Les banques et leur sens des responsabilités

octobre 24, 2011 0 Par Michel Santi

Il va de soi que les endettements excessifs – des ménages mais aussi des Etats – nuisent considérablement à la croissance. En effet, un contexte général marqué par l’épargne et l’austérité (destinées à rembourser les dettes) n’est évidemment pas favorable à l’activité économique et ce même si – hypothétiquement – les variables du marché du travail et de la productivité étaient épargnées par cette sinistrose. Après tout, les biens produits et les services fournis doivent bien trouver preneurs et consommateurs et, à cet égard, les analystes même les moins adeptes de la promotion de la croissance par la relance de la demande agrégée admettent que l’accumulation des déficits plombent la reprise…

 

Ceci étant dit, les solutions alternatives au remboursement des dettes comme les restructurations partielles (c’est-à-dire l’effacement par le créancier d’une partie de la dette), voire le défaut de paiement, ne représentent pas plus la panacée. Ma dette est effectivement contrebalancée par une créance détenue par une ou plusieurs entités. Dit autrement : le fait de ne plus rembourser ma dette génèrera une perte – et donc un déficit – auprès d’un autre intervenant qui sera à son tour confronté aux mêmes problématiques que moi et le  problème n’aura ainsi fait qu’être déplacé… La réduction des endettements et déficits n’est donc pas – loin s’en faut – un jeu à somme nulle et la rigueur appliquée à leur porte monnaie par les ménages et par les Etats qui décideraient de payer leurs dus est fort susceptible de déclencher une spirale déflationniste jalonnée  de dépenses et de revenus en berne avec, à la clé, une aggravation supplémentaire des déficits. C’est le phénomène bien connu – et certes controversé  – du « paradoxe de l’épargne »…

 

La transposition au cas d’école grec s’impose. C’est ainsi que les banques réfutent catégoriquement tout éventualité de défaut de paiement de l’Etat grec … mais elles sont par ailleurs pertinemment conscientes qu’il est néanmoins préférable d’accepter un remboursement partiel de la créance grecque si tel est le prix à payer pour éviter la banqueroute pure et simple de ce pays qui impliquerait le passage de l’ensemble  des créances bancaires par Pertes & Profits. C’est donc à travers ce prisme qu’il convient d’analyser les négociations en cours actuellement qui impliquent les établissements financiers, les titulaires de Bons du Trésor et les gouvernements européens représentant leurs contribuables respectifs considérés comme « les » payeurs en dernier recours.

 

Comme il n’est un secret pour personne que la Grèce s’achemine vers un défaut de paiement partiel, il sera donc urgent de re capitaliser les banques qui seront conduites à encaisser des pertes parfois très lourdes. Pour autant, ces injections de capitaux frais vers les banques (consentis par les investisseurs privés) auront bien-sûr un prix qui sera ultimement assumé par les usagers de ces mêmes banques. A moins que ces recapitalisations  ne s’effectuent avec l’argent des Etats – donc le nôtre – avec comme conséquence inévitable l’alourdissement des déficits de nos divers pays européens… Le dilemme est ainsi quasi inextricable, la  question fondamentale, voire la seule et unique question, étant : qui va payer ? …car il coule de source que personne ne souhaite volontairement ou spontanément payer !

 

Toujours est-il qu’il faut raison garder et, à ce titre, mettons les chiffres en perspectives à l’aide d’un exemple parlant : Souvenons-nous de l’ardoise de 4.9 milliards d’Euros laissée en 2008 par Kerviel et comparons-la aux engagements actuels de la Société Générale (ex-employeur du même Kerviel) en Grèce de l’ordre de 2.9 milliards d’Euros…  Mon intention n’est certes pas de minimiser la portée du défaut de paiement partiel grec sur les établissements financiers de l’Union. Toutefois, comme il est crucial d’éviter la contamination à d’autres nations européennes de taille autrement plus importantes que la Grèce, il est tout aussi important de contraindre nos banques à accepter d’éponger une partie de cette dette grecque sans faire appel aux deniers publics.