Faites ce que je dis mais pas ce que je fais!
Quelle est la position de l’Allemagne vis-à-vis des déséquilibres mondiaux dont elle est en partie responsable? Etant en effet un des principaux pays exportateurs et entretenant subsidiairement de larges excédents de sa balance des paiements, sa compétitivité est en outre considérablement favorisée par une politique salariale nationale restreignant les revenus. Enfin et en dépit de sa volatilité sur le marché des Changes, l’Euro – qui la relie aux autres nations de l’Union – lui permet d’assurer la stabilité de ses exportations en direction de pays Européens dont les déficits sont inversement proportionnels à ses excédents. En effet, sans la monnaie unique, l’appréciation de sa devise nationale aurait eu un impact négatif non négligeable sur la balance commercial allemande car l’Union Européenne est de loin son premier partenaire commercial.
C’est dans ce contexte que s’est exprimé il y a quelques jours Axel Weber, Président de la Bundesbank et candidat à la succession de M. Trichet, pour affirmer (sans surprise) qu’il était “rationnel que les pays aux populations âgées comme l’Allemagne épargnent plus car leurs ménages sont soucieux de maintenir leur niveau de vie” sachant que “tout le monde ne saurait avoir de larges excédents et spécialement les pays en développement”… Poursuivant sur sa lancée, Weber cite nommément la Chine en lui suggérant ” de ne plus accumuler de réserves de change substantielles” mais d'”investir ses excédents” afin de contribuer à “diminuer la vulnérabilité de l’économie globale aux chocs adverses”. Autrement dit et selon le Président de la banque centrale allemande, les excédents chinois sont néfastes tandis que ceux de son pays sont acceptables, voire compréhensibles!
Pourtant, ces deux nations ont plus de points communs que ce que Weber veut bien admettre : en effet, la population chinoise est elle aussi vieillissante et l’Allemagne investit également et de manière assez conséquente dans les actifs financiers globaux. Son système bancaire n’a-t-il en effet pas très largement été infecté – et affecté – par la crise des subprimes et autres actifs toxiques où ses grandes banques privées mais aussi ses “Landesbanks” ont été très lourdement impliquées?
Toujours est- il que la prescription de M. Weber aux pays Européens fragilisés – comme la Grèce ou l’Espagne – consiste à supporter tous seuls l’intégralité du poids de ces déséquilibres et de procéder sans tarder à des ajustements structurels qui ne devraient évidemment pas affecter son propre pays. Pour Axel Weber, il n’est ainsi “ni nécessaire ni utile” d’augmenter les salaires ou les dépenses publiques au sein des pays à excédents…Quant à la Chine, elle est exhortée à relancer sans tarder sa consommation intérieure tout en acceptant une plus grande flexibilité de sa devise.
L’Allemagne se rend-elle seulement compte que cette posture intenable et sournoise altère considérablement sa crédibilité? Reconnaissons quand même à l’Allemagne d’avoir réussi avec brio à se tailler une Europe à sa mesure et tout à son avantage. Le résultat est sans appel car l’Allemagne est aujourd’hui la grande gagnante de l’Europe…
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