
De la Grande Dépression à la Grande Récession
Quel dommage que les politiques ne soient pas un peu historiens ! Et qu’il est regrettable pour nous tous qu’ils ne se retournent pas vers l’année 1931 – tragique entre toutes – afin d’en tirer des parallèles et de précieux enseignements pour aujourd’hui…
Ce fut en effet la faillite de la très importante banque autrichienne, Österiechishe Kredit Anstalt, surexposée envers l’Europe de l’Est et l’Europe Centrale accompagnée d’une instabilité financière générale en Europe menaçant une implosion monétaire du fait des réparations allemandes impayées. Jusqu’à ce que les Etats-Unis interviennent dans le sens des restructurations des dettes d’une Allemagne qui s’accrochait à l’étalon or, pourtant une des raisons principales de la Grande Dépression. C’est du reste les pays ayant abandonné les premiers l’étalon or (Grande Bretagne suivie des pays Scandinaves) qui se tirèrent les premiers de cette effroyable crise. La remontée inopinée des taux d’intérêts américains en 1928 donna certes le signal de départ de cette crise. Pour autant, la calamité mondiale déflationniste conjuguée à une contraction de toutes les économies prirent leurs racines dans l’étalon or et ce notamment du fait de l’attitude … de la France, présentée par nombre de spécialistes comme principale responsable de l’intensification de la Grande Dépression !
C’est effectivement l’augmentation substantielle par la France de ses réserves d’or – de 7 à 27% entre 1927 et 1932 ! – qui, induisant une raréfaction de ce métal, devait indiscutablement contribuer à installer une spirale déflationniste gigantesque sur l’ensemble des nations développées de l’époque. La déflation ayant été le signe distinctif de la Grande Dépression, elle aurait pu être évitée si les banques centrales de l’époque (et en tout premier lieu la française) avaient maintenu leurs ratios aurifères de 1928… Quel dommage que les politiques ne soient pas un peu historiens car la conjoncture des années 1930 ressemble – là aussi – étrangement à notre période actuelle si ce n’est que c’était à l’époque l’Allemagne qui était dans la situation de l’Europe périphérique d’aujourd’hui ! Entièrement dépendante des fonds étrangers, elle avait été laminée par les réparations irréalistes stipulées au Traité de Versailles, subissait une hyper inflation dès le début des années 20 dans un contexte général de banques nationales grossièrement sous capitalisées. C’est donc une austérité violente et sans précédent qu’elle dut mettre en place à la faveur de l’assèchement de ses financements internationaux, d’où un taux de chômage qui devait dépasser un temps 35% de sa population.
La France – qui à l’époque était l’Allemagne d’aujourd’hui – allait bien : elle affichait une des économies les plus prospères et les plus solides du monde de l’époque, naviguait dans ces eaux troubles en maintenant un taux de chômage à un seul chiffre et des excédents comptables enviables. En mesure de se muer en locomotive financière du reste de l’Europe de cette période de la fin des années 1920 et du tout début des années 1930, la France préféra néanmoins se murer dans une posture égoïste et renfermée en refusant d’adopter une politique économique et monétaire conciliante et expansionniste, optant plutôt pour ignorer les déboires de ses voisins. L’effondrement financier de l’Europe doit beaucoup à ce nombrilisme français de l’époque. Comme les nations périphériques européennes peuvent aujourd’hui, avec raison, blâmer l’intransigeance allemande de l’extrémité intolérable où elles sont parvenues. Du reste, la France ne put se soustraire à cette crise qui devait rudement la contaminer dès 1932. Comment ne pas reconnaître que la France de ces années là est l’Allemagne d’aujourd’hui qui s’empêtre dans des faux pas et qui se complait dans des erreurs dont elle finira par lourdement payer – elle aussi – le prix ?
Car s’il est un pays qui, entre tous, est soucieux de retenir les enseignements du passé, ce pays est bien l’Allemagne. Alors, pourquoi accorde-t-il tant d’importance à l’hyper inflation de 1923 quand il devrait plutôt se monter profondément soucieux d’éviter l’année 1933, année qui vit l’extinction de sa démocratie ? Que Madame Merkel retourne sur les bancs de l’école et qu’elle réapprenne comment une crise bancaire européenne déclenchée en 1931 fit basculer son pays – et l’Europe – dans l’horreur dès 1933 !
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