La prétendue exemplarité du système bancaire espagnol
Alors que l’Espagne a désespérément besoin d’un montant minimum de 100 milliards d’Euros pour sauver de la banqueroute son système bancaire, qui se souvient aujourd’hui que ces établissements financiers espagnols étaient cités comme référence il y a de cela quelques années à peine ? Les autorités de régulation du pays ne se plaisaient-elles effectivement pas de rappeler haut et fort et de déclarer lors de toute conférence internationale que ses banques s’étaient sortis avec des dégâts négligeables de la crise financière et du crédit ayant culminé en fin 2008 et début 2009 ? La technique des « provisions dynamiques » était présentée comme instrument suprême ayant épargné le système bancaire espagnol et qui consistait à faire des réserves lors des périodes fastes afin d’être armé à affronter les crises futures. Ce coussin – qui était supposé leur permettre de traverser les épreuves les plus rudes – était censé représenter l’arme contre cyclique par excellence pour lutter et surmonter les potentielles pertes futures causées par des prêts non remboursés. Si ce n’est que les principes de comptabilité ne reconnaissent pas vraiment ces « provisions dynamiques » dont on sait aujourd’hui qu’elles ne constituent qu’une infime partie des pertes de banques espagnoles qui ont masqué une réalité nettement plus dramatique.
C’est avec la troisième banque espagnole en matière de financements, Bankia, que fut découvert le pot aux roses, elle qui avait annoncé des profits de 41 millions d’Euros pour 2011 et qui s’est finalement résolue le mois dernier à réajuster ce chiffre à … des pertes de 3.3 milliards ! L’observateur averti et exigeant – mais combien étaient-ils à l’époque ? – aurait pourtant facilement mis le doigt sur l’artifice comptable qu’étaient les « provisions dynamiques » qui revenaient à sous évaluer des profits actuels pour les réinjecter afin d’enterrer des pertes futures, le tout dans une volonté évidente de masquer la volatilité des résultats de l’établissement en question. L’euphémisme des « provisions dynamiques » était tout bonnement une escroquerie intellectuelle visant à lisser les mauvaises décisions et les risques inconsidérés pris par les banques espagnoles ! Le fameux observateur avisé savait donc pertinemment que le système bancaire d’un grand pays comme l’Espagne présentait dans ses bilans une situation comptable fausse et tronquée, qui plus est avec l’assentiment – ai-je dit complicité ? – de son régulateur lequel avait autorisé dès 2000 ce fameux tour de passe-passe. Cette escroquerie intellectuelle étant en outre d’une simplicité quasi enfantine puisqu’elle permettait aux établissements financiers de sembler en bonne santé jusqu’à ce qu’elles épuisent leurs réserves où elles pompaient allègrement par temps de crise.
Au demeurant, pratique en violation manifeste avec les standards comptables internationaux adoptés il y a longtemps par l’Union Européenne, et donc par l’Espagne. Sans pour autant provoquer de sanctions – ni même d’ultimatum pour stopper ces pratiques – de la part des dirigeants européens parfaitement conscients que l’Espagne violait ces standards. Moralité de l’histoire : Il est parfaitement toléré que des établissements financiers européens de taille importante masquent leurs pertes si elles parviennent ainsi à traverser une crise violente. Les banques espagnoles n’ont-elles pas honorablement tiré leur épingle du jeu de massacre survenu à l’automne 2008 ? Si ce n’est que nous savons maintenant qu’elles étaient toutes sur un siège éjectable et que ces « provisions dynamiques » n’ont fait qu’aggraver leurs situations financières en rendant leur sauvetage beaucoup plus cher aujourd’hui.
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