Ne jetons pas la pierre aux seuls traders

octobre 4, 2011 0 Par Michel Santi

L’Histoire financière récente est jalonnée des méfaits des traders.  A cet effet, ne citons que les « célébrités » absolues ayant failli détruire ou ayant carrément coulé leur établissement. Cette série ayant en effet démarré avec Nick Leeson qui, du haut de ses 827 millions de Livres de pertes, a précipité l’effondrement de la plus ancienne banque d’investissement britannique, la Barings. Suivi de près par le trader en cuivre de la Sumitomo Bank, Yasuo Hamanaka, ayant volatilisé en 1996 quelque 2 milliards de dollars. Comment passer sous silence Jérôme Kerviel ayant coûté en 2008 près de 5 milliards d’Euros à la Société Générale ou, bien-sûr, le dernier larron en date, Kweku Adoboli, ayant lui aussi violé ses attributions avec des pertes pour l’UBS, son employeur, de 2.3 milliards de dollars… 

 

De fait, si ce phénomène de personnage censé gérer les avoirs de sa banque s’enfonçant progressivement mais irrémédiablement dans ses malversations est récurrent, c’est parce que – et c’est une récente étude de l’Université de Saint-Gall qui le démontre – les traders seraient encore plus dangereux que les psychopathes ! Ainsi, le comportement manipulateur, égocentrique et prompt au risque à outrance de la trentaine de traders analysés par ces chercheurs dépasserait en perversité un groupe de psychopathes étudiés en parallèle.  De même, leur propension incontestable à la destruction et à l’autodestruction dépasserait de loin celle des malades mentaux !

 

Quoiqu’il en soit, un établissement financier qui se lance dans de telles opérations spéculatives avec effet de levier se doit de se protéger. Du reste, c’est exactement dans cet esprit que, préalablement à l’octroi d’un prêt, une banque rassemble toutes informations utiles quant à la solvabilité et à la capacité de remboursement du futur débiteur. Une banque qui spécule pour ses fonds propres a donc le devoir de mettre en place des contraintes draconiennes visant à contrôler en permanence et en temps réel son personnel habilité à cet effet. Position maximale autorisée ou limite de pertes strictement établie et vérifiable par plusieurs moyens ne sont que quelques facettes des multiples paramètres que doit surveiller de très près une banque afin de remplir ses obligations de protection de son capital vis-à-vis de ses actionnaires et de ses salariés. Pour ce faire, il lui impose de mettre à profit extensivement l’ensemble de la panoplie technologique et des ressources humaines adéquates afin de vérifier, de comprendre, de mesurer le risque et le cas échéant de trancher dans le cadre des prises de position de celles et de ceux à qui elle confie la gestion de ses fonds propres.

 

Une vigilance extrême et ininterrompue est donc une nécessité absolue car les directions générales des banques doivent partir du principe que tout trader est susceptible de se transformer en arme de destructions massives pour son employeur ! Le fondement d’une banque étant en effet de limiter les risques à outrance tout en préservant jalousement ses actifs, elle est donc supposée maîtriser l’ensemble de la chaîne des risques, faute de quoi elle est indigne d’exercer son métier. En d’autres termes, un trader malhonnête ou qui met en danger son établissement constitue en réalité – d’abord et surtout – un constat d’échec pour son employeur. De fait, la multiplication de ces jeunes gens ayant perdu tout contrôle et grisés par l’ampleur de leurs positionnements spéculatifs ne fait que refléter des banques très mal dirigées, ce qui est impardonnable – voire pénalement répréhensible – pour leurs équipes dirigeantes dans le contexte actuel d’extrême fébrilité financière.

 

Le denier épisode en date de fraude au sein d’un des plus importants groupes bancaires au monde, l’UBS, devrait achever de décider les responsables politiques mondiaux de diviser les établissements financiers en banques de détail et en banques investissant sur les marchés financiers. Pourquoi les contribuables devraient-ils se porter garants de directions défaillantes et payer les ardoises de traders sans limite ?

 

Car il n’est de traders fraudeurs que parce qu’il est des banquiers incompétents.

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