L’autre choc de compétitivité !
Comment sortir la zone euro de la récession ? La consolidation fiscale intensive appliquée en Europe périphérique et en France agit en fait comme une terre brûlée dans le sens où elle y étouffe littéralement les minuscules perspectives de croissance toujours vivaces. Sachant que, en outre, le redressement économique sera d’autant plus pénible que le ralentissement aura duré longtemps… Néanmoins, en analysant les chiffres du commerce extérieur de l’ensemble de la zone euro, la situation semble s’améliorer. C’est en effet un excédent commercial de 46.9 milliards d’euros qui a été dégagé sur les huit premiers mois de l’année 2012, comparé au déficit de 26.8 milliards subi sur la même période de l’année 2011. Les exportations européennes ont ainsi progressé de 9% sachant que les importations n’ont augmenté que de 2%. Pour autant, cette embellie reste toute relative puisqu’elle représente moins de 1% du P.I.B. de l’ensemble de l’Union. Bien trop insignifiante donc pour avoir un impact digne de ce nom sur la croissance de la zone euro.
En réalité, le redressement économique ne viendra qu’à la faveur d’un ré équilibrage qui émanera de l’intérieur même de l’Union et qui devra forcément être substantiel. Les nations qui doivent aujourd’hui subir l’austérité devront à cet effet intensifier leurs exportations en direction des pays de l’Union dont la croissance est (plus ou moins) intacte. De fait, ce ré équilibrage est d’ores et déjà en cours, mais reste largement insuffisant. Si les importations allemandes ont certes progressé de 2% entre juillet 2011 et juillet 2012, l’excédent commercial de ce pays a lui aussi augmenté, faisant en sorte de neutraliser cette plus forte demande intérieure… Par ailleurs, pourquoi la Grèce, le Portugal et l’Espagne continuent-ils à subir des déficits commerciaux gigantesques, en dépit d’exportations en hausse conjuguées à une décélération de leurs importations ?
La réponse est à chercher du côté des coûts salariaux allemands (voir graphique) qui ont connu une chute nominale de 18% entre 2000 et 2009 par rapport au revenu moyen européen. C’est effectivement à un authentique jeu de massacre que s’est livrée l’Allemagne et, ce, particulièrement envers les pays européens périphériques qui, eux, ont vu leurs salaires grimper notablement sur cette même période. Les statistiques eurostat nous indiquent ainsi que c’est plus de 40% d’écarts de revenus qui se sont creusés en moins de dix ans entre l’Allemagne et des pays comme la Grèce et l’Espagne. Evidemment totalement en défaveur des entreprises grecques et espagnoles qui ont de facto subi une déchéance de leur compétitivité vis-à-vis d’un concurrent qui dispose en outre de produits qualitativement supérieurs.
De nos jours, la conjoncture évolue progressivement en faveur de l’amélioration de la compétitivité grecque (par exemple) puisque les salariés de ce pays ont vu leurs revenus réduits de 19% depuis 2009. Pour autant, la lenteur de ce ré équilibrage intra européen – et la poursuite des souffrances du peuple grec – sont entièrement imputables à la timidité des allemands qui n’ont relevé leurs salaires que de 2%. La zone euro adorerait régler ces problématiques aigües de différences de compétitivité intra européenne en exportant davantage vers les Etats-Unis, vers la Chine et vers les marchés émergents. Elle sait cependant qu’elle ne pourra miser sur cette planche de salut dans un contexte où les USA se débattent pour redresser leur propre activité économique à force d’injections de liquidités, et tandis que la Chine – qui ralentit – tente de satisfaire ses consommateurs avec des produits fabriqués à l’intérieur afin de limiter la facture de ses importations. C’est donc forcément de l’intérieur de l’Union que viendra la solution et elle est une et unique car elle se résume en une consommation allemande (et nordique) plus importante.
A l’heure où le moteur allemand semble ralentir, il est vital pour l’ensemble de l’Union que ce « gap » de compétitivité intra européen soit rapidement comblé par des nations européennes périphériques qui intensifient leurs exportations. L’Allemagne devra donc impérativement stimuler sa croissance, probablement (mais pas seulement) en réduisant sa taxation, afin de participer activement à ce ré équilibrage intra européen. La zone euro, dans son ensemble, a ainsi désespérément besoin d’une relance de sa consommation intérieure. Et ceci passera nécessairement par une relance de la consommation allemande.
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