Le Capitalisme Etatique
Les investissements consacrés à la recherche et au développement ayant été graduellement réduits décennie après décennie, la dynamique d’une croissance robuste a été en conséquence considérablement grippée. En fait, comme la croissance réelle n’a fait que régresser lentement mais sûrement depuis la fin des Trente Glorieuses, les Etats ont pris sur eux de maintenir tant bien que mal les niveaux de vie de leurs citoyens via des dépenses publiques croissantes et des politiques de taux d’intérêts bas. Les chantres du marché libéré et du moins d’Etat et incarnations de l’hyper libéralisme comme Reagan ou Thatcher avaient eux-mêmes échoué en leur temps à atteindre leur objectif de limiter les dépenses Etatiques…
C’est pourquoi ces déficits massifs des pays de la zone Euro et des Etats-Unis ne devraient pas tant être considérés comme la source de tous nos problèmes économiques que leur symptôme! Ces dépenses Etatiques ayant en effet été augmentées afin de compenser ou de contrebalancer des conjonctures et des édifices économiques structurellement anémiques, elles ont de surcroît été accentuées depuis la période excessivement tourmentée de 2008 et 2009 marquée par la nécessité impérieuse de soulager la crise du crédit. Partant de cette explication, on se rend compte que les solutions apportées à la crise Européenne consistant notamment en la création d’un Fonds de stabilisation ne feront que colmater les brèches et gagner encore un peu de temps avant le naufrage final … et ce tant que cette problématique centrale de croissance mièvre n’aura pas été résolue.
Toujours est-il que, si les Gouvernements ont été forcés au fil des années – pour la paix et l’harmonie sociales de même que pour leur propre longévité – de créer de la croissance avec les finances publiques, ils ont échoué lamentablement à juguler la crise ayant démarré en 2007 et à limiter ses répercussions dramatiques sur les économies. Les finances publiques Européennes et Américaines leur auraient en effet donné – à l’époque – toute latitude pour absorber dès 2008 tous les boulets et ardoises traînés par le secteur financier et d’éviter ainsi la contamination de proche en proche à tous les secteurs de l’économie… Dans cette optique, les USA – qui ont réagi bien plus énergiquement que l’Union Européenne et que la Grande Bretagne – se retrouvent aujourd’hui dans une situation autrement plus enviables qui les autorisera à procéder aux assainissements structurels indispensables pour bénéficier de croissance saine, donc peu redevable à la dette. Les Etats-Unis, qui s’apprêtent en conséquence à retirer progressivement les soutiens publics afin de laisser leur économie voler de ses propres ailes, offrent ainsi un contraste saisissant avec une Union Européenne dont l’unique préoccupation est aujourd’hui de restructurer ses dettes!
Quoiqu’il en soit, le préalable fondamental au rétablissement de cette croissance “authentique” consistera en l’inévitable réduction du secteur financier et ce proportionnellement à chaque économie respective. L’exigence de la part des institutions financières de réserves en liquidités plus importantes et d’une diminution notable des leviers utilisés n’évitera certes pas une nouvelle crise financière mais se traduira automatiquement en des crises de moindres ampleur et gravité. Il n’est certes pas matériellement possible de réduire ce levier massif qui domine nos économies et notre finance du jour au lendemain: le Japon, qui procède à ce type de karchérisation au coeur même de ses secteurs financiers et immobiliers depuis une vingtaine d’années est bien placé pour l’attester…
Bref, si ce marathon Occidental en est encore clairement à ses balbutiements, il sera immanquablement accompagné – et même précédé – par un retour en force de l’Etat qui interviendra de plus en plus dans le capitalisme. En conclusion, la fameuse “main invisible” des marchés ayant régné en maîtresse des décennies durant est sur le point de s’éclipser au profit de la main de fer des Etats. Les Gouvernements actuels et futurs feront-ils enfin preuve de responsabilité pour amorcer l’indispensable et vital processus consistant à remédier aux déséquilibres structurels tout en exerçant un contrôle accru sur les marchés ?
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Michel