Draghinocchio

Draghinocchio

novembre 6, 2012 0 Par Michel Santi

L’histoire était pourtant belle : une authentique « success story ». En effet, ancien de Goldman Sachs, le gouverneur de la BCE Mario Draghi avait tout pour plaire et – de fait – la confiance inébranlable qu’il inspirait aux marchés financiers suffisait à faire passer au second plan les griefs formulés à son encontre par la très rigoureuse et orthodoxe Bundesbank allemande. Souvenons-nous des reproches – souvent acerbes et verbalement violents – émis par le Président en exercice de la Buba Jens Weidmann, qui met régulièrement en accusation la BCE, taxée d’accepter des papiers-valeurs pourris et indignes de son bilan en échange de financements accordés à l’Europe périphérique. Et rappelons-nous des réactions de Draghi balayant ces griefs d’un revers de main – et pourquoi ne l’aurait-il pas fait, lui qui bénéficiait de la confiance et de la complaisance des tous puissants marchés financiers. Qui a oublié sa déclaration impérieuse selon laquelle il «fera tout pour sauver l’euro », ayant propulsé des marchés devenus subitement euphoriques ?

 

Ne voilà-t-il pourtant pas qu’une nouvelle sortie le week-end dernier par « Die Welt » (encore ces allemands !) et reprise par l’agence Bloomberg fit péricliter cette confiance qui n’était finalement qu’un château de cartes, car Draghi fut pincé en flagrant délit de mensonge ! La BCE ayant effectivement consenti aux banques espagnoles des conditions de financement d’un laxisme inouï, contrevenant sans nulle équivoque à son mandat, et donnant implicitement raison aux inquiétudes allemandes. C’est ainsi pour pas moins de 80 milliards d’obligations espagnoles à court terme qui ont été acceptées par la BCE en nantissement de crédits accordés et qui ont été affublées de la notation enviable de « A », alors qu’elles ne méritaient que la « B » ! Cette différence de lettre est loin d’être anecdotique – en fait elle est même tout aussi choquante que substantielle – puisque les établissements financiers espagnols seraient réduits à produire près de 17 milliards d’euros de garanties supplémentaires du fait de cette notation moindre. Question à cent pesetas : y a-t-il encore 17 milliards d’euros à engager dans les comptes des banques espagnoles ?

 

Voilà donc des établissements financiers qui bénéficient de crédits illimités de la part de la BCE à un taux fort enviable de 0.75%. Illimités tant qu’ils ont des actifs à mettre en gage qui soient susceptibles d’être acceptés par une banque centrale – digne de ce nom, s’entend… Et si, après tout, la vénérable Bundesbank était dans le vrai ? Que valent vraiment ces 80 milliards d’obligations mises en gage par le système financier espagnol ? La BCE peut-elle impunément accepter des papiers-valeurs « zombies » et engager ainsi l’avenir des citoyens européens implicitement contraints d’honorer de telles créances ? La banque centrale, représentant et défendant les intérêts de la première zone d’activité économique au monde, peut-elle impunément mentir ou, à tout le moins, regarder ailleurs dès lors qu’il s’agit de faire preuve de rigueur, voire d’honnêteté ?

 

Il est vrai qu’elle vient tout juste d’être sauvée par le gong, ou plutôt par une agence canadienne inconnue – DBRS – qui vient de confirmer la notation « A » de ces 80 milliards d’obligations espagnoles… Voilà donc la Banque d’Espagne qui saisit cette opportunité inespérée afin d’exiger que ce « rating soit pris en compte », faisant fi du géant « Moody’s » ayant rétrogradé la notation du pays. La solvabilité des papiers-valeurs espagnols est donc aujourd’hui tributaire d’une agence inconnue qui permet à la Banque d’Espagne et à la BCE de sauver la face et de maintenir de tels financements. Peu importe après tout si l’Espagne fleurte jour après jour un peu plus avec un abîme rendu inéluctable du fait d’un gouvernement qui ne résigne toujours pas à demander son renflouement aux autorités européennes et au F.M.I..

 

Au-delà de cette somme pharamineuse de 17 milliards d’euros qui devrait être requise aux banques espagnoles comme garantie supplémentaire, la question fondamentale qui se pose est celle de la qualité de sa gestion des risques par la BCE. A un stade de la crise où elle est devenue toute puissante puisqu’elle contrôle – de facto – les systèmes bancaires de toutes les nations européennes périphériques. Une question cruciale, voire existentielle pour tous les citoyens de l’Union, s’impose : Qui contrôle la Banque centrale européenne ?

Chers lecteurs,

Voilà plus de 15 ans que je tiens ce blog avec assiduité et passion.
Vous avez apprécié au fil des années mes analyses et mes prises de position souvent avant-gardistes, parfois provocatrices, toujours sincères.
Nous formons une communauté qui a souvent eu raison trop tôt, qui peut néanmoins se targuer d'avoir souvent eu raison tout court.
Comme vous le savez, ce travail a - et continuera - de rester bénévole, accessible à toutes et à tous.
Pour celles et ceux qui souhaiteraient me faire un don, ponctuel ou récurrent, je mets néanmoins à disposition cette plateforme de paiement.
J'apprécierais énormément vos contributions pécuniaires et je tiens à remercier d'ores et déjà et de tout cœur toutes celles et tous ceux qui se décideront à franchir le pas de me faire une donation que j'aime à qualifier d'«intellectuelle».

Bien sincèrement,

Michel