Notons les agences de notation!
L’Union Européenne ose-t-elle menacer les agences de notation de les traîner devant les tribunaux afin de les responsabiliser dans le cadre de l’attribution de leurs bons et mauvais points? Les dirigeants européens ont-ils la témérité d’alerter ces mêmes agences, coupables de semer le chaos au sein des pays fragilisés? Voilà ces mêmes agences qui répliquent de manière cinglante en avertissant qu’elles pourraient bien arrêter de noter ces nations avec, à la clé et en perspective, une déroute en bonne et due forme des pays de l’Europe périphérique qui ne seraient carrément plus en situation de lever des fonds sur les marchés! Cette récente et décisive escalade entre les autorités européennes et les “Big Three” ( Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch) traduit en fait un glissement fondamental à un moment où ces dernières se retrouvent très sérieusement – et au sommet – remises en question.
N’est-il pas enfin grand temps que ces omnipotentes sociétés privées soient enfin confrontées à leurs responsabilités et à leurs impardonnables déficiences? Est-il normal que la Grèce soit aujourd’hui moins bien notée (ou notée pire) que l’Egypte…? Ce trio qui domine – voire qui administre – les marchés financiers depuis 1990 – en fait depuis l’avènement de la globalisation et de l’ère technologique – distribue les points, pénalise, punit ou porte aux nues avec une dose d’arrogance et une immense auto satisfaction tout ce qui se négocie en terme obligataire sur les marchés financiers de ce monde. De la dette souveraine des pays aux levées de fonds de l’entreprise lambda, les investisseurs scrutent religieusement les fatwas des trois principales agences de notation avant de réaliser un quelconque placement. Inutile de revenir sur leur pouvoir absolu, sur leurs erreurs monumentales ou sur leur historique plus que douteux… Le Japon – après l’enchaînement de catastrophes subies – les observe aujourd’hui avec angoisse: Y aura-t-il encore abaissement de sa notation? Le rating du Japon rejoindra-t-il celui du Botswana et ce à la faveur d’un arrêt rendu par la Cour de Cassation des Big Three?
Après la débâcle d’Enron puis celle des subprimes ayant entraîné l’économie mondiale aux géhennes, les agences de notation sentent le vent méchamment tourner aujourd’hui puisque des groupement d’investisseurs américains se préparent à les attaquer en justice pour manquements graves à leurs obligations. Nul ne conteste la mauvaise gestion ni les situations déplorables des comptes publics grecs, portugais, irlandais et même américains… Pour autant, en vertu de quelle loi divine ou autre tradition ancestrale des personnages ne disposant d’aucun mandat électif s’arrogeraient-ils autant de pouvoirs sur les dettes souveraines de nos pays et, par voie de conséquence, sur nos vies quotidiennes? Loin d’être des entreprises à but non lucratif, ces agences sont en effet directement intéressées par réaliser des profits en conflit d’intérêt souvent patent avec les sociétés qu’elles sont appelées à noter. Qui sait que Moody’s a gagné 2 milliards de dollars en 2010?
Ce business des agences de notation doit aujourd’hui être lui-même noté afin d’être sanctionné et, si besoin est, cassé.
Pour mémoire, mes analyses précédentes sur le même sujet: Agences de notation : règne ou tyrannie ? , Les agences de notation ou les précieuses ridicules et Des agences de notation imbues de leur pouvoir évanescent
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