Qui est responsable des écarts de compétitivité en Europe ?
L’Allemagne et les autres pays dans son giron n’ont de cesse de déplorer le manque de compétitivité des nations européennes périphériques où le coût du travail serait bien trop élevé en comparaison aux “fourmis” nordiques frugales, disciplinées et maîtrisant comme il se doit les charges associées à leur masse salariale. Cette stigmatisation permanente passe cependant sous silence un phénomène ayant précisément permis aux salaires des PIIGS de graduellement progresser depuis les années 1980 pour rejoindre les traitements en vigueur dans les nations industrialisées et bien intégrées du Nord. C’est donc bien en vertu de cette « convergence » que les coûts du travail ont augmenté en Espagne, au Portugal et dans les pays du Sud et non suite aux mauvais plis de leurs salariés présentés comme paresseux et néanmoins exigeants… Car il est difficilement contestable aujourd’hui que les salaires des travailleurs du Sud ne diffèrent pas notablement de ceux du Nord et ce par unité de bien produite. Les salariés allemands, français, espagnols, portugais et irlandais gagnent en effet leur vie de manière équivalente à produit similaire ou à prestation égale. En réalité, travailleurs du Sud sont même généralement moins bien payés que leurs collègues nordiques car ils produisent des biens et assurent des services soit en quantités moindres soit en qualités inférieures. A cet égard, la compétitivité, le coût du travail voire la mentalité ne sont assurément pas les problèmes centraux des PIIGS. Les exemples sont effectivement multiples et quotidiens où des travailleurs sudistes émigrés au Nord révèlent leurs talents, aptitudes, rigueur et application au travail.
Les déficiences des nations du Sud se situent plutôt au niveau des investissements publics et privés en direction de secteurs clés comme leurs infrastructures, leurs équipements et leur gouvernance. Ce n’est donc pas tant le niveau salarial de ces pays qui doit être remis en question que la misérable allocation de leurs actifs qui les rend à l’évidence incapables d’entrer en compétition – en quantité et en qualité du bien produit – avec leurs voisins du Nord. En fait, les salaires perçus par les travailleurs sudistes par rapport à leurs productions ne font que baisser : en d’autres termes, la forte augmentation de prix de leurs produits finis ne reflète pas tant leurs revenus qui se sont peu appréciés que l’harmonisation des tarifs de leurs biens et marchandises par rapport à ceux du Nord. Pour les PIIGS, la convergence européenne s’est ainsi traduite en une augmentation notable des prix dans un contexte salarial relativement stagnant.
Ces accusations selon lesquelles le travailleur méditerranéen aurait abusé de l’afflux de capitaux dans son pays en exigeant un salaire toujours plus élevé, oblitérant ainsi la compétitivité de son économie ne sont donc que légendes urbaines. En effet, le coût du travail par unité ou par service produits a si peu progressé proportionnellement au prix de vente de ce même produit que le travailleur sudiste recevait en 2007 une rémunération moindre qu’en 1980 par unité ! Le coût du travail a donc convergé entre le centre, le Nord et la périphérie de l’Union Européenne du seul fait de la convergence des prix entre ces régions et non par la faute des salariés sudistes qui en auraient raflé une part plus importante. Les vraies raisons du manque de compétitivité des PIIGS sont donc ailleurs, à savoir dans la rémunération élevée des immenses masses de capitaux qui y furent investis à l’époque. Les investisseurs exigèrent effectivement des retours sur capitaux en constante augmentation pour prix de leurs liquidités placées… autant d’argent qui devait donc cruellement manquer aux améliorations structurelles vitales autorisant la remise à niveau par rapport au Nord. Ces nations du Sud furent donc plus victimes que bénéficiaires de ces influx de capitaux.
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