
Pétrole: ton univers impitoyable !
Nous vivons une période mouvementée et notre monde est témoin, depuis quelques jours, de l’équivalent d’une déclaration de guerre transposée au marché du pétrole. L’Arabie Saoudite, qui souffre d’une chute de plus de 20% de ses exportations vers la Chine (son premier client) suite à l’épidémie du coronavirus n’a pu convaincre la Russie – son partenaire dans l’OPEP – de réduire sa production afin de stabiliser les prix. Un très récent appel du roi saoudien au Président Poutine n’y est pas non plus parvenu. Il faut dire que voilà 3 ans que Poutine ménage l’allié saoudien en répondant à toutes ses sollicitations en termes de quotas de production et d’objectifs de prix, non seulement pour satisfaire la trésorerie russe mais également pour gagner des points en matière de politique étrangère et afin de se rapprocher de l’héritier au trône d’Arabie, le Prince Mohammed bin Salman. Cette fin de non recevoir russe aux demandes saoudiennes lors de la réunion de l’OPEP de vendredi dernier est, en réalité, une déclaration de guerre contre l’administration Trump qui ne se gêne pas d’employer le pétrole comme arme économique et politique.
Poutine est en effet furieux des sanctions américaines ayant largement contribué à saboter Nord Stream 2, le pipeline reliant le gaz sibérien à l’Allemagne, et en colère vis-à-vis des manœuvres US à l’encontre des activités de Rosneft (qui produit le pétrole russe et qui en est la propriété) au Venezuela. Excédé par la stratégie américaine, Poutine n’a donc pas hésité à sacrifier l’harmonie (de surface) de l’OPEP pour (tenter de) massacrer la production US de pétrole de schiste en cassant les prix. Bien conscient que le coronavirus – qui déprime considérablement la consommation mondiale d’énergie – est une malédiction pour les producteurs classiques et une aubaine pour les exploitants de schiste US ayant des coûts largement moindres, le dirigeant russe n’hésite donc pas à mettre en péril ses propres recettes en optant pour ne pas réduire sa production. Son objectif affiché étant de comprimer davantage les prix dans le seul et unique but de fragiliser les producteurs américains fonctionnant principalement grâce à des financements bancaires qui ne leur seront plus accordés dès lors que les tarifs chuteront en-dessous d’un certain seuil.
La fourmi russe peut se le permettre car elle dispose de considérables réserves grâce à un fonds souverain largement approvisionné, car ses ventes de pétrole et de gaz ne représentent plus que 55% de ses exportations et car le budget du pays n’est plus financé qu’à hauteur du tiers par les recettes pétrolières et gazières. La raison d’Etat et les intérêts de son pays priment évidemment pour Poutine, qui n’a (logiquement) cure des menaces quasiment existentielles pour le Royaume Saoudien d’une chute incontrôlée des tarifs pétroliers car ce pays dépend intégralement de ses exportations de brut. L’impact de cette décision solitaire du Président Poutine sera donc lourde de conséquences économiques, politiques et stratégiques pour l’Arabie dont le budget est d’ores et déjà terriblement déficitaire. En effet, le Royaume Wahabite souffre d’un manque de liquidités qui ne s’améliorera certainement pas suite à ce récent coup de théâtre ayant provoqué l’effondrement des prix pétroliers de 10% en l’espace de quelques heures et la chute de l’action d’Aramco (le producteur national) en-dessous de son prix d’émission de décembre dernier. Les répercussions régionales seront inévitablement dramatiques – la Bourse de Kuwait ayant, par exemple, été contrainte de suspendre les cotations pour cause de dégringolade supérieure à 10% – et ce d’autant que la réaction saoudienne à la manœuvre russe est quasiment suicidaire.
Dans une tentative de sabotage des ventes russes de pétrole à destination de l’Europe, les autorités saoudiennes viennent effectivement de décréter une réduction supplémentaire de leurs prix qui seront au plus bas depuis 20 ans et ce avec effet immédiat ! La Russie pliera-t-elle face à l’Arabie Saoudite – et même face au monde arabe puisque la décision de ce Royaume conditionnera les 14 millions de barils exportés quotidiennement par l’ensemble de la région ? Rien n’est moins sûr, en fait, car sa crédibilité est – pour le moins – remise en question par les investisseurs étrangers refroidis par tant d’instabilité et d’imprévisibilité. L’emprisonnement au même moment, et dans un nouvel épisode plus comique que tragique, de membres éminents de la famille royale – dont le propre frère du Roi – n’est évidemment pas de nature à restaurer la confiance dans un pays qui n’en inspire décidément plus beaucoup.
