L’Homo economicus n’est qu’un mythe !

octobre 8, 2013 0 Par Michel Santi

Le propre de la locomotive capitaliste est l’incertitude qui se traduit en réussite des uns, en disparition économique des autres et en crises plus ou moins violentes. Il n’est donc absolument pas pensable d’adhérer aux théories des marchés parfaits et efficients. Le mythe de l’autorégulation, qui avait un temps marginalisé l’État, a été détruit par la crise ayant débuté en 2007 et vient d’être enterré par les déboires européens. L’instabilité est au cœur même du monde de la finance : nous la subissons de plein fouet depuis 2007 et avions été mis en garde successivement par Marx, Keynes et Minsky. Revenons donc à la réalité et intégrons l’incertitude au sein de notre processus de prise de décision économique et d’investissement financier. Redevenons modestes, réalistes et réduisons nos prétentions. Car l’œuvre et l’accomplissement immenses de Keynes peuvent être résumés en un seul mot – le doute –, comme les monétaristes et les néolibéraux sont assimilables à leurs certitudes qui leur collent à la peau.

 

Qu’il est pourtant sain de douter ! Le doute est l’idée force qui sous-tend de part en part toute la démonstration de Keynes. C’est également le doute qui conduit à gérer ses risques ou à accepter des pertes mesurées, comme c’est lui qui réfrène l’appât démesuré du gain. Le doute force à tous les questionnements, les plus essentiels, et il est un instinct de survie comme une leçon de modestie, tant dans la vie économique que du point de vue de la moralité et de l’honnêteté intellectuelle. Réapprenons donc à respecter et à craindre l’incertitude qui fait partie intégrante de notre vie quotidienne. Ce n’est que pour s’être départi avec arrogance de ses doutes que l’homme a multiplié les actes lourds de conséquences. Car, contrairement aux certitudes et aux prétentions des économistes traditionnels, l’activité des acteurs de notre économie n’est pas guidée par la rationalité ni par une savante et généreuse quête d’équilibre, mais tout bonnement par des intuitions, par des instincts et par l’appât du gain, quand ce n’est pas par un sentiment de panique…

 

Ceci étant dit, la confiance – qui est très loin de trouver sa source ou son explication dans la rationalité – est naturellement la clé de voûte de cet édifice : sa présence autorise tous les progrès ainsi que la croissance, alors que son absence est la porte ouverte à toutes les contractions. Comme ce sont les facteurs psychologiques et comportementaux qui conditionnent surtout l’activité économique, seule l’action apaisante, régulatrice et stabilisatrice de l’État est susceptible d’y restaurer l’équilibre – et l’équité – en cas de tourmente. C’est sous cet angle, moins idyllique mais ô combien plus prosaïque et réaliste, que doivent être analysés l’économie et l’investissement qui, loin de répondre à de nobles aspirations, sont la manifestation de nos instincts, de nos appétits, de nos angoisses et de nos manies les plus intimes, parfois les plus viles.

 

Dès lors, l’ « Homo economicus » tombe de son piédestal : c’est sa gourmandise et son manque de scrupule qui l’autodétruisent.

 

La dette elle-même est assimilable à une sorte de patate chaude que tout le monde tente de se refiler dans un « jeu de chaises musicales avant que la musique ne s’arrête », selon Keynes. Sinon, comment expliquer l’ « exubérance irrationnelle » des marchés (célèbre expression d’Alan Greenspan, président de 1987 à 2006 de la Réserve fédérale US) ou comment comprendre, à l’opposé, les cracks boursiers ? Le retour de l’État s’imposera dès lors que nous admettrons que notre maîtrise de l’économie est au minimum imparfaite et limitée par nos propres capacités intellectuelles et mentales. Car, pour reprendre à nouveau les termes de Keynes, « l’économie est une de ces jolies techniques qui tente d’appréhender le présent en faisant abstraction du fait que nous en savons très peu sur le futur ». Keynes, qui n’avait de cesse de rappeler l’impossibilité de prédire l’avenir ou même notre comportement de demain, souhaitait que les économistes « parviennent à se penser humblement, comme des personnes compétentes sur le même plan que des dentistes”…

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