalistes radicaux. Selon les socialistes, le “capitalisme de copinage” serait un sous-produit inévitable du capitalisme pur, alors que d’un autre côté, les capitalistes pensent que le “capitalisme de copinage” résulte du besoin des gouvernements socialistes d’exercer un contrôle économique.
On l’aura ainsi compris, le “système économique de connivence” reste largement blâmé pour une série de malheurs sociaux et économiques, car il peut entraîner de la corruption explicite (et implicite via le financement opaque de divers partis politiques, par exemple). Les entreprises exploitent leurs liens politiques pour acquérir un avantage injuste sur le marché (lobbies), souvent en soudoyant des représentants du gouvernement ou en conditionnant des supports de voix à des élections. Cela fausse donc la concurrence sur le marché des biens et services et rend particulièrement difficile la prospérité des petites entreprises et des entrepreneurs lorsque certaines entreprises ont un avantage injuste en raison de leurs relations politiques. Les positions monopolistiques des grandes entreprises (plus largement encouragées sur l’autel de la financiarisation outrancière) peuvent évidemment affaiblir la concurrence et dissuader ainsi les petites entreprises d’innover davantage ou d’améliorer leurs biens et services. Ce système de perversion est tout aussi néfaste à la démocratie puisqu’il amène une tendance toujours plus marquée des gens à perdre confiance dans les institutions politiques et économiques. Puis, la défiance envers la mise en œuvre des réformes par les politiciens et le fonctionnement efficace des entreprises peuvent en être sérieusement entravés (crise de confiance).
Enfin, cessons une bonne fois pour tout de croire que le “Crony capitalism” se limite simplement aux marchés émergents ou aux pays en développement, car il existe suffisamment de conséquences désastreuses dans le monde imputables à ce “système économique de connivence”: La conflagration immobilière aux États-Unis (subprime); l’oligarchie de la Russie qui peut difficilement fonctionner sans l’aide du gouvernement; les distorsions économiques et financières en Chine, qui sont créées par l’Etat pour donner un avantage concurrentiel à ses propres entreprises; sans oublier le paradoxe américain caché par l’alibi du “protectionnisme”, mais dont les principes s’accordent à présent à ceux de la Chine; la Confédération helvétique par ses relations incestueuses avec la sphère financière et dont le principe même de la “neutralité” y est intimement lié (et à présent en sursis); l’UE mercantile et sa technocratie dirigée contre les peuples alors qu’elle n’a jamais rempli les principes élémentaires d’une ZMO…etc.
Un “système économique de connivence” demeure une nuisance, il serait peut-être venu le temps que la Suisse le saisisse enfin. Vue de l’étranger:
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