Lutte contre l’inflation ou création d’emplois ? Nos banques centrales ont choisi !
Les banques centrales de nos pays occidentaux peuvent se targuer d’une victoire totale sur le front de la lutte contre l’inflation ces trente dernières années. Si elles ont en effet pu maintenir avec succès les salaires bien en dessous de la productivité, leur performance en matière de lutte contre les récessions sur cette même période laisse en revanche largement à désirer. Ce bilan en demi-teinte – résultat d’une stratégie sciemment appliquée – s’est donc traduit en une tendance lourde d’augmentation du chômage au sein de nos sociétés occidentales. Solidement ancré dans les mentalités, conditionnant les actions et réactions de la quasi-totalité de la masse salariale, le chômage élevé et endémique a donc pu insidieusement s’installer dans nos mœurs, comme une nouvelle « normalité ». Pour des banques centrales dont l’objectif ultime est la maîtrise des pressions inflationnistes, reconnaissons-le : le plein emploi n’est certainement pas la panacée !
En effet, un taux de chômage bas incite souvent les travailleurs et les salariés à faire jouer la règle de l’offre et de la demande, c’est-à-dire à réclamer des augmentations de salaire. D’où une accélération de l’inflation. Les banques centrales ne le reconnaîtront jamais, mais voilà pourquoi elles ont naturellement tendance à remonter leurs taux d’intérêt dès lors que la conjoncture s’améliore : afin de maintenir le chômage à un niveau tel que les salaires soient toujours sous contrôle. Pourquoi ? D’une part afin de pouvoir afficher leur succès dans leur mission en termes de stabilité des prix. D’autre part pour préserver le capital et les épargnants ayant, comme on le sait, horreur de l’inflation. Et ne pas trop entamer les profits des entreprises, et donc pour soutenir les marchés boursiers … Comprenons-nous bien : ceci n’est nullement un plaidoyer en faveur de l’inflation. Pour autant, il aurait été appréciable que le « track record » de nos banques centrales soit un peu moins constitué de réussites exemplaires sur le front inflationniste, et un peu plus jalonné de luttes convaincantes contre la récession et le chômage. Car l’interprétation « stricto sensu » de leur mission par les banques centrales s’est traduite ces trente dernières années par une conséquence très fâcheuse, à savoir que la portion « salaires » dans l’économie n’a fait que décroître.
Tout n’est pas perdu pour autant car la Réserve fédérale US a fait preuve en fin d’année 2012 d’une initiative en tous points rafraîchissante. Pour la toute première fois de son histoire, elle a annoncé la poursuite de ses programmes de baisses de taux quantitatives jusqu’à ce que le taux de chômage aux Etats-Unis soit ramené à 6.5%. Certes, le « Humphrey-Hawkins Act » de 1978 lui fixait-il deux objectifs : inflation et chômage bas. Pour autant, et jusqu’à l’année 2010, la Fed n’avait jamais fait état de sa préoccupation relative au chômage dans ses publications et déclarations. Elle avait même ostensiblement négligé cette priorité depuis Paul Volcker jusqu’aux premières années de la Présidence Bernanke, y compris durant le long règne du très controversé Alan Greenspan. En réalité, pour la Fed comme pour les autres banques centrales, le chômage relativement élevé était l’instrument par excellence les autorisant à atteindre cet objectif de contrôle de l’inflation.
En l’état, cet objectif d’un taux de chômage à 6.5% ne semble certes pas assez ambitieux. Après tout, l’amélioration notable du marché de l’emploi (et de la croissance) contribuera à résorber « mécaniquement » les déficits. La résolution de la Réserve fédérale américaine n’en constitue pas moins une révolution des mentalités, dont on espère – néanmoins sans illusion aucune – qu’elle sera suivie par la BCE…
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