Une Bundesbank en flagrant délit d’amnésie?
Cette Bundesbank – la toute puissante banque centrale allemande – qui est, comme on ne le sait que trop, farouchement opposée à l’intervention de la Banque centrale européenne en faveur des obligations d’état des pays périphériques…serait-elle hypocrite ou schizophrène ? Une analyse retentissante tout récemment publiée par BNP Paribas a en effet révélé que cette même Bundesbank avait procédé en 1975 à des achats en masse d’obligations souveraines ouest-allemandes ainsi qu’à tout un panier de la ménagère d’entreprises du pays dont elle avait la charge. C’est ainsi pour une somme globale équivalent à 1% du P.I.B. ouest-allemand que la Buba fit des emplettes, et ce, dans un contexte de contraction de ce même P.I.B. de 0.9% sur cette même année 1975.
Ce n’est en tout cas pas les craintes inflationnistes qui la dissuadèrent à l’époque, en dépit de taux d’intérêts nationaux supérieurs à 10%… Alors que son opposition violente et déterminée aujourd’hui à l’encontre de soutiens similaires que pourrait apporter la BCE à certaines nations européennes en faillite virtuelle est principalement motivée par sa hantise des pressions inflationnistes à la Weimar. L’Allemagne contemporaine n’hésite donc pas à faire le grand écart et enjambe allègrement cet épisode de 1975 pour ne plus vouloir se souvenir que des flambées hyper inflationnistes des années 20. Grand écart – ou même immense écart- et ce d’autant que ces achats obligataires étaient clairement contre le mandat de la Bundesbank qui ne prévoyait nulle possibilité de monétisation de la dette ouest-allemande. Elle avait néanmoins subrepticement entrepris ces achats jusqu’à ce que ce soit son Président de l’époque en personne, Herr Klasen, qui vende « accidentellement » la mèche lors d’une conférence de presse !
C’est alors que le célèbre chef économiste de la banque centrale, Helmut Schlesinger, entra en lice pour sauver les apparences en affirmant la capacité de la Bundesbank « à intervenir afin de réguler les marchés monétaires mais pas pour financer le déficit public »… Soit exactement ce que tente désespérément de faire aujourd’hui Mario Draghi, Président de la BCE, qui souhaite acheter les Bons du Trésor des pays fragilisés dans le but de calmer l’escalade de leurs taux de financements et, en d’autres termes, réguler des marchés monétaires en pleine aberration. Soit précisément ce que la Bundesbank de 1975 s’était employé à accomplir. Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais.