La raison du plus fort est-elle toujours la meilleure ?

La raison du plus fort est-elle toujours la meilleure ?

juin 26, 2012 0 Par Michel Santi

Tant attendues et en dépit de l’accession au pouvoir des adeptes de l’austérité, les élections grecques ne modifient néanmoins en rien la donne européenne. Et encore moins intérieure à ce pays qui ne satisfera certainement pas les exigences de l’Union et du F.M.I.. En fait si ! La Grèce retarde en réalité l’inéluctable défaut de paiement et son corollaire – la sortie de l’Euro – de …deux mois. Quel drame pour le peuple grec ayant accepté de jouer – une fois de plus – au bon soldat en cédant aux ultimatums allemands alors que son économie est en état de mort cérébrale sous le poids des sacrifices imposés par ces deux institutions. Contraction de son économie de 16% ces dernières années et de 7% supplémentaires sur la seule année 2012 ainsi que flambée de son chômage (qui s’approche des 25%) sont en effet autant de données qui révèlent une Grèce en pleine « Grande Dépression » et dans une situation financière encore pire que celle diagnostiquée par le F.M.I. ! Le tout dans un contexte où cette dernière s’apprête à demander au futur nouveau grec de procéder à davantage de coupes budgétaires pour 2013 et 2014 pour prix du déblocage de sa prochaine tranche de financement.

 

Pourtant, la seule issue honorable pour la Grèce – et, partant, pour l’ensemble de l’Union – consisterait en un assouplissement notoire des termes lui étant dictés combiné à des injections de liquidités supplémentaires destinées à financer toute aggravation de son déficit budgétaire. Ce conditionnel ne sera à l’évidence jamais conjugué au présent à cause du refus allemand… mais peut-être pas pour les raisons que l’on imagine ? Certes, l’Allemagne est-elle obsédée par le message laxiste qui serait ainsi envoyé aux autres nations « cigales » périphériques. Elle craint en outre que la Grèce ne se transforme en puits sans fond. Enfin, son opinion publique est très majoritairement opposée à toute aide supplémentaire à la Grèce qui, selon près de 70% des allemands, ferait mieux de quitter l’Euro. En fait, l’assouplissement en faveur de la Grèce et des autres pays fragilisés ne se matérialisera pas pour des raisons économiques intérieures allemandes. En dépit d’une économie qui reste une des rares au monde à avoir bénéficié de la croissance depuis 2008 (3% en 2011), malgré un environnement idéal où les taux d’intérêts sur son financement public est au plus bas historique et nonobstant un taux de chômage enviable (7.1% en 2011), les beaux jours de l’Allemagne sont désormais comptés.

 

Cet excédent de sa balance des paiements qui fait sa fierté et qui, proportionnellement, est encore plus massif que celui de la Chine révèle en réalité un colosse aux pieds d’argile. L’Allemagne est en effet terriblement dépendante de ses exportations qui composent 40% de son P.I.B. alors qu’elles ne reflètent que 20% de l’activité économique d’un pays foncièrement exportateur comme le Japon et 13% aux Etats-Unis ! Il y va de même de sa fameuse et légendaire compétitivité dont l’efficience a elle aussi été idéalisée. Ayant effectivement intégré l’Euro avec un taux de change (un deutschemark) surévalué, l’Allemagne a largement profité du réajustement à la baisse offert par l’Euro ayant dopé artificiellement sa compétitivité… Pire encore puisque la compétitivité de son secteur des services est moins intéressante que celle de nombre de pays européens. Cette même Allemagne qui n’a de cesse d’exhorter la Grèce de déréguler ses professions ferait bien de nettoyer devant sa porte car elle exerce effectivement une règlementation – technique, complexe et chère – à la limite d’étouffer ses professions libérales et autres services. Son système bancaire enfin, très fragmenté et peu profitable, traverse une phase de grande fragilité, sans même évoquer ces « zombies » que représentent pour l’Etat allemand et pour ses finances publiques les Landesbanks. Extrêmement exposées aux nations européennes périphériques pour avoir lourdement acheté leurs dettes, très investies sur l’immobilier et friandes de produits structurés et de titrisations, ces banques régionales ne bénéficient plus aujourd’hui de prêts à bas prix sous couvert de la garantie de l’Etat, comme par le passé. Sous la pression de l’Union qui a considéré avec raison que la caution de l’Etat allemand et de ses « lands » revenait à fausser la compétition entre banques, elles doivent donc se trouver rapidement de nouvelles sources de financement dans un contexte où leur accès aux déposants est très limité et alors que les créanciers rechignent à prêter à des établissements lourdement grevés par leurs investissements hautement spéculatifs.

 

Les finances publiques allemandes – fragilisées par les problématiques démographiques aigües – achèvent d’assombrir ce tableau tandis que la régression de la population active entamera sérieusement les recettes et aggravera les factures relatives aux retraites et aux frais de santé. C’est ainsi que pendant qu’elle s’acharne contre certains pays en les mettant en demeure de réduire leurs déficits, l’Allemagne souffre de son côté de dettes élevées et en dépassement des critères et des traités européens. Ses dettes publiques se montent en effet à plus de 80% de son P.I.B., chiffre condamné (selon la Bundesbank) à se maintenir au-dessus du palier autorisé des 60% pendant encore plusieurs années … Les ennuis s’approchent donc irrémédiablement de l’Allemagne qui ne tardera pas à son tour à découvrir que charité bien ordonnée commence par soi-même.

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