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Bien sincèrement,
Michel
Votre raisonnement se tient plus ou moins ou plutôt pardonnez-moi de vous contredire, votre raisonnement en fait ne tient pas. Pourquoi ? Vous le dîtes vous-même : Nous vivons une période mouvementée et notre monde est témoin, depuis quelques jours, de l’équivalent d’une déclaration de guerre transposée au marché du pétrole. L’Arabie Saoudite, qui souffre d’une chute de plus de 20% de ses exportations vers la Chine (son premier client) suite à l’épidémie du coronavirus n’a pu convaincre la Russie – son partenaire dans l’OPEP – de réduire sa production afin de stabiliser les prix.
Et là vous avez totalement raison « L’Arabie Saoudite n’a pas pu convaincre la Russie, son partenaire hors OPEP (OPEP+), et c’est elle qui souffre le plus suite à l’épidémie du coronavirus. Et qu’écrit aujourd’hui l’Echo, journal économique français, dans son article ? « Panique sur le pétrole, la guerre des prix est lancée »
Les cours du pétrole chutent lourdement en Asie ce lundi matin. L’Arabie saoudite a décidé de baisser ses prix de vente, signalant le début d’une guerre des prix sur le marché pétrolier.
Les cours du pétrole s’effondrent d’environ 25% ce lundi matin en Asie. Que se passe-t-il? Le marché de l’or noir encaisse mal la décision de l’Arabie saoudite de réduire drastiquement ses prix, suite à l’échec, en fin de semaine dernière, des négociations entre l’Opep et la Russie.
Riyad brade les prix
Riyad a, dans la foulée, réduit le prix de vente officiel, pour le mois d’avril, de toutes ses qualités de brut vers toutes les destinations. Cette diminution, la plus grande depuis une vingtaine d’années, et qui revient à inonder le marché de barils à coûts bas, lance une guerre des prix.
Quel impact sur les bourses?
En outre, d’après Reuters, le premier exportateur mondial de pétrole compte augmenter sa production de brut à plus de 10 millions de barils par jour (bpj) le mois prochain.
Cette stratégie de prise de parts de marché, plutôt que de soutien des prix, rappelle la tactique mise en place en 2014… et qui avait fait chuter les prix du brut d’environ deux-tiers. »
Pensez-vous réellement que « Cette fin de non-recevoir russe aux demandes saoudiennes lors de la réunion de l’OPEP de vendredi dernier est, en réalité, une déclaration de guerre contre l’administration Trump qui ne se gêne pas d’employer le pétrole comme arme économique et politique. » Mais, non, la guerre menée par les États-Unis est essentiellement contre la Chine, et subsidiairement contre la Russie. Et profitant du coronavirus, Washington en accord avec la Fed américaine veulent « dissiper » voire « effacer » une partie de leurs réserves de change. Qui sont trop lourdes et pas du tout au goût des Américains. Les pourvoyeurs en dollars, ce sont eux, et les enrichis, ce sont les autres, leurs adversaires.
Et le moyen c’est le pétrole. Si les cours du pétrole baissent, et ils doivent baisser et les États-Unis profitent de l’occasion qu’offre le coronavirus pour baisser fortement les prix, et même provoquer un contrechoc pétrolier. Pourquoi ? Une baisse du prix du pétrole impacte inévitablement l’économie chinoise et russe. Donc une croissance économique qui baisse dans ces deux pays, le recours aux réserves de change pour compenser la baisse de la croissance.
L’objectif américain est de « freiner » économiquement la Chine. Le coronavirus qui la frappe, autant encore enfoncer le clou. Depuis la crise financière de 2008, il y a une guerre économique mondiale qui ne dit pas son nom.
D’autre part, ce que dit le journal l’Echo est faux. « Cette stratégie de prise de parts de marché, plutôt que de soutien des prix, rappelle la tactique mise en place en 2014… et qui avait fait chuter les prix du brut d’environ deux-tiers. » Ce n’est pas la stratégie de l’Arabie saoudite mais la stratégie de la Fed américaine qui a arrêté les QE3 en octobre 2014. Asphyxiant le marché pétrolier, moins de dollars, le prix du baril a chuté.
Et voudrait-elle aller contre son intérêt en bradant ses richesses ? Ça ne tient pas debout. L’Arabie saoudite n’est qu’un acteur supplétif qui obéit aux ordres qui viennent d’en haut. Quant à la Russie, elle a entièrement raison de ne pas suivre le jeu américain, d’être manipulée comme l’Arabie saoudite, qui constituerait à se tirer une balle au pied.
Voilà, l’auteur, j’espère avoir été explicite.
[…] Michel Santi […]